Tableau
1, début des années 60.
Grand chambardement dans l'UEC — Union des
Etudiants Communistes —, dispute pour le journal "Clarté", départ des
scissions vers les groupuscules qui devaient se mettre en évidence un lustre
ensuite. A diverses occasions, un naïf vient exprimer ses sentiments,
respectivement de soutien et de critique, sur le mélange de juste
renouvellement et de sclérose scolastique qui caractérise tous les gourous et
groupies des divers éclats marxistes. Evidemment, le naïf est mis à la porte
avec plus ou moins de hargne : soutenir le progrès, même sincèrement, très
bien ; mais en venir à voir des marques de mentalité réactionnaire jusque dans
Marx, péché mortel ! Donc l'intrus est évacué : il n'a
"pas compris la dialectique".
Tableau
2, un demi-siècle plus tard.
L'ex-naïf écrit un livre, quelque peu étayé par
cinquante ans de lectures et autres travaux supplémentaires. La pesanteur marxiste
n'est plus aussi présente : mais il y en a d'autres, très variées, et parmi
les accueils réservés au livre en cause, on peut lire une mise à l'écart d'un
revers de main d'après laquelle l'auteur ne
"semble pas avoir compris l'apport de la pensée sur la non-violence".
Il y a un
avantage évident du côté de la première mise à l'écart : elle est formulée
de façon nette ; tandis qu'on peut longuement se demander ce que veut dire
"l'apport de la pensée sur la non-violence". Mais ce n'est pas à
cette différence, c'est aux similitudes des réactions de rejet qu'on va ici
s'attacher.
De tous temps, les fondateurs et saints prophètes
de superstitions ensuite institutionnalisées ont fait appel à des dons
particuliers, des grâces et autres aptitudes divines ou mentales, comme
instruments de sélection : il y a les élus, qui "ont compris" et
sont admis (au moins à cotiser), et les autres. Dans cette séparation, quel que
soit l'instrument choisi pour opérer le tri et élever des barrières de clan, on
fait la part belle à la prosternation devant les icônes, et on n'admet comme réalité
que des parts et moments d'histoire ou de légende, choisis pour être mis en
conformité avec la foi et ses actes exigés. Parmi les rejets au contraire, évidemment,
figure toujours la science, recherche de vérité, avec son expérience et sa
rigueur : car elle ridiculise tous les choix tronqués, tous les textes
sacrés-consacrés, toutes les déviances dogmatisées, qu'elles aient pignon sur
rue ou non, toutes les recettes universelles fondées sur dieux et diables,
dialectique et contradictions, non-violence, kabbalistiques et multa cætera. En
tout :
le savoir fonde une égalité, base de démocratie
les diverses affaires doctrinales fondent un
pouvoir, des "Maîtres",
donc des esclaves — alors qu'ils rament, et vogue
la galère !
A partir
de là, dans tous les recrutements sectaires, il est intéressant d'analyser les
comportements aussi bien du côté des recruteurs que des recrues. Ainsi d'abord
côté recruteurs, le reproche de "pas compris" — en fait de
ne pas accepter la prosternation — mêle insolence et mépris : quelqu'un,
qui se suppose suprêmement doué, vous déclare que vous êtes bête, ce par quoi
des êtres jeunes, ignorants ou affaiblis se laissent aisément étourdir. Ce procédé
— non-violent ?... — évite le travail qu'il faudrait pour prendre en
compte des arguments : il prépare au sermon où le prêcheur sera seul à
parler, pour longuement saouler. Ceci n'est pas dit pour nier l'efficacité des
prêches : car, cette fois côté recrues, le futur fidèle abdique souvent
tout esprit critique, aussi bien par hypnotisme que par des formes plus
primaires de lassitude.
Les applications de ce schéma de ratissage en
clan sont nombreuses et peuvent par le cumul d'exemples éveiller de saines réactions.
Mais elles ne vont pas assez profond. Pour plonger plus loin, on peut partir de
l'un des motifs répétitifs des propagandes et publicités — religieuses,
nationales et en général sectaires —, à savoir l'affirmation que
"la science ne répond pas aux vrais besoins
des hommes".
C'est
immonde de perversion, mais cela contient une dangereuse part de vérité :
dans le très important héritage animal des humains il y a des tendances et appétits
de primates dont la puissance, jusqu'au XXe siècle, n'était guère reconnue, en
particulier le goût de s'insérer en horde. Sur cette forme ancestrale du sens
social se greffe ensuite de façon aléatoire, barbare sauf éducation et
instruction particulières, le goût de la domination et de la soumission, puis tout
ce qui constitue la base énorme et ignorée des hiérarchies et agrégations en
armées, Eglises, partis, sectes, nations parmi bien d'autres exemples, avec le "repos"
(le renoncement) de conscience que cela entraîne.
C'est justement en cultivant la priorité
animale de tels appétits primitifs contre la raison que les gourous et leurs
recruteurs ne cessent d'agir, et il n'est pas besoin d'ajouter encore cent ou
cent mille exemples de tels "charismes". Au contraire, ceux qui
recherchent un équilibre humain — comme la paix planétaire, une juste
distribution des moyens de vivre et des richesses, le partage du pouvoir, un
accès aussi large que possible, pour tous, à toutes les connaissances mais notamment
les plus importantes —, bref les malheureux progressistes, sont d'abord en
situation de grand désavantage par rapport aux brutes, déclarées et dévergondées
ou sournoises et dissimulées : les gens de savoir et progrès humain doivent,
par instruction et éducation, faire appel à quelque activité de l'esprit, à ce
qui est le plus réellement humain, donc ni divin, ni dialectique, ni autrement
sectaire et lamentablement simplificateur. Il ne faut aucun "don"
pour la science : mais il faut du travail, de l'honnêteté, en somme
l'acceptation de l'effort dans la reconnaissance chez tous des mêmes possibles
dans la prise de conscience. Or le travail, l'honnêteté, l'égalité fondamentale
des consciences, vont avec beaucoup de temps et de persévérance, alors que les
cultures de réactions animales — bêtes — vont très vite. Ce n'est donc en rien
surprenant, mais c'est terrible pour l'humain, que dans l'histoire les conquérants
et les imbéciles triomphent si souvent.
La réponse
déjà acquise est aussi la plus grande victoire humaine de l'histoire :
l'instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire. Il faut aujourd'hui
une réponse plus actuelle, souvent rappelée dans ce blog : celle qui passe
par la compréhension de la découverte éthologique. Ce pont — si longtemps rêvé,
de Thucydide à Camus ou Orwell via Ibn Khaldun et tant d'autres — entre science
et affaires politiques et morales, est désormais jeté, bâti, accessible. Déjà hélas
les fanatiseurs qui recrutent, eux, pour diviser les gens et les peuples, s'en servent partout dans
le monde plus consciemment et souvent plus efficacement que les chefs
antiques : ainsi en vrac, c'est aujourd'hui actif dans tous les
racismes ; c'est présent dans les subventions à Al Qaida, "légion arabe
de la CIA" ; c'est pareil dans les attentats, en fait surtout dus à des
soldats britanniques, présentés comme "interconfessionnels
chiites-sunnites", pour parfaire la destruction des tentatives laïques en Irak
et dans tout le monde mahométanisé ; c'est poussé chez les colonisés par la
"formation" de flics contre leur propre peuple ; cela se voit aussi
dans les publicités-menaces de la tournée 2014 Manuel Valls-Dieudonné ; enfin
cela fonctionne (cf. tableaux 1 et 2 supra) dans tous les recrutements à base
– de dialectique (cette extraordinaire
connaissance "universelle" qui mène ses adeptes à scissionner indéfiniment
sans jamais pouvoir se mettre d'accord, même à l'intérieur de sous-sectes comme
le trotskysme)
– ou de non-violence (il est très instructif de
comparer le Gandhi réel, avec ses sinuosités et dans les ironies que lui
adressait un Romain Rolland, et le mage devenu image sainte ; il est
remarquable de suivre les procédés et commanditaires par exemple du CA NV AS —
NV pour Non-Violent — notamment dans les mouvements populaires en Egypte),
etc.
etc. etc.
bref :
très près et très loin, à toutes les échelles, les politicards savent mieux que
jamais leur métier de manipulateurs, tandis que beaucoup trop de citoyens se
laissent de plus en plus constamment aveugler par des écrans...
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