bienvenue, welcome, welkome,etc

Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


jeudi 28 mars 2013

Actuel 39 AFRICOM et STRATCOM : Libye-Syrie-Iran vers Russie-Chine


Il n'y a pour le moment pas grand'chose à ajouter aux propositions et pressentiments d'Actuel 22. Mais les mouvements se précisent. Sur des sites et éditions marqués par l'influence russe, on parle (on rêve ?) de quelque entente entre Russie et Etats-Unis, et on s'apprête déjà à un lâchage au moins partiel de l'Iran — alors même que l'agression occidentale contre la Syrie n'est pas encore du tout complétée. Il est vrai que l'OTAN a déjà largement préparé les choses, et la réconciliation entre Turquie et Israël précède de peu la livraison officielle d'armes aux "rebelles" (mercenaires fanatisés du Qatar et d'ailleurs) dits syriens. Précisons.
– La Turquie est réislamisée jusque dans les théâtres : on peut y prier en entr'actes dans des lieux très spéciaux
– Israël est plus rabbinisée que jamais
– les armes (surtout les missiles sol-air qui font défaut aux mercenaires, et qui sont l'élément décisif pour faire basculer l'équilibre des forces en leur faveur contre l'armée régulière syrienne) sont celles demandées par le gouvernement de la France, de nouveau en avant-garde de "l'Occident chrétien".
Le journal "de référence" dudit occident chrétien en France, qui s'intitule "le Monde", ne peut que se réjouir de cet humanitarisme œcuménique...

En arrière-plan, l'effort US pour redessiner la carte de l'Afrique depuis la base libyenne se poursuit, tandis que le Pentagone cherche un lieu stable pour établir son AFRICOM — si voyant et si malodorant que pour le moment personne en Afrique n'en veut — : les implantations économiques chinoises devenaient dangereuses, et même émancipatrices pour l'Afrique, et Washington a répondu en résolvant de se montrer militairement là comme ailleurs. Obama a fait de gros efforts personnels en temps et lieu pour ouvrir une porte directe aux Etats-Unis au Kenya, où la traditionnelle influence britannique est encore forte : ce n'est qu'un moment dans la mise à l'écart des anciennes puissances coloniales, et la France au Mali (et de la Tunisie jusqu'au Cameroun) en déguste déjà les hors-d'œuvre. Mais surtout, l'administration Obama new-look est à présent enfin opérationnelle — après la guéguerre civile entre sionistes, longtemps maîtres du jeu de la politique extérieure, et super-patriotes locaux pensant à ce que la trop grande proximité avec Israël leur fait perdre dans le monde arabe —. En tout, le déchaînement en Syrie sera vraisemblablement achevé avant l'année civile 2013.

Quoi ensuite ? Cela dépendra de réactions populaires, par exemple si quelque mouvement se produit enfin en Europe. Mais l'axe du mal ne changera pas pour autant : ce sera évidemment l'Iran qui sera attaquée ensuite, aussi loin qu'il sera possible, pour rendre ridicule l'espoir que Moscou puisse être un allié véritable. L'initiative militaire a été laissée à Israël par Obama lors de sa récente visite. Si c'est ce qui se produit, ce sera un bombardement des sites nucléaires iraniens avec "seulement" quelques dégâts "collatéraux" en infrastructures, préparant un étranglement encore plus complet de la population civile : la ruine inimaginable de l'Irak laisse prévoir ce que cela veut dire, avec la suite de fanatisation folle dans une misère encore accrue — notamment : attentats entre musulmans mêmes, amorcés par les troupes spéciales de l'OTAN puis attribués par media, mondiaux comme locaux, aux chiites et sunnites. Ce sera plus économique en troupes occidentales, et moins infamant pour la Russie. La vraie question est de savoir si on trouvera, parmi les pourris locaux, assez de vendus à l'impérialisme US pour installer des bases militaires complétant l'encerclement de Moscou.

                        Restera la Chine, le plus gros créancier des Etats-Unis dans leur dette écrasante. Il y a des gens qui parlent, sans aucun support politique réel, d'annuler la "dette" du Tiers-Monde. On leur souhaite de penser suffisamment aux voies et moyens par lesquels le gouvernement des Etats-Unis envisage d'annuler, lui, sa dette envers l'Etat chinois.

mercredi 27 mars 2013

Actuel 38 Du défaitisme


"Puis sont venus les barbelés, je veux dire les tyrannies, la guerre, l'insupportable haine, le temps de la révolte. Il a fallu se mettre en règle avec la nuit, la beauté du jour n'a plus été qu'un souvenir. Mais dans les pires années de notre folie, ce souvenir ne m'a jamais quitté. C'est lui qui pour finir m'a empêché de désespérer, et l'on sait qu'il y a aujourd'hui plusieurs façons de désespérer, dont la plus commode consiste à trahir ses frères, et consentir à ce que l'homme soit asservi".

C'est sur un vieux microsillon de 25 cm (Disques "Festival", FLD 19, collection "Leur œuvre et leur voix"), qu'on trouve une récitation par Camus de son "Retour à Tipasa". Elle est assez différente du texte retenu dans l'édition "Pléiade" de ses œuvres — curieusement Quilliot, d'ordinaire si attentif à présenter les variantes des manuscrits, n'en fait pas mention —, et puis c'est beaucoup de l'entendre dans la diction, les intonations de l'auteur même : Camus était considérablement homme de théâtre. Mais les extraits qu'on vient de relire sont aussi davantage.
Souvenons-nous, et transposons. Avant 1939 en Algérie, pour une certaine jeunesse coloniale il y avait surtout, au quotidien, la liberté, l'air, le ciel et les flots. Ce sont ces anciens éclats de bonheur que le texte oppose à la grisaille si souvent mortelle d'une Europe en guerre mondiale brûlante puis plus froide, écrasée par des totalitarismes ou en préparant d'autres. Même antithèse dans l'âme de Camus retrouvant Tipasa après son Nobel : il voyait installée, contre des beautés naturelles encore rehaussées par des ruines, souvenirs de pierres, contre des splendeurs de vie passée ou présente, l'horreur de ferrailles en clôtures — repoussantes de laideur et de mauvais souvenirs : "les barbelés".
Contre "la beauté du jour" ceux-ci, nus ou sous béton, ont gagné beaucoup de terrain, sous des formes plus ou moins agressives, de par le monde de nos années 2010 : le consentement aux trahisons de l'asservissement se répand et s'étale à des échelles qui furent impensables. Ce sont d'abord les extériorités de pourriture médiatique et prêches de mort enchevêtrés, incitations aux faux conforts ou propagandes d'"insupportable haine". Mais c'est aussi, intérieurement dans les êtres, le cancer d'une inertie aux multiples métastases : sur le plan culturel, l'ignorance ; sur le plan de l'échange intime ou social, le repli sur soi ; contre l'action de plus en plus nécessaire, la paresse ; en affaires enfin de morale, la lâcheté. Il faut bien appeler parfois les choses par leur nom.

Ces jours-ci la relecture d'essais actuels, qui se veulent des propositions pourtant, laisse un goût amer. Une foule de gens, à l'occasion de bonne volonté, sont désespérants d'incapacité à l'étude avant qu'ils enfourchent leur recette-dada pour changer le monde. C'est ici un "alter-sommet", là l'invocation au protectionnisme, partout un déluge de mots — et l'oubli voire la condamnation de l'essentiel, qui est la nécessité de traduire la révolte en violence démocratique et populaire. Pardon de le répéter encore : on ne brûle plus la vérité, on la noie ; mais les noyeurs ne sont pas seulement les miroirs aux alouettes des religions et autres publicités : ce sont aussi beaucoup de gens qui ont trouvé leur tribune, et sont ivres d'y parler sans plus écouter en dehors de leur audience. A croire qu'au fond partout, on a si peur de l'évidemment nécessaire qu'on préfère se saouler, et contribuer à saouler les autres, d'illusions vides.
Tant et si mal qu'à force de phrases creuses, même pas tellement sonores, on peut proclamer presque sans risques qu'il faut se résoudre à la lutte vraie : le pouvoir et la censure savent qu'ils sont gagnants à laisser dire. La répression du trop juste et trop clair attirerait l'attention sur ce qui importe : pour perpétuer l'échec et l'impuissance des progressistes, il est bien plus simple de ne rien faire, et de les abandonner à leurs égarements.

Mais jusqu'où et jusqu'à quand tout cela ? Un bon petit livre récent prétend à son tour dire ce qu'il faut — on pourrait discuter de sa thèse, mais finalement peu importe, car enfin le même défaut apparaît que partout ailleurs : cela se termine par une invocation à suivre la révolte... si enfin elle se produit en Grèce ou en Espagne ! Et pourquoi les Grecs et les Espagnols n'attendraient-ils pas que nous nous y mettions, nous en France ? N'y a-t-il pas assez chez nous de faces de rats à qui flanquer une raclée, pour commencer à renvoyer un peu de la violence où toute humanité étouffe ? Des médiateurs de la honte se sont surexcités de colère parce que des ouvriers ont un peu séquestré des cadres : pauvres, pauvres chéris ! Qui, où, acceptera d'entendre que ce ne sont pas seulement des cadres, auteurs largement rétribués de plans sociaux, à qui il faut s'en prendre ?
            Alors qu'en tous domaines la connaissance n'a jamais dit si clairement ce qui est, aussi bien que ce qu'il faut faire, nous sommes de deux ou trois siècles en retard sur les Encyclopédistes dans la diffusion des idées qui valent et la préparation d'une révolution française. Il est vrai que par exemple la compréhension de l'éthologie humaine demande un effort plus hardi et plus neuf que de rechanter — en clans séparés et étanches — l'Internationale...

jeudi 14 mars 2013

Actuel 37 Un DVD, un livre qui changent des mass merdia


Le DVD du film "Les nouveaux chiens de garde" est donc sorti. Il offre les moyens de diffuser, d'un citoyen à l'autre, des images remarquables à propos des liens entre argent et journaleux. Il est accessible, si l'on veut à partir d'Internet, autour de 15€. Chacun peut en faire sa critique, à une condition que ce blog recommande vivement de satisfaire : d'abord le voir.
 Les préoccupations étroitement économiques sont déjà dépassées, à juste titre, dans cette vidéo. C'est très bien : ce sont des raisons de plus d'espérer que, d'ici quelques siècles, peut-être quelques décennies voire moins, même les honnêtes gens finiront par se préoccuper de la manipulation des foules et de ses bases éthologiques. Ainsi la révolution se rapproche, mais pas très vite...
La folle révolte ne la devancera-t-elle pas, à force de retard des organisations progressistes en synthèse d'expérience, science comme histoire, à force de retard de la théorie sur la réalité et les rages que celle-ci engendre ?
Tant que ce blog existera, il désignera ce malheur.

Sur un sujet apparemment autre, à peu près tout le monde — droite et gauche bourgeoises, économistes et historiens, progressistes et réactionnaires — reconnaît un tournant important dans les années 1970. Qu'on le situe par des mots comme "fin des trente glorieuses" ou "début de crises et chômage de masse", le changement est net. Il est naturel d'en chercher l'explication. Il n'est pas juste d'en chercher une cause unique. Mais c'est une part de l'exigence de cohérence que de définir, autant que faire se peut, une hiérarchie des importances de causes. C'est de cela que parle, avec plein de choses intéressantes et profondes, le livre de François Ruffin ("Leur grande trouille", éd. "Les liens qui libèrent", 2011).
On écartera ici dès l'abord, comme l'auteur, les devantures comme "abandon de l'étalon-or" ou "choc pétrolier" : ces effets marginaux peuvent être prétextes à étalage de connaissances raffinées et sans intérêt, mais pas à une analyse de déterminations. Ce serait déjà plus raisonnable de se souvenir des rencontres mafieuses précoces, et comme prémonitoires, autour de Lucky Luciano. En tout cas l'évidence est politique : la lutte pour le pouvoir, aux échelles nationales et mondiale, a vu s'établir un basculement qu'il faut beaucoup de malhonnêteté pour ramener simplement à des classes. La grande affaire est donc que les modes de domination ont changé, et changé aux mêmes échelles : à l'intérieur des frontières et sur la planète. Mais par quels intermédiaires ?
Pas simplement militaires. La supériorité des armes ne peut à elle seule expliquer la victoire de l'impérialisme anglo-saxon : ainsi, l'URSS ne pouvait plus supporter la course aux missiles et aux bombes parce que son économie en faisait un colosse aux pieds d'argile.
On peut glisser de là sur une pente dangereuse : l'économisme. Tout n'y est pas faux. Par exemple, il est vrai que du côté de l'argent, la liberté de pillage et accaparement dissimulés par la "dérégulation" (l'absence de tout contrôle démocratique et notamment judiciaire sur les vols mafieux, dont la fuite en paradis fiscaux), avec son corollaire en abaissement vertigineux des droits de douane, joue un rôle considérable dans la mise en œuvre de l'écrasement des peuples et spécialement des travailleurs : la menace du chômage a pu être exercée avec la dernière violence, par mise en concurrence
– des travailleurs qui acceptent n'importe quel niveau de paye sous le terrorisme — impérialiste ou "communiste" chinois —
– et des ouvriers survivant dans les pays riches, jusque-là préservés par les nécessités de façades démocratiques.
Seulement à partir de là et dans l'actualité, si on pense trop aux salaires en Asie, au rythme des "délocalisations", aux coûts du travail ratatinés par la production en famine du monde pauvre, on risque de ne plus voir que cela. On risque d'en faire l'explication universelle de ce qui s'est passé depuis les années 1970.
Ce serait très grave. Ce serait manquer l'essentiel historique. On doit essayer de lire plus loin.

Dans les années 1960, les audaces étudiantes, ouvrières, tiers-mondistes permises par un relatif mieux-être terrorisaient les pouvoirs, notamment à l'Ouest. Un fort intelligent Prix Nobel d'économie (ça existe) multipliait les exposés sur la possibilité d'une automatisation rapide et presque complète, en utilisant en investissements très orientés une part relativement faible des profits. Wassili Leontieff pouvait mener sa démonstration notamment grâce aux technologies de pointe où les plus-values battaient déjà d'incroyables records (ainsi : 1000% pour des photocopieuses). Technique et surprofit : un des domaines où tous les marxismes, relativement fidèles ou déjà totalement corrompus, ne cessaient d'accuser un retard pathologique. Qu'on réfléchisse à partir de là : à quel système pouvait le plus profiter, dans la lutte pour le pouvoir, ces avancées extraordinaires ? celui où il y avait propriété privée des moyens de production (et donc accaparements des retours d'investissement), ou celui paralysé par le droit de tous au travail ?
Dans le système capitaliste, productivité et profit énormes signifient possibilité de produire en masse sans travailleurs ou presque, donc efficacité multipliée de la menace du chômage. Dans le système se réclamant du socialisme, production plus facile signifie richesse potentielle pour tous et menace pour la domination de la bureaucratie (car celle-ci régissait d'abord à partir du niveau des usines) : il valait bien mieux parader dans l'espace en Gagarine & Co.
Concluez, s'il vous plaît. Ne vous contentez pas de relire l'histoire.

En bref : les capitalistes n'ont pas tout compris tout de suite, mais ils étaient quotidiennement confrontés à l'expérience par leur pouvoir, et des conseillers hors pair (tels ceux des présidents des Etats-Unis, très spécialement von Neumann et Wigner — en France André Lichnérowicz) les incitaient énergiquement à mesurer ce que leur offrait le monde du "microscopique" : à côté des bombes et missiles, l'automatisation dans l'industrie CIVILE — on parle moins aujourd'hui de Norbert Wiener, beaucoup moins féroce, et de ses propositions "cybernétiques" —.
Si l'on pense à ce que cela représente, on ne peut plus voir la baisse des tarifs douaniers que comme simplement UN des engrenages. Le moteur (même en économie), c'est la volonté de pouvoir passée par l'automatisation à outrance, menace et réalité de chômage : d'un côté, on voit que l'abaissement des taxes aux frontières n'a guère accéléré ni diminué de 1945 à 2000 ou 2010 ; de l'autre côté au contraire, c'est sans conteste à partir des années 1970 que les robots ont ENVAHI les usines et les bureaux (et les téléphones personnels, s'il faut préciser : appelez donc votre gare au départ d'une grande ville, votre revendeur ou votre administration, et vous revivrez plaisamment ce que serveur vocal veut dire).
Voilà le cœur de la question, voilà l'essentiel, voilà la grande affaire.
Ne comptez pas trop sur les "chiens de garde" pour vous en informer clairement. Mais quelle tristesse, que leurs dénonciateurs mêmes n'en disent pas davantage !

Ceci posé, bien des données reprises par Ruffin ou dans le DVD gardent tout leur intérêt. On va ici les éclairer du point de vue de Gray et consorts, c'est-à-dire des ancêtres de Marx et Proudhon : la grande nécessité est de ne jamais perdre de vue
1) la carte de travail pour tous — donc l'interdiction de toute fortune personnelle excédant la durée de travail d'une vie
2) le problème politique central, l'expression directe de la volonté générale, au-dessus de toute banque d'Etat.
Même en se restreignant à ce qui concerne la production (tant pis ici pour l'éthologie), on propose donc d'équilibrer déjà l'économique par le politique et on reconnaît les perversions inévitables de toute appréciation en monnaie.
Sur ces bases alors, juste quelques touches significatives : dans nos années 2010, l'ordre de grandeur des dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 (ce ne sont pas tous les profits) est de quarante milliards €. Il y a (à la louche et pour arrondir) quatre millions de (foyers) de chômeurs ou (gravement) pauvres en France. La redistribution des sommes perçues en dividendes leur permettrait donc de recevoir une allocation de DIX MILLE €, soit neuf fois le SMIC net, PAR FOYER ET PAR AN.
Idem : les données sur Internet placent les dividendes versés en Allemagne aux environs de 25 à 30 milliards €, soit le tiers en moins. On doit remarquer alors que la population outre-Rhin est de quelque 80 millions d'êtres, contre quelque 60 millions ici. Cette comparaison doit être accompagnée d'une note pour mémoire : Marx et Engels rappelaient que la France est le pays de la férocité inégalitaire. Cela résulte-t-il de chromosomes français ?! ou arrive-t-il que des réalités historiques sur des siècles ne s'expliquent pas par la seule écono-manie ?

Bien d'autres choses valent, sur les mêmes bases, le détour par le DVD et le livre en cause. On en retiendra ici deux seulement :
1) La durée moyenne de vie chez "les riches" (les "20% les plus riches") est dans l'hexagone de l'ordre de 80 ans, contre 65-70 chez "les pauvres" (aussi : les "20% les plus pauvres" ; en fait, la différence devient nettement plus grande si on raffine). Ecart résultant : 10 à 15 ans. Au Royaume-Uni, on en est à plus de vingt — près de trente, 30 ! d'après l'étude citée dans le DVD, dans la ville de Glasgow — : "a beacon to the world" (un phare pour le monde), comme a dit pour le rôle des thatchériens Monsieur Anthony Blair (SVP lisez "Les dépossédés", de Robert McLiam Wilson)...
2) Tous les ministres sarkozystes, et bien d'autres depuis, serinent sans se lasser qu'il faut attirer beaucoup de riches en France en réduisant leurs impôts, pour... qu'ils enrichissent l'Etat par les impôts ! Pour ridiculiser tout à fait cette absurdité, passons à la limite, et imaginons :
afin de faire venir tous les riches en France, on annule leurs impôts dans ce pays ; ils arrivent en foule ; soit N leur nombre, mais ils ne paient RIEN en contributions à l'Etat : en tout, celui-ci touche N fois ZÉRO.
Ça fait combien, à votre avis ?

vendredi 8 mars 2013

Actuel 36 Actu sarkhollandienne



Monsieur Jean-Marc Ayrault est ancien maire de Nantes. Le Président de la République, élu pour la lutte contre les excès de pouvoir de l'argent, l'a promu au poste de Premier Ministre. Mais il n'a pas oublié son terroir : il est venu parader devant les caméras lorsque, dans sa ville, s'est immolé par le feu Djamal Chaab, parvenu en "fin de droits" après des années ballottées entre exploitation ignoble et misère noire. Ainsi le vrai z'Ayrault a-t-il pu faire étalage de sa vive émotion, puant seulement un peu sa docilité au totalitarisme financier et son dévergondage dans le jeu électoralo-médiatique.

Son grand chef est revenu nonobstant de Bruxelles, avec aux joues la marque de la gifle reçue des affidés aux banques regroupés en Union "Européenne" : il était parti rantanplan pour faire entendre la voix de la France et de la relance, mais derrière le très-haut cheval de Troie des Etats-Unis, sieur David Sham&rot, les vendus de Goldman Sachs du genre Monti et Draghi ont suivi comme un seul homme avec la dame Merkel, et on a diminué les crédits de gestion commune un peu sociale — sauf la PAC pour nos pauvres agriculteurs... Ça ne fait rien, notre bien-aimé Président a la reconquête du Mali pour se redorer le blason dans les sondages.

La démocratie, c'est media et urnes, non ? Mort aux usines ! Mort à la rue !

Actuel 35 : Maghreb


Au hasard du cœur : 1962, Mouloud Feraoun ; 1965, Mehdi ben Barka ; 1992, Mohamed Boudiaf ; et 2013, Chokri Belaïd.
Entre "le fils du pauvre" et l'opposant d'Ennahdha, un demi-siècle d'acharnement dans l'assassinat de l'espérance. On a pu écrire ici (Archives 1, "Financiers anglo-saxons, vampires du monde") : "Partout est menée aussi loin que possible l'élimination de quelque légitimité nationale ou sociale que ce soit. Dans la démonstration de cette méthode, le cas arabo-islamique mérite une mention spéciale. Certes il est vieux comme le monde politique de pousser un adversaire à choisir l'hystérie, mentalement reposante, au lieu de la lutte consciente et fermement organisée ; mais le martyrologe des démocrates laïques arabes est spécial dans l'histoire : presque tous ont été physiquement éliminés, en tant que vrais et dangereux ennemis de la domination anglo-saxonne, par les services ad hoc britanniques et USAïens — entreteneurs obstinés et régulièrement assassins au service de l'intégrisme islamique, et en communion avec lui."
"Presque tous" les laïques du monde arabe seulement, en effet : les services et fanatiques de la colonisation française ont leur part. C'est clair pour Feraoun, exécuté par des fous d'OAS. C'est déjà moins clair pour ben Barka, car indépendamment des antennes en France de "Notre ami le roi" Hassan II, la CIA cherchait à embarrasser de Gaulle dans une sale affaire, et à l'affaiblir dans tout ce qu'il représentait de lutte contre le dollar et pour le retour à l'étalon-or (ce qui le faisait surnommer chez les superpatriotes US : Dgaullfinger).
C'est encore plus compliqué pour Boudiaf : les généraux parvenus à la tête de l'appareil du FLN, après s'être débarrassés de bien des Krim Belkacem, redoutaient toujours la référence aux grandes figures de la décolonisation algérienne. Boudiaf, bien que retiré au Maroc, en faisait partie, et l'on savait ses ironies sur les réinvestissements de corruption des militaires d'Alger dans l'ancienne métropole. Ils réussirent à le faire rentrer en lui offrant un rôle présidentiel, pour au moins retarder l'explosion que la misère ne pouvait manquer de produire et reproduire. Puis ils chargèrent un "fou isolé" (décidé islamique, évidemment) de l'exécuter devant les caméras — leçon qui acheva de convaincre bien des opposants de simplement fuir à l'étranger.
Les choses redeviennent claires et simples avec Belaïd : après son meurtre, Rached Ghannouchi, tenant et grand chef des purs et durs de la charia et d'Ennahdha, a filé... à Londres !

Il y a eu d'ailleurs, sur la Toile, des Tunisiens révoltés par l'aveu que constitue cette dernière lâcheté. Ils se sont moqués de Ghannouchi enfoui derrière des compagnies entières d'équivalents CRS britanniques, et de ce que représente de bien mal acquis l'appartement où il s'est barricadé (le mètre carré immobilier londonien est l'un des plus chers de la planète). Mais il s'est trouvé un compatriote pour les agresser... au nom de l'antisionisme — comme si le Royaume-Uni était un Etat hostile à Israël — ! Dans le texte qu'il a mis en ligne, ce super-com-patriote oppose à la dénonciation de Ghannouchi un argument imparable, qu'on  recopiera ici sans autre commentaire : "peut-être que son logement est cher, mais au moins ça vient de lui !"
Voilà donc comment la médiatisation fonctionne, comment on en vient à donner des signes terrifiants de nullité mentale, comment sous prétexte d'histoire on déclare la religion patriotisme ! Ainsi au hasard : la France est "fille aînée de l'Eglise", il n'y a jamais eu de Lumières ni de Révolution ; Carthage n'a existé que dans l'imagination de quelques Romains, de même sans doute que la lutte des femmes tunisiennes pour leur émancipation — point de Gaule avant les roitelets germanisés récupérant le baptême comme moyen d'oppression, jamais de Berbères fort évolués avant l'invasion musulmane... Partout ainsi on veut faire croire qu'il n'y a de nation que dans un choix religieux mortel : la Yougoslavie l'a revécu il y a vingt ans à peine — on parlait, souvenez-vous, de Serbes et Croates, jamais de traditions et manipulations orthodoxes et catholiques, alors même qu'étaient rendus publics les chèques de soutien du Vatican aux héritiers des nazis oustachis...

Tant qu'il y aura de tels gens de "foi", hystérie et stupidité pures, les puissances d'argent et les traîtres vendus à l'impérialisme ont de beaux jours devant eux. Car ce ne serait pas assez, et ça ne pourrait pas durer, si on se contentait de meurtres : il ne suffit pas de tuer, il faut aussi exalter les traîtres et salir les êtres et les moments d'espérance du monde. Ben Barka participait à la préparation de la Tricontinentale en 65, au moment même où Guevara dénonçait la bureaucratie "communiste" dont on sait ce qu'elle est devenue : et c'est la maudite Trilatérale financière Anglo-Saxons-Europe-Japon qui s'est bâtie, sur des ruines, des cadavres et la généralisation de la torture, d'abord en Amérique latine sous l'impulsion du patron de la CIA de l'époque, et puis en mondialisation avec l'aide de tous les pourris des Etats pétrodollariens.
Il est monstrueux qu'on trouve aujourd'hui tant de gens pour entrer dans la maladie où on cherche à faire voir les grands mouvements internationalistes des années 1960 comme des trahisons, tout à la fois de l'"Occident chrétien" et de l'Islam "éternel" : comme si la Grèce de Thalès et d'Archimède devait tout à Jésus, ou comme si le sud de la Méditerranée ou l'Indonésie commençaient aux terreurs mahométanes...
En réalité, tout simplement : les religieux embarqués en fanatisme deviennent très vite des traîtres à l'humanité d'abord, à leurs propres peuples ensuite, et à l'histoire en général. Il ne faut manquer aucune occasion de le refaire voir.