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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mardi 14 octobre 2014

Actuel 70 Luttes et guerres, toujours


A-t-on quelque excuse à oublier de répéter le plus évident ? Voici quelques semaines, Actuel 68 cherchait à montrer les mécanismes éthologiques qui conduisent aux guerres de toutes sortes : et il n'y est dit nulle part que les hiérarchies les plus fortes et les plus exemplaires des conflits humains sont dans les armées et les Eglises, chez les prêtres et chez les guerriers. L'animale fierté de parade et de situation dans la horde, puis les débauches d'agressivité permises par la force de groupes disciplinés, sont revendiquées avec une ferveur particulière sous les uniformes et par les membres de ces institutions : ces troupes et troupeaux qui bien sûr ne manquent pas de protester d'être humbles serviteurs et ouailles.
Ainsi les ancêtres espagnols des nazis, en Amérique fraîchement ouverte à leur syphilisation, brûlaient vifs, plus ou moins sadiquement et lentement, les indigènes par groupes de treize afin d'honorer Leur Seigneur Christ et ses douze apôtres : ce qu'on ne rappelle peut-être pas tous les dimanches aux messes, mais qui n'est pas le moindre fondement des succès de l'Occident chrétien.
Ce sont justement deux relectures — Howard Zinn et sa courageuse tentative pour une "Histoire populaire des Etats-Unis", puis de là le retour au texte fondateur de Las Casas sur la "Destruction des Indes" — qui ont fait revenir ici à l'horreur centrale de l'aventure humaine. Ce qui suit n'est pas méchant reproche, mais incitation à de nouveaux courages : on va tenter d'expliquer que Zinn, à partir de l'intention plus que louable de réveiller les mémoires, a tendance à idéaliser les opprimés — en particulier il veut voir, dans les civilisations anéanties, de moindres tendances à la cruauté que chez les trop fameux conquérants et bourreaux —. C'est compréhensible et généreux, mais ce genre d'ignorance éthologique fait beaucoup de dégât aux plus justes causes : voilà ce qu'on veut préciser ici.

Les gens qu'on traite aujourd'hui de précolombiens, c'est-à-dire ceux qui vivaient de l'autre côté de l'Atlantique avant Christophe Colomb et les débarquements de sauvages chrétiens, étaient aussi humains, c'est-à-dire d'abord inhumains, que les plus fraîchement arrivés. Par simple exemple, mais qui en dit long si on réfléchit à ce que cela représente d'élaboration de pulsions animales dans ces zones comme partout : c'était une coutume répandue d'arracher le cœur de très jeunes filles encore vivantes, choisies parmi les plus jolies, avant de les écorcher pour que les prêtres préposés à ce charmant sacrifice dansent sous leur dépouille et permettent ainsi (juraient-ils) les renouveaux saisonniers. C'était donc, on le voit, pour le bien et au service de la communauté : nul n'imaginerait que le printemps se fasse en quelque contrée que ce soit sans ces doux rites.
Toutefois, il serait éthologiquement souhaitable que quelques personnes se figurent les tragédies que devaient vivre de telles jeunes filles et leurs sœurs, surtout les plus séduisantes, s'il arrivait qu'elles soient confrontées au choix, soit de laisser les bons prêtres les utiliser pour leur plaisir, soit d'accepter d'être élues pour le massacre. Certes et que cela soit bien dit, ni les mésaventures des malheureuses bâtardes comme les filles de Galilée, ni les contes et leçons d'histoire de Voltaire entre environ cent mille millions d'exemples, ne sauraient conduire à quelque rapprochement que ce soit avec les procédés par lesquels s'est ancrée la catholicité : et d'un autre côté ce n'est là sans doute que questions sans intérêt, pour les profonds savants qui expliquent tout de l'histoire par les confrontations de classes dues aux nécessités de la production.

Bien entendu, il n'a pas manqué d'étudiants attentifs aux sociétés anciennes des actuelles Amériques. Mais trop souvent, malgré les faits et les documents de papier ou de pierre, ils ont souligné l'absence fréquente de propriété privée et déclaré que, si les Européens imitaient la sagesse des anciens habitants de ces régions, ils connaîtraient la paix et la prospérité perpétuelles : Zinn le rappelle avec tant de complaisance qu'il est bien difficile ensuite de ne pas imaginer des tableaux dénués de guerres, ou du moins avec peu de pertes humaines, dans l'histoire en cause. Or il est éthologiquement parfaitement évident, et toutes les archéologies ne manquent pas d'attester, que les guerres sévissaient là-bas comme ailleurs, et que comme ailleurs elles ne s'arrêtaient ou n'avaient quelque limite parfois, que quand une extinction complète des populations locales par elles-mêmes était assez menaçante, ou se réalisait. Les leçons de la Grèce antique et de ses entours (comme de la totalité planétaire) ne sont guère différentes. Bref et pour la millième fois, les capacités à s'entretuer et produire n'étaient pas les mêmes partout, mais partout, à partir de l'agressivité naturelle, pour faire hiérarchie les dominants ont fait guerre autant qu'ils ont pu, et c'est cela qui fait le fond de toute histoire — plus terrifiant et plus actuel que jamais. Il est plus que plus que temps d'en prendre conscience.
Donc : non, à vous Zinn et à d'autres, d'intentions plus ou moins bonnes, il n'y a pas de bons sauvages, et ce qu'on nomme civilisation jusqu'ici ne vaut mieux que dans des Déclarations de droits aussi ronflantes qu'encore peu appliquées, servant bien souvent de devantures, d'hypocrisies et de prétextes à des barbaries plus féroces que tout ce que le passé a fait connaître — parce que l'essentiel agressif de l'humain n'est pas saisi, puis éduqué comme on en a pourtant enfin les moyens.

L'issue, claire et incontestable, avec tout ce qu'elle demande de courage immédiat et à terme, c'est la prise de conscience et l'action qu'elle entraîne si elle est assez nette et complète. Il est vrai que les mots dont ils n'ont pas l'habitude font ricaner les ignares et les stupides, or éthologie n'est pas un mot à la mode, et il ne s'agit que de science du comportement (ethos en grec) : très curieusement pourtant, il en résulte que l'éthologie politique est science du comportement politique — mouvements de foules dont guerres, luttes sociales, capacités à répondre aux propagandes des religions comme des media, votes et autres : bref une paille.
Qu'est-ce que cela représente, vis-à-vis de fêtes qualifiées d'éternelles et en fait seulement instituées par des siècles de violence oubliée, comme Noël ou Pâques, les Aïds et plus généralement les bonheurs en cérémonies de toutes les fois, de toutes les liturgies, de tous les Verbes de pouvoir, de tous les textes sacrés et consacrés en catéchismes et dialectiques ?