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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 28 octobre 2013

Actuel 56 Des Mémoires d'un "complotiste"


Il était une fois, il y a très longtemps (1942-43), un Français assez fidèle à la France ou du moins à une certaine idée, pour refuser le protectorat anglo-saxon — et cela dans des circonstances autrement difficiles que celles du temps présent. Pour le contrer à n'importe quel prix, les déchaînés impérialistes de l'époque, spécialement US, cajolaient à tour de rôle
– Pierre Laval, qui se chargeait de la "prophylaxie" de la "race" en exigeant des Allemands la déportation même des enfants juifs,
  – Darlan, qui prétendait agir au nom du Maréchal en trahissant à la fois tout le monde,
  – enfin Giraud, qui était d'accord pour maintenir son pays dans l'asservissement, au profit d'une autre collaboration que celle déjà en place.
En outre, alors que partout dans le monde on savait vers qui se tournaient la plupart des Français — et beaucoup d'autres, surtout par comparaison aux fantoches poussés par des services de la perfide Albion et leurs homologues Outre-Atlantique — la presse prostituée aux gouvernants US-UK se livrait à de vastes intoxications : ainsi, dans la période dont il va s'agir, elle accusait le BCRA français (Bureau Central de Renseignement et d'Action) de torturer les Résistants pour mieux les soumettre à une discipline féroce. Ecoutons là-dessus de Gaulle (“Mémoires de guerre”, t. 2, “L'unité 1942-1944”, rééd. Presses Pocket, Paris 1980, p. 257 seqq).
« Après cette préparation sortit, soudain, “l'affaire Dufour”. Sous ce nom, un agent de l'“Intelligence”, recruté en France à notre insu, avait été amené en Grande-Bretagne par les Anglais dans le courant de 1942 et s'était présenté à la France Combattante en demandant à s'engager. » Démasqué par les Français, ce Dufour était emprisonné mais s'évadait avec l'aide anglaise. Puis en septembre 43, « Pierre Viénot, convoqué au Foreign Office, reçut à son sujet une étonnante communication. “Dufour”, disait par cette voie officielle le gouvernement britannique, “a déposé entre les mains de la justice anglaise une plainte pour sévices contre un certain nombre d'officiers français et contre leur chef : le général de Gaulle. En raison de la séparation des pouvoirs
qui, chez nous, est absolue,
le Gouvernement britannique ne saurait empêcher la justice de suivre son cours [...] Peut-être le Général pourrait-il arrêter l'affaire par un arrangement amiable avec Dufour ? Nous croyons devoir lui recommander d'y attacher une très sérieuse importance. Car
une condamnation est probable
et ce serait là, pour la presse, notamment celle des Etats-Unis, l'occasion d'une pénible campagne au sujet des méthodes et des procédés de la France Combattante”.
[C'était, poursuit de Gaulle, une] action d'assez basse inspiration. Evidemment, Dufour, agent anglais et déserteur français, ne m'intentait de procès devant les tribunaux britanniques que parce qu'il y était poussé par ses maîtres. Quant au gouvernement de Londres, s'il négligeait les accords signés par lui avec la France Libre et en vertu desquels les militaires français en Grande-Bretagne n'étaient justiciables que des tribunaux militaires  français, s'il déniait au Général de Gaulle l'immunité qu'il reconnaissait au dernier des secrétaires de cinquante légations étrangères, s'il essayait de m'intimider par la perspective de scandaleuses calomnies, c'est qu'il se prêtait à une entreprise politique destinée à dégager les dirigeants anglo-saxons d'une position devenue intenable. A l'opinion, qui les pressait d'adopter, à l'égard du général de Gaulle, de son gouvernement, de la France, une attitude digne de l'alliance, White House et Downing Street se flattaient de faire répondre : “Nous devons attendre jusqu'à ce que cette histoire soit éclaircie”.
Je décidais de traiter l'affaire sans le moindre ménagement. [...] Je chargeais Viénot de faire savoir au Foreign Office que je discernais le but de l'opération ; que celle-ci tendait à me salir pour justifier la faute politique commise par les alliés ; que je prenais la chose pour ce qu'elle était, c'est-à-dire pour une infamie [...] Quatre mois passèrent sans que Londres se manifestât autrement que par des avertissements épisodiques, auxquels nous ne répondions pas.
Mais au mois de mars, le complot [oh !] revint sur le tapis. Il faut dire que l'ordonnance relative au rétablissement des pouvoirs publics en France avait été adoptée le 21 mars [rappel par les gaullistes que de nouvelles autorités d'occupation, anglo-saxonnes cette fois, ne seraient pas plus habilitées que les précédentes à parler au nom du peuple français] [...] Le 28 mars, M. Duff Cooper [...] pria [Massigli] de me dire que
la justice anglaise ne pouvait attendre davantage,
que le Gouvernement britannique devait la laisser agir
et que le procès allait s'ouvrir. »
On imagine ce que serait aujourd'hui, en cas de chantage analogue, la réaction des parvenus de l'atlantisme prétendant parler au nom de la France. De Gaulle se contenta de répliquer par une menace, calquée sur celle qu'on lui jetait dans les pieds : un Français Libre était réellement mort, de mort violente, dans les locaux de l'Intelligence Service ; son fils décidait de porter plainte contre certains de ses officiers et contre les membres du Gouvernement britannique, y compris M. Winston Churchill ; de Gaulle ajoutait « que le Gouvernement français ne voyait aucun moyen d'empêcher la justice de faire son office et qu'il y avait malheureusement à craindre dans les journaux du monde entier, à l'occasion du procès, une fâcheuse campagne au sujet des méthodes et des procédés du service de l'Intelligence ». Et le général de conclure :
« Je ne sus pourquoi
la justice britannique renonça à suivre son cours,
ou comment le cabinet de Londres s'y prit pour l'arrêter
malgré la séparation des pouvoirs.
Ce n'était pas, d'ailleurs, de ma responsabilité.
Mais, de ce jour, je n'entendis plus jamais parler de “l'affaire Dufour” ».

Il est juste que beaucoup de circonstances de l'affaire qu'on vient de résumer sont autres que celles des guerres néocoloniales actuelles. Il n'en demeure pas moins et il faut rappeler, qu'à relire les aigres fureurs de Roosevelt notamment — se posant, lui à Washington, en défenseur des droits du peuple français contre de Gaulle —, on croit voir couler les larmes de crocodile des "Occidentaux" devant la misère des Irakiens face à Husseïn, des Libyens face à Kadhafi ou des Syriens face à Bachar-el-Assad. Il suffit d'ailleurs, on l'a dit ici, de voir par quoi on a remplacé Husseïn (ancien de la CIA, béni par elle quand il gazait les Kurdes) ou Kadhafi (sous qui les investissements en soins et éducation étaient les plus élevés, et la mortalité infantile la plus faible, de toute l'Afrique) et l'état des contrées en cause après l'intervention de l'OTAN, pour se dire que même le clan el-Assad est préférable aux "frappes chirurgicales" etc. des charitables chrétiens de l'Ouest.
Mais on doit aller plus loin. Il faut répéter ce que risquent les agents de la CIA auxquels on brandit leur signature s'ils s'avisent de laisser parler un peu de morale. Il faut se souvenir des conditions dans lesquelles l'avion d'un chef d'Etat a été interdit de survol de l'Europe occidentale, à la demande US, sous prétexte que se trouvait peut-être à son bord le dénonciateur de NSA Edgar Snowden. Il faut se remémorer les conditions dans lesquelles doit se séquestrer Julien Assange à l'ambassade équatorienne de Londres, pour avoir propagé des fuites mettant en évidence l'infamie d'espionnage US-UK. Ce mot d'“intelligence”, par lequel la langue anglo-USAïenne désigne le Renseignement, est significatif d'une perversion très élaborée chez les gens de pouvoir en général : les accapareurs ont eu "l'intelligence" d'investir dans les titres (féodaux ou de Bourses) par lesquels ils volent les profits et les rentes — ainsi toujours pour les privilégiés, tandis que les pauvres sont évidemment "les artisans de leur propre malheur" suivant la formule consacrée, les riches sont les gros et petits "malins" : en fait, c'est la prétention que le génie consiste à ériger le brigandage en mode de gouvernement, à oser toujours plus loin dans toutes les violences et toutes les hypocrisies, les dénonciateurs étant des "complotistes". Et c'est ainsi, l'histoire passant, qu'apparaît de Gaulle en humaniste relatif : d'abord élevé par la réponse du peuple à l'appel du 18 juin 1940, il s'est ensuite abaissé pour ressaisir le pouvoir en usant du coup d'Etat du 13 mai 1958. On ne doit oublier ni l'un, ni l'autre.
Seulement, à voir ce qu'est devenu le régime fondé par celui qui a choisi Pleven contre Mendès-France en affaires de finances, et d'Argenlieu contre Leclerc en affaires d'Indochine, il y a plus qu'assez de plus de cinquante ans de Cinquième République.

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