A propos de l'Ukraine, de
la Syrie, du Venezuela, des souvenirs du début de la guerre mondiale en 1914 ou
de son temps d'arrêt en 1945, à propos des "crises" (des déchaînements)
de la finance ou des sales guerres sans fin en Palestine et dans tout le monde
islamisé, il y a un chœur obstiné de mensonges en faveur des potentats et
tyrans, et de rares voix qui tendent à rétablir des parts de vérité mais se contentent de contrer les
faussetés les plus nettes sans toucher à l'allure, au fond, à la structure des
crimes de propagande. Ainsi — cet exemple suffit à ce qu'il faut dire sur tout
le reste — on voit larmoyer sur le succès des Goebbels anglo-saxons : car
CIA-RCA et relais "occidentaux" ont réussi à faire presque oublier ce
que les peuples du monde doivent aux sacrifices de ceux de l'URSS, et présentent
un battage autour du débarquement en Normandie comme commémoration du tournant
victorieux contre le nazisme. C'est en effet infâme : mais on n'entend pas dire mot, à
cette occasion et bien d'autres, de l'impuissance des progressistes depuis un
siècle, en particulier contre de tels dévoiements de la mémoire. Or
– certes il est très
juste de rappeler l'histoire réelle et donc 1) que Hitler a été pour
l'essentiel battu à Stalingrad, 2) que les financiers de Wall Street et de la
City ont laissé crever en masses les Russes — et les Français — pour éviter des
pouvoirs concurrents dangereux après ce stade de la guerre, 3) qu'après avoir
soutenu puis ménagé les "industriels" d'Allemagne nazie ils se sont
servis de ces bons confrères, jusqu'aujourd'hui, pour écraser l'Europe et spécialement
ses travailleurs
– mais il est lamentable de chercher à atténuer la mort de l'esprit et
de la vie en citoyens qu'a représenté le stalinisme, et il n'est guère plus
intelligent d'absoudre les perversions mentales qui l'ont fait germer puis s'épanouir.
Alors, c'est très touchant, de remarquer que l'ensemble des pertes
militaires US sur tous les fronts de 39-45 fait quelque 1% des morts soviétiques de la
même période. Mais il n'est pas contraire à un peu d'humanité de chercher à éviter
la perpétuation d'échecs humains aussi monstrueux. On peut se demander, par
exemple, comment les salopards de la livre et du dollar ont pu aboutir à un résultat
qui leur soit aussi favorable. On peut poser la question de la responsabilité,
dans un tel aboutissement, des bureaucrates pseudo-intellectuels qui ont voulu
rendre inséparables socialisme et dialectique. Ce pourrait être l'occasion
d'utiles études sur les réseaux de connivence, l'audience, les mérites, les références
et les mentalités de leurs dignes successeurs.
Chez un être humainement
cultivé l'exigence, de savoir étendu et de cohérence, prime sur la réaction
affective. L'état du monde en 2014 mesure la proportion de telles gens d'une
part, le profit qu'en tirent les brutes d'autre part : presque tout ce qui
se dit, se répète, se sloganise, s'écrit, s'imprime et se diffuse est fait pour
exalter une affectivité traditionnelle dans ses aspects les plus primitifs, et
pour étouffer les tentatives de vérité. C'est clair dans les organes de
manipulation. Mais c'est souvent vrai en face, chez ceux qui cherchent pourtant
à émerger : on voit partout le désir d'échanger et le refus d'écouter ;
tous veulent être entendus, trop peu s'occupent de chercher à savoir avant de
discourir — étrange sens de la démocratie, qui se fout de la vérité déjà dégagée
et se contente de rager pour exiger le droit à la tribune.
En une telle situation cela ressemble d'abord à un beau rêve, de faire
venir quelques personnes à ce que ça vaut la peine d'apprendre, au lieu que
chacun compte essentiellement sur ses intuitions pures ou sur des croyances désormais
clairement déconnectées de la réalité. Pourtant
– d'un côté jamais dans l'histoire on n'a aussi clairement vu éclater
l'évidence de la primauté, sur et contre les nécessités de solidarité humaine
globale, des pulsions comportant de fortes composantes agressives : aveuglements
renouvelés et contagieux des fanatismes, intégrismes, populismes ; nombrilisme
morbide omniprésent ; tout ce dont les brutes dirigeantes tirent le plus
grand profit
– de l'autre côté jamais dans l'histoire on n'a disposé d'aussi
puissants moyens de comprendre et traiter ce déséquilibre, de montrer et faire éprouver
comment et pourquoi la part animale, émotive et inconsciente du psychisme
humain, est naturellement plus active que la part éduquée et instruite par
l'expérience scientifique et historique.
Si on voit cela, on peut dire
ce que vaut "l'actualité".
C'est un faux sens du "concret" qui a beau jeu, sous prétexte
de toucher un large public, de laisser toute initiative aux pouvoirs sur les
thèmes traités
et de s'arrêter, au mieux, à éclairer les énormes faussetés des
propagandes : c'est cela qui parle, lorsqu'on se contente de dénoncer les
mensonges sans jamais toucher au fond, qui est la priorité sinistre des réactions
pulsionnelles sur la réflexion alimentée de savoir ; or ce sont réflexion et
savoir qui ont trouvé la source du vraiment humain et qui ont donné les temps de
progrès social et politique — depuis l'éducation enfin un peu libérée des catéchismes
jusqu'à la reconnaissance des droits et devoirs, c'est-à-dire toutes affaires
d'expression de la volonté générale, répartition des richesses, travail, soins
ou retraites.
Toute "l'actualité" forcée en ce temps-ci repose ainsi sur
une impasse : contre l'histoire, contre l'ouverture au grand large humain
toujours remis à jour et renouvelé, seul viable, on impose l'oubli du rappel à l'ordre humain, expérimental,
rationnel, on impose tantôt des traditions absurdes tantôt des modes et
modernités, on impose la restriction mortelle tantôt à l'établi tantôt au
passager.
Bien sûr, cela vient à présent
surtout des manipulateurs : l'énorme, l'omniprésente entreprise de crétinisation
de masse représentée par les organes de presse du totalitarisme financier est
devenue partie intégrante de l'atmosphère, et ce dès le plus jeune âge. Ensuite
viennent les programmes-"orientations" dits d'éducation, en fait de
dressage, officiels. Enfin agit une fréquente stupidité parentale : les
porte-voix des associations de parents sont presque toujours empressés à
obtenir de "bons" bulletins et dossiers scolaires, presque jamais préoccupés
de l'instruction véritable. C'est ainsi que la possession juridique des enfants
par des gens qui sont, sans le dire, avant tout soucieux de ne plus avoir à les
entretenir, est une double catastrophe pour les jeunes : dans le suivi
domestique, par des mentalités composées d'ignorance et de traditions réactionnaires ;
dans les choix des types d'école et d'enseignement, religieux et national en
particulier, opposés au libre épanouissement.
Ce n'est certes pas la faute des enfants, et beaucoup d'adultes ont
commencé par être des enfants. Seulement, les affaires humaines sont présentées
par la barbarie historique de telle sorte qu'il faut délimiter des
responsabilités : il faut faire le tri, entre des êtres humainement avortés
dont la férocité est devenue irréversible, et au contraire des gens qui ont surtout
envie de vivre en paix, et même sont prêts à quelque effort en ce sens (à tout
risque : car les brutes dominantes n'aiment guère les regards ouverts et
les têtes levées).
Tout cela serait déjà épouvantable.
Mais on doit assister, en plus, à l'acharnement dans des impasses de tribuns et
tribunes qui prétendent répliquer à la mise en condition.
Il y a d'abord la pesanteur et les chaînes des déviances verbales.
Des cerveaux, en masses, sont sûrs de raisonner quand ils alignent des mots, dont
très souvent des références à des textes : en réalité, ils n'ont jamais
accédé au niveau de pensée, c'est-à-dire de prise en compte des réalités par
des tris et connexions cohérents d'images mentales synthétisant des masses de
faits. La maladie du logos, la confusion entre discours et raison, a pour traduction
depuis Hegel (et son stupide, son incroyable "Nous pensons en mots")
la prosternation devant un Verbe de pouvoir, une dialectique : fondement
de tous les clergés, catholique ou coranique comme stalinien ou post-moderne,
trace très actuelle des rassemblements de l'âge des cavernes où l'incantation
préludait à toute activité et s'en prétendait la condition efficace. Le prêtre
qui veut envoûter de litanies (et qui exige de violer les âmes dès l'enfance
pour les préparer à la mise en condition à son avantage), ou le bureaucrate qui
se pose en contrôleur d'action et rédaction révolutionnaires, ne sont que des avatars
de chamanes.
Mais tous ne le disent pas, et tous leurs auditeurs n'en sont pas parfaitement
conscients.
Il y a ensuite des acteurs situés au fer de lance des dénonciations
du système actuel de tromperies : gens de savoir, parfois remarquablement
informés de ce que cela vaut la peine de diffuser autant que faire se peut, mais
qui font l'impasse sur les modes d'écoute des publics. Ainsi par exemple on trouve aujourd'hui
des auteurs (et des publics) tout disposés à des exposés sur les plans et actes
de la guerre contre l'humanité menée par les Anglo-Saxons, éventuellement relayés
par l'Union "Européenne" et spécialement les gouvernants de la
finance allemande : mais cela s'arrête à la description. Or pour que de tels exposés se
traduisent par l'écho et la révolte massifs nécessaires, notamment les
manifestations et bien davantage les actes de rétorsion synchrones de vastes
mouvements populaires à d'autres échelles que locales ou nationales, il faut
une réception par une écoute et une vue communes, entraînant action commune :
or nul ou presque ne s'occupe de cette condition préliminaire et primordiale. Ainsi on ne compte plus les
tentatives qui furent prometteuses et qui accouchent d'échecs et de
pourrissements, toujours prévisibles et toujours recommencés ; on ne
compte plus les supplications de dons de soutiens et les enfermements dans des
cercluscules de "grands auteurs", qui se croient encore des bannières
de rassemblement quand leur public déçu puis écœuré s'est détourné d'eux depuis
longtemps.
Dans le tableau extraordinaire
de l'impuissance des pacifistes, brossé par Martin du Gard dans "L'été
1914", on voit décrit en particulier (p. 331 dans l'édition des œuvres "complètes"
en collection "la Pléiade") les orateurs de bistrot, qui manient les
grands mots et leur fausse science des gouvernements comme s'ils étaient « tous
[...] dans la confidence des conseils de la Couronne »... A qui ne s'applique aujourd'hui
cette satire, jusque dans les sites "alternatifs" ? qui ne parle
comme s'il était chargé d'éclairer un ministre, voire comme s'il était ministre
et même homme de pouvoir effectif ? qui s'occupe de faire voir aux gens et
aux foules ce que sont leurs clercs ? qui dit la pesanteur des dévoiements
techniques et cependant la prégnance de la science, notamment des données sur
le comportement animal chez l'homme, en tout le retard énorme de la prise de
conscience anesthésiée dans le martèlement des dialectiques ? qui, au lieu
qu'on se range dans un clan déjà doué de haut-parleurs et qu'on haut-parle,
s'occupe de fournir les moyens de saisir le temps présent, si offerts et si
accessibles ?
Outre la mise au
point en livre — "Les hordes de l'ordre —, le site a.avramesco signalé en
lien sur ce blog, et ce blog lui-même, André Avramesco a pu publier ces temps
derniers une demi-douzaine d'articles sur mondialisation.ca et sur Agoravox.
Concernant ce dernier site, où il est vrai qu'on trouve des choses aberrantes,
les flics-de-la-pensée marxistes se font une joie de les dénoncer : mais bien
entendu sans jamais vouloir reconnaître que, s'il faut parfois aller chercher
des moyens d'expression dans des zones par certains côtés inquiétantes, c'est
parce que, des générations durant, les partis marxistes et leur hystérie
dialectique ont été d'efficaces étrangleurs de liberté. On est encore loin de
briser vraiment ce pilier protecteur fondamental de la réaction ; mais du
moins il est plaisant que quelques tentatives se fassent jour en ce sens, et
que les étrangleurs enragent.
Ces informations
ne sont pas contraires notamment au préambule de l'article ci-dessus.
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