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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 24 septembre 2012

Actuel 25 : Forfaiture et haute trahison "socialiste"


Les journaleux de "Charlie-Hebdo" ont choisi, au nom de la liberté d'expression, d'en remettre sur la provocation anti-arabe : ils publient de nouvelles caricatures autour de Mahomet juste en accord et synchronisme avec le film lamentable qui fait ces jours-ci le fond du tam-tam pour la "guerre des civilisations". Toutes sortes d'analyses, et même d'intéressantes, ont déjà été mises en ligne sur la Toile pour expliquer cet appel à l'instinct grégaire, particulièrement bien mené et particulièrement immonde, pour conduire une fois de plus à des massacres.
Un aspect très important, en France au moins, de cette saloperie, semble toutefois négligé : en douce et en arrière-plan, il y a la ratification du traité instaurant l'austérité éternelle "de par l'Europe". Contre la volonté du peuple français comme des autres peuples, le crime est commis par la fausse représentation "nationale" (en fait : la coalition d'élus soutenus par la finance internazionale).
Il est bien évident que les malheureux cocus qui se précipitent pour acheter "Charlie-Hebdo", et pour se passionner à la demande des haut-parleurs ministériels omniprésents sur les ondes, perdent complètement de vue ce qu'on est en train de faire comme loi (anticonstitutionnelle) dans leur dos et à leurs dépens.

Une manifestation, partiellement avortée déjà vu ces circonstances, doit avoir lieu contre le nouveau traité de finance européenne, à Paris le 30 septembre à 13h30 (cf. le site <audit-citoyen.org>). Il importe de déclarer que ce n'est pas grand-chose, et surtout terriblement pas assez. Le pouvoir d'argent compte fort bien sur le sentiment d'inefficacité de telles cérémonies de rue, qui décourage les organisations démocratiques. Tant qu'aux violences de ce pouvoir on n'opposera que les lâchetés de la non-violence, tant qu'on recommettra à l'égard de la finance les lâchetés qui ont porté Hitler à un pouvoir et à une violence croissants, on refera aussi les préparatifs de massacres à toutes les échelles de guerre : celle qui fut froide et qui est de plus en plus chaude, de plus en plus présente et partout de plus en plus civile.
Ceux qui ont en tête quelques images de visages creusés par la faim et le malheur en Espagne, en Italie, en Grèce comme en Syrie ou en Libye, ne doivent plus tarder à comprendre que les Résistants sous la botte nazie n'ont pas pu se battre uniquement avec des fleurs à leurs fusils. La situation aujourd'hui est plus terrible, parce que les nouveaux Résistants ne peuvent guère compter sur une alliance extérieure avec un autre empire. Mais ils ont d'autres armes à leur disposition, dont jusqu'ici ils n'usent guère, pour rassembler les gens, rassembler des forces. On l'a montré partout dans ce blog. Puissent quelques-uns au moins s'en saisir enfin.

Fond 6 : Grandeur de Marx


En rappelant les trahisons plus ou moins volontaires et conscientes de gens qui se réclament de Marx, par exemple lors des élections, ou en comparant la référence considérable que constitue son œuvre aux gémissements impuissants de nombreuses gauches, on a déjà tâché ici même de se démarquer de bien des anticommunismes. Il est temps de situer plus nettement les choses.

En gros, Marx jusque dans ses fautes est davantage victime que coupable. Il faut pour le comprendre, rappelons-le encore, se souvenir du contexte éducatif de sa jeunesse (cf. Actuel 23) : avec les bénédictions empressées du Vatican, la répression idéologique par la Sainte-Alliance après Waterloo était féroce ; et l'étranglement de Diderot, de l'Encyclopédie et de la philosophie expérimentale, était rigoureusement dans la ligne du crime contre l'humanité que fut l'étranglement par l'Eglise de Galilée et de la mise au jour de la méthode expérimentale. Or Hegel était la représentation actualisée, cléricale-universitaire, de cette répression ; et Marx, d'éducation monothéiste et donc verbaliste, n'a pu sortir de la fascination par les mots du faux philosophe, de son Verbe-"brouillard nacré" (Brecht dixit) : c'était la pente naturelle et facile, presque inévitable pour un lecteur hébraïsant et sans formation scientifique, de se mettre à lire l'état de la science dans la formalisation verbale par Hegel de la mécanique newtonienne — les forces appliquées ou d'inertie étant reconverties en "contradictions" universelles —. Il aurait fallu, pour mieux se méfier de ce Verbe et des renvois aux livres au lieu des faits, saisir l'Encyclopédie de Diderot dans son principe, revoir à travers elle que suivant Galilée "le grand livre de tous les livres est celui que la nature tient éternellement ouvert sous nos yeux", mesurer l'immensité de courage et de justesse que représentait cette phrase, en un temps où on risquait le bûcher pour opposer ainsi la réalité à la Bible brandie par l'Inquisition comme Livre, référence par excellence...
Il aurait fallu tout cela pour signifier clairement à l'humanité entière qu'en ce qui concerne l'expérience politique, économique et sociale, "le grand livre de tous les livres est celui que l'histoire tient éternellement ouvert sous nos yeux" — par-delà les voiles et tricheries des catéchismes et autres media...

N'empêche. Avec toutes ses ignorances, ses schémas partiels et figés en système, sa logorrhée et ses fuites en rêves, Marx est, Marx demeure, celui qui a le plus nettement installé l'histoire comme référence première pour tout ce qui concerne l'humain ; il est par excellence l'effort pour offrir ainsi à la fois une base théorique globale et une prise de conscience au quotidien, qui entraînent l'action progressiste dans la durée.
Il est douloureusement facile aujourd'hui de voir à quel point son large enfermement économique est une erreur : la manipulation par les instincts contre "l'étranger" et en général l'autre peut surpasser en efficacité les évidences de l'exploitation capitaliste, le goût d'élever son statut social est plus fort parfois même que la faim, la maladie de puissance à tout prix transcende totalement les formes monétaires. De même, il est facile désormais de comprendre que c'est l'appât de la domination qui fait les classes, et nullement les classes qui font les luttes. Dans son itinéraire et en son temps, alourdi encore par les encouragements déviants d'Engels (sans lequel il lui était matériellement impossible de vivre), Marx n'en pouvait pas voir et savoir grand'chose.

Malgré tout, en enseignant au moins un mode de lecture réaliste du monde et de l'histoire, il a été le fondateur d'un espoir vraiment humaniste, donc hors dieu, et cet espoir a un peu pris corps dans des milliards d'esprits, dans de nombreux pays, partout sur la planète. Si on ne devait retenir de lui que cet essai, avec la haine en particulier catholique qu'il a éveillé contre lui et son œuvre, contre ses vérités et ses principes, ce serait un titre de reconnaissance sans fin.

Actuel 24 : Media "de-référence"


Dans un petit livre paru en 1999 sous le titre "Le Monde, un contre-pouvoir ?", Jean-Paul Gouteux commençait par rappeler un jugement de tribunal correctionnel en sa faveur : il avait traité Jean-Marie Colombani, à l'époque directeur de publication du journal en cause, et son collaborateur Jacques Isnard d'"honorables correspondants" de la DGSE ; tout bien attendu, le jugement avait décidé que c'était à juste titre...
Seulement l'avocat de Gouteux était Me Bourdon : autrement dit, quand on veut parler du Monde et du Monde Diplomatique, si ce n'est pas en petit comité il vaut mieux avoir des antennes chez des gens de loi connus pour leur dévouement à des droits essentiels. Considérons qu'ici nous sommes en petit comité.
On nous fera sans doute remarquer que les deux journaux nommés ne sont pas aussi liés aujourd'hui qu'ils le furent. C'est vrai, mais on n'échappe pas aux pesanteurs de l'histoire, et il existe une sainte institution qui ne laisse pas volontiers échapper des parts de son influence. Détaillons un peu.

Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien comme du mensuel, était un disciple de Péguy. Nationaliste et catholique — quoique non antisémite à une époque où la droite l'était parfois furieusement —, anticommuniste confondant volontiers dans les mêmes reproches de totalitarisme non seulement les dictateurs d'Allemagne et d'Union Soviétique mais les principes, voire les militants mêmes des doctrines nazies et marxistes (lisez sa prose des années 1930), Beuve-Méry se rangea assez activement à la Résistance pour se trouver à la tête du commando qui se saisit des locaux du Temps lors de la Libération de Paris. Le Temps était le journal "de-référence" de la bourgeoisie d’entre-deux-guerres la mieux-pensante et de la propagande franquiste la plus efficace (cf. par exemple le film Le chagrin et la pitié). C'était aussi l'organe des expressions balancées contre "M. Hitler". Eh bien, quant à la forme, le Monde en reprit intégralement et strictement la typographie, jusque dans son bandeau-titre, et les modes d'expression, pour en recouvrer le lectorat ; et quant au fond, le Monde prit la suite du Temps par branchement immédiat sur le réseau d'information des nonciatures très apostoliques...
Il faut saisir là-dessus des choses qui ne changent pas : aujourd'hui encore, les quatre réseaux les plus étendus de Renseignement sont ceux des deux empires anglo-saxons, celui des banques suisses et celui, donc, du Vatican. Ce dernier a tenté, au début du XXIe siècle, d'établir en France un groupe de presse au niveau des financiers nationaux — le Monde a racheté toute une kyrielle de titres, dont Télérama — mais la finance a eu raison même de cette sorte d'indépendance. Dans le tourbillon qui s'ensuivit, le Monde Diplomatique affirme avoir réussi — malgré la chute des (pauvres) recettes publicitaires et grâce, nous dit-on, au soutien des lecteurs acceptant une augmentation de prix — son rétablissement de bilan monétaire. A partir de là il a prétendu prendre ses distances à sa matrice initiale. Sans préjuger des développements futurs, nous voudrions fournir là-dessus quelques éléments d'information à nos lecteurs, à partir du disque — vendu 45€ — des Archives 1953-2011 du mensuel.

Il y a des repères pour juger de l'indépendance d'un titre vis-à-vis des media dominants — mainstream media —. Un des plus sûrs critères consiste à examiner la position d'une rédaction vis-à-vis des atroces attentats qui unissent dans la même ligne politique l'exploitation du 11 septembre 2001 et celle de l'assassinat de Kennedy en 1963. Or sur celui-ci, Serge Halimi signait en 1992 un article féroce, Une vision falsifiée de l'histoire, contre le film d'Oliver Stone (JFK), et dix ans plus tard un texte de même veine, Complotite, contre le livre de Thierry Meyssan (L’effroyable imposture) : on aurait pu souhaiter un moindre alignement sur les mensonges officiels, et des prises de position plus courageuses que de telles infamies. D'autant plus que ces rares touches du Monde Diplomatique accompagnent parfaitement l'inamovibilité correspondante du Monde sur ces thèmes : car ce dernier ne cesse de donner le ton des accusations de "comploto-conspirationnisme" contre tous ceux qui s'avisent de simplement lire, jusque dans les sites gouvernementaux des Etats-Unis, les preuves des mensonges et faussetés soutenus dans tous les media contrôlés par l'argent.
Bref le Monde et le Monde Diplomatique demeurent bien sur la même ligne en un point capital de tricherie médiatique, au service de la désinformation-CIA.
Cas isolé ? Certes non. Simplement il faudrait accumuler des détails, habilement épars, et comparer les sinuosités de ces journaux avec celles de l'Osservatore Romano (le journal du Vatican) pour faire voir la perversion dans sa constance. On aura sans doute l'occasion d'y revenir, car il serait étonnant que la bataille pour la direction et la ligne du "Diplo" ne connaisse pas de rebondissements.

En attendant, on peut toujours rêver que Monsieur Halimi, désormais directeur, se détache toujours davantage du beau Monde après lui avoir donné les gages rappelés ci-dessus. Peut-être même, non content de dénoncer ses confrères-nouveaux-chiens-de-garde, signalera-t-il par exemple hardiment et généreusement les sites de la Toile où on prend le contrepied des intox officielles les plus terribles. Certains songeront aussi à excuser les glissades du "Diplo" en prétextant qu'il faut des réformistes insérés dans le système pour laisser un peu respirer les révolutionnaires, et que c’est bon d’entendre, même dans de mauvaises odeurs, quelques parts de vrai qui ne paraissent pas partout...
Mais pour le moment, on sait bien à qui servent les déchaînements venimeux, accusant de "complotite" les auteurs (par exemple aux Etats-Unis : naguère Garrison, aujourd'hui Michael Moore) qui en fait étalent simplement des déformations monstrueuses de réalités par la propagande "occidentale". En outre, dans la même ligne de désinformation du "Diplo" :
– des données considérables sur la "Françafrique" sont indiquées seulement de façon marginale
– on ne trouve pas, ou à peine mentionnés, des livres aussi essentiels que celui du Dr. Henri Fabre sur "l'Eglise catholique face au fascisme et au nazisme" (éd. EPO) ou celui de Baran et Sweezy sur "Le capitalisme monopoliste" (éd. Maspero, paru en 1968, mentionné d'une "note de lecture" en... 2001)
– sont tues des parts de science aussi considérables que les grandes matérialisations de fonctionnement du cerveau et surtout, surtout, l'éthologie et l'enracinement de l'espèce humaine dans l'animalité, jusque dans sa psychologie politique
et cætera.

Il n'est pas question de nier l'efficacité du procédé — négations et condamnations constantes, effrontées, de données aussi indéniables que gênantes pour la diplomatie vaticane ; censure dosée, absolue ou partielle et retards injustifiables sur des fondements d'appréciation philosophique et politique, allant des crimes coloniaux aux avancées de savoir qui ridiculisent toujours davantage le fatras abscons de la Bible ; grossissements au contraire de lectures et anecdotes sans intérêt —. Entre toutes ecclésiastique, la méthode est en effet difficile à dénoncer, surtout dans un public rendu intellectuellement inerte, largement matraqué de simplifications et de perfidies sur la "subtilité" des chercheurs de vérité — tandis que les obscurités ou absurdités de textes dits sacrés sont présentées comme simple occasion de révérer les théologiens...

On y reviendra certainement.