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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 16 juin 2014

Actuel 66 Actualité



A propos de l'Ukraine, de la Syrie, du Venezuela, des souvenirs du début de la guerre mondiale en 1914 ou de son temps d'arrêt en 1945, à propos des "crises" (des déchaînements) de la finance ou des sales guerres sans fin en Palestine et dans tout le monde islamisé, il y a un chœur obstiné de mensonges en faveur des potentats et tyrans, et de rares voix qui tendent à rétablir des parts de vérité mais se contentent de contrer les faussetés les plus nettes sans toucher à l'allure, au fond, à la structure des crimes de propagande. Ainsi — cet exemple suffit à ce qu'il faut dire sur tout le reste — on voit larmoyer sur le succès des Goebbels anglo-saxons : car CIA-RCA et relais "occidentaux" ont réussi à faire presque oublier ce que les peuples du monde doivent aux sacrifices de ceux de l'URSS, et présentent un battage autour du débarquement en Normandie comme commémoration du tournant victorieux contre le nazisme. C'est en effet infâme : mais on n'entend pas dire mot, à cette occasion et bien d'autres, de l'impuissance des progressistes depuis un siècle, en particulier contre de tels dévoiements de la mémoire. Or
–  certes il est très juste de rappeler l'histoire réelle et donc 1) que Hitler a été pour l'essentiel battu à Stalingrad, 2) que les financiers de Wall Street et de la City ont laissé crever en masses les Russes — et les Français — pour éviter des pouvoirs concurrents dangereux après ce stade de la guerre, 3) qu'après avoir soutenu puis ménagé les "industriels" d'Allemagne nazie ils se sont servis de ces bons confrères, jusqu'aujourd'hui, pour écraser l'Europe et spécialement ses travailleurs
– mais il est lamentable de chercher à atténuer la mort de l'esprit et de la vie en citoyens qu'a représenté le stalinisme, et il n'est guère plus intelligent d'absoudre les perversions mentales qui l'ont fait germer puis s'épanouir.
Alors, c'est très touchant, de remarquer que l'ensemble des pertes militaires US sur tous les fronts de 39-45 fait quelque 1% des morts soviétiques de la même période. Mais il n'est pas contraire à un peu d'humanité de chercher à éviter la perpétuation d'échecs humains aussi monstrueux. On peut se demander, par exemple, comment les salopards de la livre et du dollar ont pu aboutir à un résultat qui leur soit aussi favorable. On peut poser la question de la responsabilité, dans un tel aboutissement, des bureaucrates pseudo-intellectuels qui ont voulu rendre inséparables socialisme et dialectique. Ce pourrait être l'occasion d'utiles études sur les réseaux de connivence, l'audience, les mérites, les références et les mentalités de leurs dignes successeurs.

Chez un être humainement cultivé l'exigence, de savoir étendu et de cohérence, prime sur la réaction affective. L'état du monde en 2014 mesure la proportion de telles gens d'une part, le profit qu'en tirent les brutes d'autre part : presque tout ce qui se dit, se répète, se sloganise, s'écrit, s'imprime et se diffuse est fait pour exalter une affectivité traditionnelle dans ses aspects les plus primitifs, et pour étouffer les tentatives de vérité. C'est clair dans les organes de manipulation. Mais c'est souvent vrai en face, chez ceux qui cherchent pourtant à émerger : on voit partout le désir d'échanger et le refus d'écouter ; tous veulent être entendus, trop peu s'occupent de chercher à savoir avant de discourir — étrange sens de la démocratie, qui se fout de la vérité déjà dégagée et se contente de rager pour exiger le droit à la tribune.
En une telle situation cela ressemble d'abord à un beau rêve, de faire venir quelques personnes à ce que ça vaut la peine d'apprendre, au lieu que chacun compte essentiellement sur ses intuitions pures ou sur des croyances désormais clairement déconnectées de la réalité. Pourtant
– d'un côté jamais dans l'histoire on n'a aussi clairement vu éclater l'évidence de la primauté, sur et contre les nécessités de solidarité humaine globale, des pulsions comportant de fortes composantes agressives : aveuglements renouvelés et contagieux des fanatismes, intégrismes, populismes ; nombrilisme morbide omniprésent ; tout ce dont les brutes dirigeantes tirent le plus grand profit
– de l'autre côté jamais dans l'histoire on n'a disposé d'aussi puissants moyens de comprendre et traiter ce déséquilibre, de montrer et faire éprouver comment et pourquoi la part animale, émotive et inconsciente du psychisme humain, est naturellement plus active que la part éduquée et instruite par l'expérience scientifique et historique.

Si on voit cela, on peut dire ce que vaut "l'actualité".
C'est un faux sens du "concret" qui a beau jeu, sous prétexte de toucher un large public, de laisser toute initiative aux pouvoirs sur les thèmes traités et de s'arrêter, au mieux, à éclairer les énormes faussetés des propagandes : c'est cela qui parle, lorsqu'on se contente de dénoncer les mensonges sans jamais toucher au fond, qui est la priorité sinistre des réactions pulsionnelles sur la réflexion alimentée de savoir ; or ce sont réflexion et savoir qui ont trouvé la source du vraiment humain et qui ont donné les temps de progrès social et politique — depuis l'éducation enfin un peu libérée des catéchismes jusqu'à la reconnaissance des droits et devoirs, c'est-à-dire toutes affaires d'expression de la volonté générale, répartition des richesses, travail, soins ou retraites.
Toute "l'actualité" forcée en ce temps-ci repose ainsi sur une impasse : contre l'histoire, contre l'ouverture au grand large humain toujours remis à jour et renouvelé, seul viable, on impose l'oubli du rappel à l'ordre humain, expérimental, rationnel, on impose tantôt des traditions absurdes tantôt des modes et modernités, on impose la restriction mortelle tantôt à l'établi tantôt au passager.

Bien sûr, cela vient à présent surtout des manipulateurs : l'énorme, l'omniprésente entreprise de crétinisation de masse représentée par les organes de presse du totalitarisme financier est devenue partie intégrante de l'atmosphère, et ce dès le plus jeune âge. Ensuite viennent les programmes-"orientations" dits d'éducation, en fait de dressage, officiels. Enfin agit une fréquente stupidité parentale : les porte-voix des associations de parents sont presque toujours empressés à obtenir de "bons" bulletins et dossiers scolaires, presque jamais préoccupés de l'instruction véritable. C'est ainsi que la possession juridique des enfants par des gens qui sont, sans le dire, avant tout soucieux de ne plus avoir à les entretenir, est une double catastrophe pour les jeunes : dans le suivi domestique, par des mentalités composées d'ignorance et de traditions réactionnaires ; dans les choix des types d'école et d'enseignement, religieux et national en particulier, opposés au libre épanouissement.
Ce n'est certes pas la faute des enfants, et beaucoup d'adultes ont commencé par être des enfants. Seulement, les affaires humaines sont présentées par la barbarie historique de telle sorte qu'il faut délimiter des responsabilités : il faut faire le tri, entre des êtres humainement avortés dont la férocité est devenue irréversible, et au contraire des gens qui ont surtout envie de vivre en paix, et même sont prêts à quelque effort en ce sens (à tout risque : car les brutes dominantes n'aiment guère les regards ouverts et les têtes levées).

Tout cela serait déjà épouvantable. Mais on doit assister, en plus, à l'acharnement dans des impasses de tribuns et tribunes qui prétendent répliquer à la mise en condition.
Il y a d'abord la pesanteur et les chaînes des déviances verbales. Des cerveaux, en masses, sont sûrs de raisonner quand ils alignent des mots, dont très souvent des références à des textes : en réalité, ils n'ont jamais accédé au niveau de pensée, c'est-à-dire de prise en compte des réalités par des tris et connexions cohérents d'images mentales synthétisant des masses de faits. La maladie du logos, la confusion entre discours et raison, a pour traduction depuis Hegel (et son stupide, son incroyable "Nous pensons en mots") la prosternation devant un Verbe de pouvoir, une dialectique : fondement de tous les clergés, catholique ou coranique comme stalinien ou post-moderne, trace très actuelle des rassemblements de l'âge des cavernes où l'incantation préludait à toute activité et s'en prétendait la condition efficace. Le prêtre qui veut envoûter de litanies (et qui exige de violer les âmes dès l'enfance pour les préparer à la mise en condition à son avantage), ou le bureaucrate qui se pose en contrôleur d'action et rédaction révolutionnaires, ne sont que des avatars de chamanes. Mais tous ne le disent pas, et tous leurs auditeurs n'en sont pas parfaitement conscients.
Il y a ensuite des acteurs situés au fer de lance des dénonciations du système actuel de tromperies : gens de savoir, parfois remarquablement informés de ce que cela vaut la peine de diffuser autant que faire se peut, mais qui font l'impasse sur les modes d'écoute des publics. Ainsi par exemple on trouve aujourd'hui des auteurs (et des publics) tout disposés à des exposés sur les plans et actes de la guerre contre l'humanité menée par les Anglo-Saxons, éventuellement relayés par l'Union "Européenne" et spécialement les gouvernants de la finance allemande : mais cela s'arrête à la description. Or pour que de tels exposés se traduisent par l'écho et la révolte massifs nécessaires, notamment les manifestations et bien davantage les actes de rétorsion synchrones de vastes mouvements populaires à d'autres échelles que locales ou nationales, il faut une réception par une écoute et une vue communes, entraînant action commune : or nul ou presque ne s'occupe de cette condition préliminaire et primordiale. Ainsi on ne compte plus les tentatives qui furent prometteuses et qui accouchent d'échecs et de pourrissements, toujours prévisibles et toujours recommencés ; on ne compte plus les supplications de dons de soutiens et les enfermements dans des cercluscules de "grands auteurs", qui se croient encore des bannières de rassemblement quand leur public déçu puis écœuré s'est détourné d'eux depuis longtemps.

Dans le tableau extraordinaire de l'impuissance des pacifistes, brossé par Martin du Gard dans "L'été 1914", on voit décrit en particulier (p. 331 dans l'édition des œuvres "complètes" en collection "la Pléiade") les orateurs de bistrot, qui manient les grands mots et leur fausse science des gouvernements comme s'ils étaient « tous [...] dans la confidence des conseils de la Couronne »... A qui ne s'applique aujourd'hui cette satire, jusque dans les sites "alternatifs" ? qui ne parle comme s'il était chargé d'éclairer un ministre, voire comme s'il était ministre et même homme de pouvoir effectif ? qui s'occupe de faire voir aux gens et aux foules ce que sont leurs clercs ? qui dit la pesanteur des dévoiements techniques et cependant la prégnance de la science, notamment des données sur le comportement animal chez l'homme, en tout le retard énorme de la prise de conscience anesthésiée dans le martèlement des dialectiques ? qui, au lieu qu'on se range dans un clan déjà doué de haut-parleurs et qu'on haut-parle, s'occupe de fournir les moyens de saisir le temps présent, si offerts et si accessibles ?



Outre la mise au point en livre — "Les hordes de l'ordre —, le site a.avramesco signalé en lien sur ce blog, et ce blog lui-même, André Avramesco a pu publier ces temps derniers une demi-douzaine d'articles sur mondialisation.ca et sur Agoravox. Concernant ce dernier site, où il est vrai qu'on trouve des choses aberrantes, les flics-de-la-pensée marxistes se font une joie de les dénoncer : mais bien entendu sans jamais vouloir reconnaître que, s'il faut parfois aller chercher des moyens d'expression dans des zones par certains côtés inquiétantes, c'est parce que, des générations durant, les partis marxistes et leur hystérie dialectique ont été d'efficaces étrangleurs de liberté. On est encore loin de briser vraiment ce pilier protecteur fondamental de la réaction ; mais du moins il est plaisant que quelques tentatives se fassent jour en ce sens, et que les étrangleurs enragent.
Ces informations ne sont pas contraires notamment au préambule de l'article ci-dessus.