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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mardi 11 février 2014

Actuel 60 Jugement et foules


Tableau 1, début des années 60.
Grand chambardement dans l'UEC — Union des Etudiants Communistes —, dispute pour le journal "Clarté", départ des scissions vers les groupuscules qui devaient se mettre en évidence un lustre ensuite. A diverses occasions, un naïf vient exprimer ses sentiments, respectivement de soutien et de critique, sur le mélange de juste renouvellement et de sclérose scolastique qui caractérise tous les gourous et groupies des divers éclats marxistes. Evidemment, le naïf est mis à la porte avec plus ou moins de hargne : soutenir le progrès, même sincèrement, très bien ; mais en venir à voir des marques de mentalité réactionnaire jusque dans Marx, péché mortel ! Donc l'intrus est évacué : il n'a
"pas compris la dialectique".

Tableau 2, un demi-siècle plus tard.
L'ex-naïf écrit un livre, quelque peu étayé par cinquante ans de lectures et autres travaux supplémentaires. La pesanteur marxiste n'est plus aussi présente : mais il y en a d'autres, très variées, et parmi les accueils réservés au livre en cause, on peut lire une mise à l'écart d'un revers de main d'après laquelle l'auteur ne
"semble pas avoir compris l'apport de la pensée sur la non-violence".

Il y a un avantage évident du côté de la première mise à l'écart : elle est formulée de façon nette ; tandis qu'on peut longuement se demander ce que veut dire "l'apport de la pensée sur la non-violence". Mais ce n'est pas à cette différence, c'est aux similitudes des réactions de rejet qu'on va ici s'attacher.
De tous temps, les fondateurs et saints prophètes de superstitions ensuite institutionnalisées ont fait appel à des dons particuliers, des grâces et autres aptitudes divines ou mentales, comme instruments de sélection : il y a les élus, qui "ont compris" et sont admis (au moins à cotiser), et les autres. Dans cette séparation, quel que soit l'instrument choisi pour opérer le tri et élever des barrières de clan, on fait la part belle à la prosternation devant les icônes, et on n'admet comme réalité que des parts et moments d'histoire ou de légende, choisis pour être mis en conformité avec la foi et ses actes exigés. Parmi les rejets au contraire, évidemment, figure toujours la science, recherche de vérité, avec son expérience et sa rigueur : car elle ridiculise tous les choix tronqués, tous les textes sacrés-consacrés, toutes les déviances dogmatisées, qu'elles aient pignon sur rue ou non, toutes les recettes universelles fondées sur dieux et diables, dialectique et contradictions, non-violence, kabbalistiques et multa cætera. En tout :
le savoir fonde une égalité, base de démocratie
les diverses affaires doctrinales fondent un pouvoir, des "Maîtres",
donc des esclaves — alors qu'ils rament, et vogue la galère !

A partir de là, dans tous les recrutements sectaires, il est intéressant d'analyser les comportements aussi bien du côté des recruteurs que des recrues. Ainsi d'abord côté recruteurs, le reproche de "pas compris" — en fait de ne pas accepter la prosternation — mêle insolence et mépris : quelqu'un, qui se suppose suprêmement doué, vous déclare que vous êtes bête, ce par quoi des êtres jeunes, ignorants ou affaiblis se laissent aisément étourdir. Ce procédé — non-violent ?... — évite le travail qu'il faudrait pour prendre en compte des arguments : il prépare au sermon où le prêcheur sera seul à parler, pour longuement saouler. Ceci n'est pas dit pour nier l'efficacité des prêches : car, cette fois côté recrues, le futur fidèle abdique souvent tout esprit critique, aussi bien par hypnotisme que par des formes plus primaires de lassitude.
Les applications de ce schéma de ratissage en clan sont nombreuses et peuvent par le cumul d'exemples éveiller de saines réactions. Mais elles ne vont pas assez profond. Pour plonger plus loin, on peut partir de l'un des motifs répétitifs des propagandes et publicités — religieuses, nationales et en général sectaires —, à savoir l'affirmation que
"la science ne répond pas aux vrais besoins des hommes".
C'est immonde de perversion, mais cela contient une dangereuse part de vérité : dans le très important héritage animal des humains il y a des tendances et appétits de primates dont la puissance, jusqu'au XXe siècle, n'était guère reconnue, en particulier le goût de s'insérer en horde. Sur cette forme ancestrale du sens social se greffe ensuite de façon aléatoire, barbare sauf éducation et instruction particulières, le goût de la domination et de la soumission, puis tout ce qui constitue la base énorme et ignorée des hiérarchies et agrégations en armées, Eglises, partis, sectes, nations parmi bien d'autres exemples, avec le "repos" (le renoncement) de conscience que cela entraîne.
C'est justement en cultivant la priorité animale de tels appétits primitifs contre la raison que les gourous et leurs recruteurs ne cessent d'agir, et il n'est pas besoin d'ajouter encore cent ou cent mille exemples de tels "charismes". Au contraire, ceux qui recherchent un équilibre humain — comme la paix planétaire, une juste distribution des moyens de vivre et des richesses, le partage du pouvoir, un accès aussi large que possible, pour tous, à toutes les connaissances mais notamment les plus importantes —, bref les malheureux progressistes, sont d'abord en situation de grand désavantage par rapport aux brutes, déclarées et dévergondées ou sournoises et dissimulées : les gens de savoir et progrès humain doivent, par instruction et éducation, faire appel à quelque activité de l'esprit, à ce qui est le plus réellement humain, donc ni divin, ni dialectique, ni autrement sectaire et lamentablement simplificateur. Il ne faut aucun "don" pour la science : mais il faut du travail, de l'honnêteté, en somme l'acceptation de l'effort dans la reconnaissance chez tous des mêmes possibles dans la prise de conscience. Or le travail, l'honnêteté, l'égalité fondamentale des consciences, vont avec beaucoup de temps et de persévérance, alors que les cultures de réactions animales — bêtes — vont très vite. Ce n'est donc en rien surprenant, mais c'est terrible pour l'humain, que dans l'histoire les conquérants et les imbéciles triomphent si souvent.

La réponse déjà acquise est aussi la plus grande victoire humaine de l'histoire : l'instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire. Il faut aujourd'hui une réponse plus actuelle, souvent rappelée dans ce blog : celle qui passe par la compréhension de la découverte éthologique. Ce pont — si longtemps rêvé, de Thucydide à Camus ou Orwell via Ibn Khaldun et tant d'autres — entre science et affaires politiques et morales, est désormais jeté, bâti, accessible. Déjà hélas les fanatiseurs qui recrutent, eux, pour diviser les gens et les peuples, s'en servent partout dans le monde plus consciemment et souvent plus efficacement que les chefs antiques : ainsi en vrac, c'est aujourd'hui actif dans tous les racismes ; c'est présent dans les subventions à Al Qaida, "légion arabe de la CIA" ; c'est pareil dans les attentats, en fait surtout dus à des soldats britanniques, présentés comme "interconfessionnels chiites-sunnites", pour parfaire la destruction des tentatives laïques en Irak et dans tout le monde mahométanisé ; c'est poussé chez les colonisés par la "formation" de flics contre leur propre peuple ; cela se voit aussi dans les publicités-menaces de la tournée 2014 Manuel Valls-Dieudonné ; enfin cela fonctionne (cf. tableaux 1 et 2 supra) dans tous les recrutements à base
– de dialectique (cette extraordinaire connaissance "universelle" qui mène ses adeptes à scissionner indéfiniment sans jamais pouvoir se mettre d'accord, même à l'intérieur de sous-sectes comme le trotskysme)
– ou de non-violence (il est très instructif de comparer le Gandhi réel, avec ses sinuosités et dans les ironies que lui adressait un Romain Rolland, et le mage devenu image sainte ; il est remarquable de suivre les procédés et commanditaires par exemple du CA NV AS — NV pour Non-Violent — notamment dans les mouvements populaires en Egypte),
etc. etc. etc.
bref : très près et très loin, à toutes les échelles, les politicards savent mieux que jamais leur métier de manipulateurs, tandis que beaucoup trop de citoyens se laissent de plus en plus constamment aveugler par des écrans...

                        Puissent toujours davantage de progressistes s'occuper de faire mieux que les démagogues et autres vicieux de la manipulation des foules. Les livres de Lorenz et d'autres ne sont pas interdits à la vente. Va-t-il falloir attendre qu'ils le soient, pour éveiller assez de citoyens ?