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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mercredi 6 février 2013

Actuel 34 : Mali


Déjà presque quarante ans, 1974 : le président de la francophonie et du Niger, Hamani Diori, partait pour une conférence internationale ; il s'apprêtait à y dévoiler que, chère francophonie ou pas, il allait vendre l'uranium de son pays au Canada, parce que celui-ci en offrait un meilleur prix que la France. Par le plus grand des hasards et la plus parfaite coïncidence, il était justement renversé par un coup d'Etat militaire. Seuls des gaucho-conspirationnistes obsessionnels proches d'anarcho-autonomes iraient voir là une main de réseaux françafricains qui n'y ont jamais mis le pied : un coup d'Etat militaire ! en Afrique ! fomenté par la France ! qu'est-ce que ces inféodés à Moscou (c'était encore URSS en ce temps-là) n'iront pas inventer !

"Voyons", diront des lecteurs surpris, "le titre parle de Mali : confusion ?" Non : regardez la carte SVP. Partez de la Libye, courez le long de la frontière algérienne (l'Algérie, vous en avez récemment entendu parler ?) pour vous enfoncer d'un coup dans le Mali mais, dans votre élan, frôlez longuement, amoureusement une de ces frontières poreuses dont la malheureuse Afrique a le secret : vous préparez votre visite au Niger, le pays le plus pauvre de la planète par ses habitants (ONU dixit), l'un des plus riches par les ressources de son sous-sol — si vous avez besoin de la traduction : une chasse gardée d'Areva et des minières françaises, un gouvernement corrompu comme on n'en voit pas dans les films, et des accords-de-"défense"-avec-la-France en béton armé... —
Dans votre parcours, du nouvel émirat à Benghazi (ex-Libye) au Mali, vous venez de suivre l'itinéraire d'offensive d'Al Qaeda, dont les groupes locaux viennent de fusionner avec leurs correspondants en Syrie sous la houlette d'un brigand mercenaire. Les armes viennent des parachutages en Libye par l'OTAN, et ont servi déjà à l'assassinat de Kadhafi et de son peuple. A l'époque, un agent (prétendu ! par les gaucho-conspirationnistes cf. supra) de la CIA était à l'Elysée. Par ailleurs on peut lire dans W. Tarpley : « Al Qaeda, la légion arabe de la CIA »... CIA, vous connaissez ? A propos, vos journaux habituels ne sont pas très loquaces sur la rivalité néo-coloniale et toujours impérialiste entre France et Anglo-Saxons, jusque dans la manipulation d'Al Qaeda. Sans doute que tout ça n'existe pas. Pourtant, souvenir, souvenir : personne n'a jamais cherché à savoir par exemple d'où venaient les milliers de drapeaux US brandis au Sénégal par les manifestants enthousiastes, lors de la visite de George W. Bush, ce qui avait révolté nos officines françafricaines — mais c'est déjà si vieux, tout ça...

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Bref. Les Etats-Unis, dont AFRICOM et STRATCOM, ont décidé de redessiner la carte de l'Afrique, dans les conditions qui leur ont déjà bien réussi en Europe depuis l'URSS, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie : ils font éclater autant que possible d'anciens blocs ou Etats en petites entités individuellement impuissantes — ils l'essaient aussi de la Bolivie à l'Espagne catalane ou basque, et il y a des gens pour se croire malins et modernes en parlant d'autonomie et régionalisation —.
Pour la zone nord de l'Afrique :
l'affaire libyenne a été le départ et la fourniture d'armes, Al Qaeda le mercenariat ; l'offensive lancée sur le Mali vise aussi l'Algérie et surtout le Niger, les "régions" ethniques étant faciles à exciter en Afrique plus qu'ailleurs — les frontières héritées du colonialisme ne signifient pas grand'chose ou sont sciemment préparées pour des conflits sans fin : elles séparent des proches de toujours et amalgament au contraire, à l'intérieur d'une supposée nation, des gens qui ne peuvent pas se voir en peinture —.
Sur ce, les transnationales françaises ne peuvent pas laisser détruire leurs prés carrés africains sans réagir : la Françafrique doit s'y coller ou crever. Il faut donc bien qu'elle joue son jeu dans ces méthodes de parcellisation, autour du Sahara comme en Syrie, et les réseaux maintenus depuis Foccart ont fait décider à l'Elysée nouveau genre que les militaires des troupes spéciales d'abord, et puis très vite les autres, mèneraient dès que possible une contre-offensive. D'où l'opération actuelle, et les risibles palinodies en instances internationales, "Europe" ou ONU : si on ne pense plus aux morts sur le terrain, on peut rire des faux-jetons, ne sachant comment maintenir la fiction d'alliance occidentale dans la débauche de coups de pieds aux tibias entre France et USA-Royaume Uni.

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En histoire, surtout impériale, il faut penser à une autre échelle qu'une vie ou de proches frontières. Exemples.

En 1941-42, un très intéressant chargé d'affaires US, un certain Robert Murphy, s'occupait de faire parvenir quelques armes aux Résistants français en Algérie, pour se les concilier dans l'attente du débarquement de novembre 42. Pour la suite, voyez mille et un documentaires — ça n'a pas marché tout à fait comme le voulaient Roosevelt (surtout) et (moins) Churchill, car les fantoches d'Anglo-Saxons Darlan puis Giraud se sont fait virer par un général de brigade à titre provisoire dont le nom m'échappe, n'importe : en tout cas des liens étaient tissés entre USA et Algérie.
Grâce à quoi, fin des années 1950 et début des années 1960, de fameux "bons-offices" étaient offerts à la France par les Etats-Unis pour se sortir du sang d'Algérie. Devinez qui était Monsieur "bons-offices" en chef ? Robert Murphy, dites-vous ? Bingo ! Ce qui nous avait valu une conférence de presse furieuse où le général brigadiste précité, devenu premier président de la Cinquième République, s'irritait d'éventuels successeurs de la colonisation française en « leur souhait[ant] par avance bien du plaisir »...

Il y aura des gens pour dire que "ce cas particulier montre une pérennité d'action sur vingt ans, de 1942 à 1962, pas sur le demi-siècle qui va ensuite jusqu'à 2013  : dans l'ensemble la France est alliée des Etats-Unis depuis toujours, et de telles alliances sont stables !"
Pas les rivalités ? Au Mexique entre autres, Camerone de la Légion ? Lors de la signature des accords "de paix" de 14-18 ? Plus généralement sur rivalités et alliances, que penser d'abord du pacte germano-soviétique ? puis par retour à France-USA, des entrées et sorties de la France dans l'OTAN ? et de la lutte incessante, depuis de Gaulle et Monnet dès la seconde Guerre Mondiale, entre "souverainistes" et "atlantistes" ?

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La partie engagée au Sahara met au jour, et va rendre éclatante et dangereuse, la rivalité des puissances impériales notamment en Afrique. On n'a pas fini d'en lire les conséquences, ni d'en voir les jeux et renversements d'alliances, surtout quand la Russie et la Chine interviendront plus explicitement.
Monsieur Vladimir Poutine a félicité l'Algérie pour la récente intervention de son armée sur le site gazier d'In Amenas, exploité par BP — lisez : British Petroleum .