La
perspective de frappes aériennes sur la Syrie s'éloigne pour le moment. On sait
que, même "chirurgicales" (vocabulaire OTAN-CIA), de telles frappes
provoquent des "dommages collatéraux" (idem) : si alors on concrétise
en humaniste ce que cela veut dire, on peut comprendre un certain soulagement
actuel à voir repoussée la guerre impériale ouverte. Mieux encore et à propos
de la même région du monde, il paraît que les barbares impérialistes des
Etats-Unis vont rencontrer les barbares intégristes iraniens, alors que
jusqu'ici les uns s'opposaient très farouchement aux autres : autre danger
de confrontation militaire diminué.
Toutefois à vrai dire, il reste des problèmes :
en Iran en particulier, on ne voit pas pourquoi les dictateurs de l'espèce
ayatollah seraient moins corruptibles et moins manœuvrables que tant d'autres,
en Arabie Saoudite, au Qatar, en Egypte et ailleurs — après tout, ce sont des
religieux comme les autres, et s'ils peuvent s'engraisser et perpétuer leur
pouvoir en laissant crever leur peuple on comprend qu'ils soient ouverts à la négociation
avec le grand Satan d'hier. Mais dans de telles conditions, on a la paix entre
les puissants dans la guerre universelle contre les pauvres, et ce n'est pas le
plus sage garant de la stabilité du monde.
C'est de quoi songer sur les apaisements
provisoires. Songeons.
Voici
trois quarts de siècle (comme le temps, sinon certaines attitudes, passe), une
célèbre rencontre avait lieu, à Munich, entre Monsieur le Chancelier Hitler, le
Premier britannique Chamberlain et le Premier français Daladier. Ce fut pour
avaliser le démembrement de la Tchécoslovaquie, en attendant mieux, par les
nazis. A son retour Daladier, acclamé à Paris par une foule en délire de pacifistes
et autres non-violents, marmonnait sinistrement : "les
cons !" De son côté à Londres, Chamberlain attendait un peu ;
puis, le bon Adolf laissant, sans broncher, déchirer encore un peu la Tchécoslovaquie
par les gouvernants de Hongrie et de Pologne, il en remettait que
"Monsieur Hitler est un gentleman".
Cependant il y avait aussi Churchill — et
d'autres, en France notamment, sans attendre de Gaulle ; mais écoutons
juste Churchill, parce que son mot est bien frappé et qu'il le dit tout de
suite, en 1938 :
"You
were given the choice between war and dishonour.
You
chose dishonour
and
you will have war."
("On
vous a donné le choix entre la guerre et le déshonneur.
Vous
avez choisi le déshonneur
et
vous aurez la guerre.")
On n'oublie pas ici que Churchill était l'homme
de la répression féroce contre l'Irlande comme contre l'Inde, et le décideur des
"lois sadiques" entretenant la déflation dans la misère noire des
ouvriers anglais ; on n'oublie pas que c'était aussi le tigre avertissant
que tout soutien à la République espagnole serait motif de condamnation et rétorsion
britanniques (cher Río Tinto, chère Peñarroya, chers intérêts miniers capitalistes
anglais en Espagne, chers soutiens en armes vendues à bas prix à Franco) —
curieusement toutefois, ce ne sont pas toujours ces motifs qui sont invoqués
contre Churchill... —
Mais bref, brute ou pas, Churchill était tout
sauf un aveugle ou un lâche. C'est cela qui fait l'utilité de le méditer contre
les non-violents et pacifistes d'aujourd'hui.
Il ne
s'agit pas d'amalgamer des situations très différentes. Il s'agit de repérer ce
qu'il y a de commun entre la montée du nazisme dans les années 1930 et celle
des maffinanciers depuis un grand demi-siècle : la folie de pouvoir et le
nombre de victimes innocentes, par millions. Cependant, aussitôt qu'on a le
malheur de rendre trop claires les similitudes de sauvagerie totalitaire entre le
déchaînement des pires pouvoirs dans les années 1930, et un système qui invertit
les plus puissants moyens techniques de l'histoire de façon à susciter le chômage,
la guerre et la pauvreté dans la dévastation générale de la planète, il y aura
toujours dans l'assistance un orateur pour faire un cours sur la pente facile à
traiter de nazi un pouvoir-violence quelconque.
Eh bien soit, l'En-pire anglo-saxon n'est pas
nazi. On y a trop bien compris les vertus et leçons de l'hypocrisie chrétienne
et spécialement catholique : on sait toujours se référer, pareillement, à
des valeurs suprêmes strictement contraires à l'inquisition et aux crimes qu'on
ne cesse de pratiquer. Les nazis étaient bêtes. Obama après Bush, Cameron après
Blair (et Hollande-Valls après Sarkozy) font beaucoup mieux.
En outre, il y a une autre différence entre la prévision
de guerre de Churchill en 1938 et la situation d'automne 2013 : c'est que,
par attentats et invasions, par flicages et par tortures, en Syrie gangrenée
par les commandos venus d'Israël ou de Turquie, en Libye sanglante et réduite
au chaos, en Irak ramené à l'âge de pierre, en Afghanistan, dans toutes les
bases de l'OTAN, dans tous les Guantánamo d'Afrique, d'Amérique du Sud et du
reste du monde, dans toutes les usines délocalisées puis remontées là où les
salaires sont une honte, dans tous les serveurs auxquels sont connectés tous
les ordinateurs, de par la NSA, la CIA et les autres, LA GUERRE EST DÉJÀ LÀ, visible,
tangible, partout...
... sauf,
pour le moment, là où les hypocrites, les non-violents, les pacifistes et d'autres
traîtres, aveugles ou lâches la voilent de leur mieux.
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