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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


dimanche 31 mai 2020

Actuel 150 Inerties et inepties

                        Nous avons la chance de disposer d'un temps de latence : il faudrait en profiter pour revenir à la recette révolutionnaire par excellence — diffuser largement la mise à jour du savoir dans ses zones actuellement les plus vitales, les plus nécessaires et, à cause de cela même, les plus voilées par les pouvoirs —. Or au lieu que le plus possible de gens se vouent à ce préliminaire indispensable, des activistes se dispersent dans des exhibitions dangereuses où les plus courageux se font massacrer en vain, et des penseurs au petit pied étalent leurs références mortes ou leurs prétentions ignares, sur des images de malheurs qu'ils ne risquent pas d'atténuer.
            Depuis le précédent Moyen-âge, on n'avait pas vu aussi complète inertie opposée à l'effort de connaissance véritable. Il est vrai que, par exemple en France, la brochette de ministres supposés d'éducation sous la Cinquième République explique une bonne part de cet écœurement général : ces pantins de banques et de chaînes de production ont imposé une dictature d'enseignement, supposé pratique, qui n'est qu'insertion dans les systèmes de déshumanisation en place. A l'échelle mondiale de même, sous la coupe de totalitarismes convergents et complices, on n'a plus depuis quelque deux générations que programmes scolaires et universitaires vicieux, primes perpétuelles aux mandarins contre les vrais savants, encouragement incessant à la perversion technique asservie aux groupes "militaro-industriels" en fait financiers, et de là formation d'anti-citoyens, simples rouages de pouvoir qui deviennent facilement soit de vils espions soit, par la robotisation, des destructeurs de postes de travail — seuls "cadres" tolérés par les mafieux installés.
            Pourtant, avec les rares mais splendides nouveaux progrès, jamais il n'a été aussi simple de faire lire la convergence de tous les aspects du savoir. Seulement il faut pour cela avoir quelque idée de ces progrès, et ce ne sont ni les litanies nauséabondes de dialectique ni les gémissements ressassant les crimes et misères du monde qui peuvent nous faire sortir de l'impuissance. On a bien vu ces jours derniers Michel Collon recevoir un Denis Robert, et c'est un progrès (provisoire fort probablement) par rapport à un Etienne Chouard : mais de telles rares protestations de non-dogmatisme ne peuvent compenser les refrains sempiternels de conceptions éteintes du socialisme ; et surtout l'enfermement continué dans la politique hors toute réalité scientifique et technique (réalité si prégnante en notre temps) renvoie fâcheusement aux vulgaires disputes et aux éloignements de la vie réelle qui font le plus gros des media réactionnaires, et lassent enfin tout le monde.
            Il y a, soit, quelques bonnes émissions sur le site du Média, et quelques bons livres sortis d'éditions comme La Découverte : il faut les chercher, parfois à la loupe, parfois au microscope, mais enfin il y en a. Cela arrive aussi pour beaucoup et trop de parutions dans des groupuscules qui pleurnichent pour qu'on les soutienne, invitent généreusement à prendre la parole mais ne la laissent qu'à leurs petits copains — on se demande assez souventes fois où ils vont les chercher pour en trouver d'aussi nuls —, et refusent de saisir qu'ils sont comme les études et détails dont ils abreuvent : effroyablement réduits et épars. C'est loin de ce qu'il faudrait.
            Ce dont les progressistes ont besoin, c'est d'une base, d'une fondation claire aussi universelle et unificatrice que possible et que ­— bis repetita — il n'a jamais été aussi facile et indispensable de présenter. Il serait vain de compter pour cela sur de soi-disant critiques et lecteurs professionnels qui ne savent prêter écho et attention qu'aux littératures pour establishment estampillées par quelque Gallimard ou autre boîte-caverne. Mais il faut bien reconnaître aussi que l'ardeur à aller voir ailleurs et plus haut que buzz est pareillement inexistante dans les cliques et clans qui s'étouffent mutuellement, d'Attac au Monde Diplomatique. Il y a, de même, quelques discours de députés de la France Insoumise qui tranchent sur les autres : mais, outre que ce n'est pas difficile dans le désert mental de la "représentation" nationale, il faudrait que ce soit autrement fréquent et organisé pour qu'on ait l'impression d'émerger du m'as-tu-vu-isme si pesamment ambiant.
            Il faudrait donc qu'enfin beaucoup de gens prennent assez de recul et se rallient à de nouvelles Lumières, à la remise à jour et à la diffusion des véritables éblouissements de science et synthèse, donc de philosophie comme d'éthologie politiques. Or cela ne risque d'arriver par aucun des minables actuellement haussés à tribune, sur France-Culture esprit de fermeture ou ailleurs : autant demander à Michel Onfray de comprendre que la science dans son immensité est quelque peu plus étendue que la critique obsessionnelle du sexualisme de Freud, ou que la philosophie n'est nullement la liste des baratineurs ordinairement enseignés prétendument vus sous un autre angle, mais la hardiesse à prendre en compte, dans les questions et affaires humaines, les plus éclatants renouvellements du savoir.
            Nous sommes pourtant au pays de Voltaire, Diderot, d'Holbach, et il ne tient qu'à nous de reprendre le chemin ouvert depuis Thucydide, Thalès et Archimède, à travers Averroès et les humanistes de la Renaissance, jusqu'à la démonstration des ridicules scolastiques par Galilée, jusqu'à la situation de notre aventure dans celle de la vie en général par Darwin et Lorenz, jusqu'à la révision féconde par Einstein de la notion même de vérité, contre tous les stupides a priori. Nous avons en cette fin de printemps 2020 beaucoup de chances — terrain populaire à peu près vierge, pause obligée des manifs, proximité de l'été probablement trop chaud et sec mais ouvrant vastes des lieux de réunion — et beaucoup de possibilités pour nous retrouver, pour enfin établir et diffuser la base universelle, le tremplin indispensable de notions communes en vue de l'action commune à tous les progressistes.
            Dixi et salvavi animam meam, comme répétait à son tour Einstein. Les inertes et les ineptes n'y voudront certes rien comprendre.
            Mais les autres ?