Annexes et compléments
1.
Mots et inconscient
"Sans
le latin, sans le latin, la messe nous emmerde" chantait Brassens :
en effet, il est plus facile de croire que les choses prêchées sont très
profondes quand le langage employé est incompréhensible, et l'Eglise a eu de
bonnes raisons de maintenir la Vulgate en latin tant que cette langue était à
la fois celle des savants de sa part d'Europe et largement ignorée dans les
peuples. De même l'incrimination des traductions du Coran, au détriment de
l'arabe, sert les bestialités intégristes homologues. Mais il peut aussi être
utile de déclamer des idioties en langue ordinaire, en comptant sur le respect
forcé des lieux où elle sont proférées, pour mieux avilir l'esprit des fidèles
présents à la messe : c'est le choix fait par la papauté récente contre
les rites anciens — se rangeant ainsi à l'idée protestante qu'elle avait si férocement
combattue.
Cela s'analyse. Les sonorités claires et épurées,
mais sèches, du français ne conviennent guère aux acoustiques pour lesquelles
ont été conçues les églises et cathédrales initiales, et l'on comprend bien que
ce soit en France (et Suisse romande) que se soient manifestées les plus vives
réticences à changer la mode de Saint Pie V (intégristes d'Ecône). On dit, et
c'est une part de justesse, "obscurantismes". Mais on ne pense pas
assez aux exploitations et manipulations d'inconscient largement animal que cela représente, c'est-à-dire à l'éthologie. On
n'interprète guère dans ce sens, par exemple, les découvertes faites sur l'humanité
primitive des cavernes, et la restitution artificielle, fort élaborée, de ces
grottes, de leurs éclairages et de leurs échos, en temples et spécialement en cathédrales.
Toute expression est ainsi héritage de
violences et incohérences, souvent terribles, et il y a des encyclopédies à écrire
sur la désinformation par le langage. Elle est particulièrement vivace à propos
de "croyant" : les humanistes, réalistes, progressistes et
rationalistes croient ce qui
peut être prouvé pour toute l'espèce humaine, hors contrainte et violence, et sont ainsi les seuls à mériter véritablement
le nom de croyants. Les pervertis par les barbaries de l'histoire (bien souvent
sans en être responsables) "croient" toutes sortes de sottises :
or ce sont eux que les prêtres établissent en "croyants" dans leurs
prêches... Encore une fois, on ne peut éviter de blesser les habitués d'une foi
aussitôt qu'on rappelle ainsi des parts énormes de vérité : mais ce rappel
n'est nullement les insulter, c'est penser à ceux qui cherchent le vrai,
parmi lesquels on ne demande qu'à les ranger. L'expérience montre d'ailleurs qu'il est difficile d'espérer, en réciprocité,
la tolérance de gens qui ne vous parlent plus si par exemple on a lâché quelque
ironie sur les catéchismes : ce détournement boudeur, ridicule et très agressif,
est une des marques les plus régulières de la religiosité (certes les marxismes
ne s'en privent pas plus que les autres "croyances" et
"convictions"). Cela n'encourage pas toujours à se montrer tendre
contre les clercs et autres institutionnels, bureaucrates établis ou même
simples "militants", si souvent fâcheux par leurs essais de racolages
et professions de foi obsessionnelles.
Ces affaires ne sont qu'en surface linguistiques,
c'est simplement là qu'on songe le plus vite à les opposer à l'universalité
scientifique. Car on peut trouver des thèmes où certaines idées
"passent" mieux dans une langue que dans une autre : mais une
des grandes forces du plus juste, du déjà assuré, est qu'il peut être exprimé en
profondeur dans toutes. Ainsi, au contraire des fureurs qui voudraient
enfermer dans l'arabe ou le latin impériaux, et pour cause, l'expression des
bases d'évidence que choisit Galilée pour entraîner à la compréhension de la méthode
expérimentale — mécanique des milieux continus comme astronomie ou chute des
"graves" — se transcrivent immédiatement en japonais comme en malien
(malinké si vous voulez), en suédois comme en espagnol accentué argentin. C'est
pareil en éthologie, et ce le
sera toujours plus complètement :
comme en toutes affaires de science, universalité par
nature. Si des revues d'éthologie
politique doivent au début prêter une grande attention aux conditions locales,
et à cause de cela souvent nationales, les thèmes les plus importants devront
rapidement s'exprimer par des repères fondés sur des exemples valables au
niveau planétaire — on en a déjà des exemples avec les parts universelles de
gestuelle, dont les expressions faciales : puisse-t-on aller vite bien
plus loin !
2.
Fausseté de fond de la notion de "blasphème"
Pour
opposer toujours l'universalité scientifique, dont l'éthologique, à la sottise
encore partout présente, on peut rappeler aussi que des religieux qui se
veulent non dogmatiques parlent de rétablir le délit de "blasphème"
comme protection du vivre ensemble ! Cela prête à rire, mais c'est, et il faut démonter.
La dialectique en cause déclare que si on
"respecte toutes les convictions" (élément de propagande cher aux
cliques des "centres" catholiques en politique française, cœur et chœurs
du journal le Monde en
particulier), on va éviter les tensions excessives (et la guerre civile que
nous prépare la religiosité). Il faudrait "donc" interdire qu'on se moque de dieu, qu'on se taise devant les
faussetés, crimes et tricheries accumulés qui ont conduit à cette illusion —
qu'on ne reconnaisse que des religions de par la planète : comme le "petit
Robert des noms propres" fait la mappemonde des "croyances" sans
mentionner nulle part la pensée vraie —...
De telles interdictions, certes, rendent service aux "croyants"
en leur laissant le champ libre pour massacrer la liberté de l'esprit et les
esprits libres, comme ils l'ont fait des siècles durant et comme ils
recommencent sous nos yeux. On se l'explique très bien : cela permettrait
une plaisante décharge commune d'agressivité de tous les fanatiques contre
tous les véritables tolérants,
enclins, eux, à expliquer
plutôt qu'à assassiner. Mais cela
ne règlera nullement les problèmes de fond qui ne peuvent manquer d'opposer, et
opposent effectivement comme le montre toute l'expérience historique, les chrétiens
aux musulmans, les chrétiens entre eux (par nations ou par sectes, catholiques
et protestants mais aussi catholiques entre eux etc. etc.), les musulmans entre
eux (idem, chiites contre sunnites et ce n'est pas fini : c'est même une
des bases les plus solides de la manipulation du monde islamisé par les
vampires de CIA et MI6, re-etc. etc.).
Non. Il n'y a pas, il ne peut y avoir,
"blasphème" : il peut y avoir déclaration maladroite qui heurte
trop brusquement des enfermés dans leurs rites, mais c'est toujours moins
grave que les exécutions par toutes armes, par meurtres individuels ou
massacres d'énormité variable. Il
faut laisser large recours à la
vérité — universelle comme déjà
dit. Les crimes les plus grands, tels que tous peuvent et doivent le reconnaître dans toute l'histoire, sont ceux de toutes les religions contre la vérité : à l'opposé,
les protestations en faveur de la vérité ne sont pas des crimes, mais des
services rendus à l'humanité entière. Les plus terribles sacrilèges sont ceux
qui s'opposent à la vérité, à la paix et surtout à la vie — non à des racontars
puérils —. Il faut renvoyer, à la face des défenseurs vicieux de lois sur un
"délit de blasphème", les listes infinies des crimes de leurs
institutions, non les laisser tenter d'endormir encore ceux qui ignorent, mais
seraient disposés à entendre, l'histoire. Il ne faut pas laisser dialectiser
les infâmes et hypocrites défenseurs de ce qui ne cesse de faire le malheur de
l'humanité et la base la plus assurée et la plus présente des guerres.
3.
Abus de faiblesse : enfants et esclaves
Dans bien
des langues, on dit indifféremment (comme en latin puer) l'enfant ou l'esclave, et les ventes d'enfants
comme esclaves peuplent l'histoire des cinq continents. La religion, dit
Hitchens, empoisonne tout et maltraite les enfants : en fait de façon générale,
elle facilite tous les sadismes, et les propriétaires d'esclaves les plus féroces
(à commencer par les cliques venues avec, ou tout de suite après, Colomb) se
donnaient bonne conscience en se référant à la "vraie foi" — aussi
naturellement que les négociateurs musulmans de rançons, pour esclaves chrétiens
en terre d'Islam, se réclamaient des injonctions explicites du Coran pour
"justifier" leurs exigences (et leurs propres commissions sur les
transactions...). Les abus sexuels d'enfants par des prêtres sont certes une
caricature particulièrement dramatique de maltraitance : mais il y a plus
subtil, et à terme plus dangereux parce que de bien plus large portée.
A Luther traitant la raison de "prostituée
du diable" (T. III, 1) il
faut répondre, par les faits historiques accumulés sur les siècles de monothéismes,
que c'est la "foi" qui s'est démontrée diabolique, fomentant les
haines ensuite classées en "vérités" parce que triomphantes comme
celles vaincues en "hérésies" par les hasards de guerre : or
tout cela n'a pu se faire que par le viol initial de jeunes âmes, mais dont une
bonne part n'a jamais pris conscience d'avoir été pervertie. On n'enseigne guère
la "Croisade des enfants" : mais combien d'autres massacres se
rattachent au même schéma, sans même parler des atroces inhibitions sexuelles
qui ont fait des vies (et des morts) de douleur ? En vérité, quand on
commence à saisir ces masses de faits, il n'est plus possible de
"croire" (aux mensonges propagés partout, ce qui est rarement ajouté à ce verbe trahi !)
et c'est cela même qui explique les refus des "croyants", en
particulier leurs angoisses de "blasphème" : car quelque part au
fond d'eux-mêmes, ils éprouvent fort que l'acceptation d'une logique détruit
les fondements les plus "sacrés" = les plus enfouis dans
leur inconscient. On se souvient ainsi de la phrase du forcené cardinal
Lustiger, lors de l'attentat mortel au cinéma Saint-Michel à Paris, où l'on s'était
risqué à projeter La dernière tentation du Christ de Scorsese : "quand on touche au sacré,
on déchaîne le diable" — aveu extraordinaire : c'est donc bien Satan,
plus scientifiquement le satanisme (sens psychiatrique : sadisme extrême), qui a fait et protège le
"sacré" des religieux !
C'est une des données les plus pertinentes que
cet ancrage par angoisse et terreur de l'autoanalyse, angoisse et terreur de la
pénétration de l'inconscient : introjection du faux "sacré" dans des petits incapables
de se défendre. Voilà le fond.
Une part des horreurs imposée aux enfants, qui
a été et demeure développée dans toute la mesure où les religions y
parviennent, est l'infamie qui accuse l'humanité entière de "péché originel".
Pour quiconque a éprouvé la juste émotion de tenir dans les bras un tout-petit,
cette infamie — qui a donné aussi les massacres de juifs, enveloppés en
revanche de "déicides" — est caractéristique d'une perversion extrême :
on accuse les enfants pour se donner ensuite les plaisirs sadiques de les
"redresser" : que de siècles le prouvent, et par quelles
horreurs ! Si jamais les mots d'abus de faiblesse ont un sens, quand,
sinon d'abord à ce propos ?
Qui fera le compte épouvantable des maladies mentales et sociales engendrées
par les tabous, sur la masturbation comme on le dit un peu, et sur tout le
reste des rapports au corps, aux choses, aux autres comme on le dit si
rarement ? L'enfant humain naît dépendant. Il a des droits, dont l'accès à la vérité (universelle-scientifique-et-historique-au-nom-de-toute-l'humanité) avec tout ce que cela suppose de nourritures matérielles
et psychiques pour un épanouissement humain. Et c'est lui qu'on accable d'un
"péché", des crimes que les religions ont commis ! Ce petit
qu'il faut élever, soutenir, développer, on l'enferme dans des idioties
ancestrales qui ont asservi ses proches, au lieu de l'éveiller à tous les
bonheurs ! Quel mot est assez fort pour faire sonder cet abîme de méchanceté ?
4. Ne
jamais compter sur "la bonne nature"
Il ne
faut jamais compter sur "la bonne nature", ni en histoire ni ailleurs :
jusque dans l'humain, le donné est d'abord in/sensé. Mais l'absurde se dompte :
ni désespoir, ni "foi" aveugle. On a dit un peu sur ce thème (t. III)
le danger de la position de Lorenz, comptant sur la nature et ses "deux
grands constructeurs" d'évolution (mutation et sélection) pour triompher
finalement des sauvageries animales, même dans l'humain : c'est un danger
mortel. Car Il est lamentable de croire à un messie, prolétarien par exemple,
comme il est lamentable en n'importe quel domaine de croire que ce qui est le
plus propre à l'humain, exprimé par exemple sous forme du sens de la justice,
doit triompher ob natura rerum :
si on compte sur la "bonne nature", ou le point Oméga dans l'histoire, il est aussi simple de déclencher
le feu nucléaire, comme ne manqueront pas de le faire les impatients généraux
de l'OTAN (entre autres). Au contraire, l'humain se caractérise par le lent et énorme
effort de convergence d'empathie et de rigueur, et c'est seulement si on
lutte à l'extrémité de toutes les forces possibles en faveur de cet équilibre qu'on parviendra à sauver l'humain des indifférences
cosmiques.
Il faut donc lutter : travailler, diffuser, analyser, argumenter,
rencontrer, unir — inévitablement par la vue commune (au moins partielle) d'abord, puis alors tout naturellement dans l'action. Ce n'est pas parce que de larges majorités n'y comprennent plus rien
aujourd'hui que c'est moins vrai. Compter que des modifications d'ADN ou de
hasards socio-politiques vont faire peu à peu des êtres raisonnables revient à
supposer le "bon dessein", la "bonne nature" : c'est
encore supposer l'histoire cosmique d'avance faite pour une humanité dont l'univers se fout comme
de tout et du reste. Il est désormais
vital et urgent, au contraire, de se résoudre à comprendre les mécanismes qui
ont si souvent déjà entraîné aux pires horreurs, pour enfin les arrêter.
Dans les dangereuses folies qui peuvent coûter
la vie à notre espèce règne le plaisir des privilégiés. Non seulement il se
moque de la misère des autres, mais il y trouve motif d'accroissement. Cette
perversion est assez épouvantable pour qu'il soit très compréhensible de refouler d'abord ce tableau monstrueux (en partie parce
qu'il est tentant de s'y reconnaître : ce qu'il n'est pas simple de
s'avouer si on a été "bien élevé", c'est-à-dire si on a bien intériorisé
une morale déjà assez juste). Mais si on en reste à ce refoulement, ça ne "marche" pas — le refoulement ne "marche"
jamais. En particulier, si on ne reconnaît pas l'universalité des pulsions (en
particulier celle d'abord neutre, expansive mais très vite agressive), même en soi bien sûr, on est voué à l'impuissance contre l'épouvante. Il
faut donc absolument percevoir
– le fond expansif
– puis les inévitables incitations de toute vie
à l'agressivité
– enfin chez les privilégiés, le développement de
celle-ci en perversion infecte qui les coupe de l'empathie assez profonde et de
leur propre compréhension — ces crapuleux gosses de riches, en particulier,
dont Hugo disait qu'on les enveloppait dès l'enfance dans "ce
linceul : le pouvoir" —.
Il est mortel de rester aveugle à la construction,
par les hasards de la vie et de
l'histoire, de capacités aussi dangereuses
notamment chez ceux que le pouvoir attire (c'est beaucoup de monde). Il est
mortel de rester aveugle aux moyens d'analyse qui sont la condition de survie de
l'humanité.
Contre de telles fautes, il faut d'abord évaluer
un peu les déviances qui prétendent laisser indifférent à la disparition de
notre espèce. Je me souviens d'un imbécile qui opposait à ma terreur de la
guerre thermonucléaire — il y a déjà de cela bien des années — la tranquille
affirmation que, ne laissant pas de survivants, il ne voyait pas de raisons de s'inquiéter pour lui ni sa famille, dont bien
entendu ses propres enfants. De même un général, qu'on tentait d'éveiller à la
monstruosité d'une telle disparition de l'humanité, a osé répondre :
"que ce soit en traversant la rue ou d'autre manière, il faut mourir un
jour, alors où est la différence ?"
Je ne sais rien de plus puant.
J'ai eu la chance de ressentir très tôt, à
travers le "feu sacré" de mes instituteurs, une des plus admirables
profondeurs, un des plus merveilleux fondements du sens qu'il faut donner à la
vie : l'accomplissement par la transmission, et si possible l'élaboration,
de l'équilibre et du savoir humains. J'enseigne depuis tantôt soixante
ans : je n'en suis point las. J'en reprendrais bien pour autant. Toute vie
n'a de sens que tournée vers l'avenir. Alors, qu'on se réjouisse de ne pas
laisser de survivants me paraît
motif d'enfermement rapide et obligatoire en hôpital psychiatrique, et de même,
qu'on ne fasse pas la différence entre se faire renverser par une voiture et la
fin de l'humanité me stupéfie au delà de tout, même de la part d'un militaire,
même très gradé. On peut s'exercer à soutenir n'importe quelle thèse : un
temps seulement. Ensuite, le refus de réfléchir est crime, et il importe d'en imposer conscience avec toute
la vigueur possible.
Alors et dans ce sens, on peut approfondir la
saleté nauséabonde des privilèges. Ils se construisent par le plaisir d'une
minorité vicieuse, les potentats les plus directement politiques étant soutenus
et souvent adoubés par la crapule religieuse : relisez l'histoire, pas
seulement en France. Louis XIV — en vérité l'un des plus infâmes, que des
livres continuent à célébrer en "roi-soleil" ! — disait qu'il
ferait la guerre "m'en coutât-il cent mille de cette canaille-là"
(les paysans qui le faisaient vivre). Les sourires épanouis des chefs du CNPF
devenu MEDEF, en particulier dans la lignée des gens de l'UIMM, sont
strictement dans cette lignée d'éthologie politique : bonheur d'embusqués
dans le déclenchement de tornades historiques — la responsabilité des
"industriels" français et allemands est totale dans les plus
sinistres massacres où l'on ait conduit des peuples voisins à tous les titres —. On comprend bien que ces sadiques soient révoltés
par les "excès" de la grande Révolution française, puisque
quelques-uns de leurs semblables y ont laissé leur peau. Ce n'est pas un
argument pour ne voir que de mauvais côtés à la grande Révolution française. Il
pourra être utile de le leur répéter.
C'est dans cet esprit, tout éthologique, qu'il faut analyser la "réussite"
(relative) de certains comportements dans l'histoire. Le plaisir de ceux que l'écume
des choses a poussé au pouvoir, l'empathie malheureuse chez ceux qui, trop
souvent, ont éprouvé quelque résonance intime à ce plaisir sans comprendre d'où
cela leur venait, le favoritisme navrant que le psychisme réserve à l'habitude et l'angoisse lamentablement automatique devant le
changement, voilà quelques-unes
des forces qui font une telle stabilité (individuelle et collective) aux
conservatismes, dont se réclame encore Lorenz lui-même. Lui, à qui nous devons
d'admirables images d'introjection de l'habitude (chapitre Habit, ritual and magic du fondamental On Aggression), lui qui incitait si justement au respect de la
raison et de la responsabilité morale, s'est arrêté effrayé à son tour devant
les puissances des instincts et les dénuements premiers de la raison et de la connaissance
— au lieu de saisir les forces de l'éducation rationnelle.
Or il est bien facile de saisir et de faire
voir comme des vicieux les gens
qui, tant qu'ils peuvent compter sur l'abdication mentale (de leurs
contemporains d'abord), croient qu'il leur suffit de paraître pour
commander : il ne manque pas de moyens de les ridiculiser et de les faire
haïr. Certes ces moyens ne procèdent pas directement de la réaction spontanée du primate que nous portons tous en nous : mais
comme tout ce qui vaut, cela se cultive. Et les satisfactions — en partie agressives, certes —, que la révolte procure, ne cèdent pas facilement même devant la
violence de la répression, qui crée d'ailleurs pour les installés des difficultés
fort exploitables à leur tour.
Ces affaires de manipulation des esprits, par des
pouvoirs et violences comme par les propagandes qui s'y appuient, ne sont pas "tout
simplement de la politique". C'est de l'éthologie politique. Dans un domaine voisin de même, on peut bien sûr
s'arrêter à ce que les moyens de communiquer par un blog et la Toile reposent
toujours sur des mots et des images, mais il est ridicule de négliger la différence
entre la portée d'une voix et les techniques aujourd'hui développées de
diffusion : de façon tout à fait équivalente, il est ridicule de négliger la
différence entre les puissances de dénonciation de l'éthologie politique par
les éclairages qu'elle donne sur l'animalité (la bêt/ise) des
"princes", et les réflexes naturels de prosternation. Les
manipulateurs (de CIA et MI6 entre autres) ont de longtemps discerné la
politique ancienne et ses perfectionnements éthologiques. Chez les
progressistes au contraire, hélas, jusqu'ici on se croise les bras et on attend
que beaucoup de gens vous entraînent à faire ce qui est enfin à portée de
tous : il n'y a pas trop de quoi s'étonner de l'état de la planète.
Pour répéter encore cet essentiel : il est
"naturel" (plus immédiat que la culture) de laisser parler l'émotionnel,
l'animal évolué au hasard, fondé sur l'éducation souvent idiote des religions
(et des nationalismes) ; il est "naturel" de négliger par pur réflexe
le plus humain : à savoir contrôle, raison, expérience, science et
histoire. Cela ne justifie pas de laisser se faire toutes les barbaries dont
l'humanité a été et demeure si terriblement victime. Ce qui se fait facilement contre toute rationalité,
comme les fascismes et fanatismes, est aussi ce qui se rend le plus aisément méprisable :
la détermination — la compulsion — des fous n'est pas un exemple enviable. Il
n'est ni difficile ni interdit de lutter là-contre.
Cela se transcrit partout. Il y a, pour ceux
qui ont accepté d'étudier l'éthologie, une compréhension si intime par exemple des
réflexes d'agenouillement, qu'ils perçoivent bien vite les pulsions de ceux qui
s'y laissent prendre. De même, on analyse sans peine la satisfaction primitive à
voir réprimer, puis à se ranger à la force brutale, enfin à se sentir vainqueur
par procuration alors qu'on est soi-même victime d'abord, abject ensuite ;
seulement voilà, c'est une satisfaction primitive, et lorsqu'on en ressent
l'abjection il est moins facile de s'y laisser happer. A défaut de satisfaire
son goût d'omnipotence (au plus net chez les enfants autour de quatre ans), on
se réjouit de s'identifier à une omnipotence (dont l'immortalité est cas
particulier) : désir de croire à la magie, à la fausseté, à "tout
facile", désir de soumission, abdication du sens démocratique et humain
sous prétexte de combattre "l'orgueil" (la dignité humaine) en fait
pour contraindre à accepter l'insolence du pouvoir, religieux ou autre. Déséquilibres bestiaux, ennemis de
l'humanité. Même des singes ont
de justes réflexes de révolte : que dire alors d'humains, qui ont choisi d'en être incapables ? Pourquoi s'aveugler
par exemple sur ce que l'histoire nous répète des papes et des gouvernants, parce
qu'une occasion se présente de transport gratuit pour aller voir les pantins
actuels de ces services ? Pourquoi ne pas participer tant qu'on peut, par
l'action humaniste et progressiste, aux poussées politiques qui ont donné le
plus fertile, le plus humain, le plus heureux de nos héritages, depuis que le
savoir universel éclaire enfin un peu notre chemin ?
5.
Profondeur d'opposition entre religion et savoir,
entre
fausseté de "révélation" et vérité universelle
C'est dans
ces affaires une chose très forte que, malgré des protestations aussi
officielles qu'hypocrites, les religions se soient toujours farouchement opposées
à une diffusion large de l'éducation et du savoir, spécialement en ce qui
concerne le sexe féminin. Là encore, on peut toujours refuser l'apport évident
et précis de l'éthologie : on peut exposer, dans des mots qui ne
mentionnent jamais la moindre allusion à cette science fondamentale, le fait
que les femmes excisées sont souvent des plus résolues à exiger cette infamie
pour les petites ; on peut refuser tout rapport de cette attitude à la
relation particulière des femmes aux conservatismes en général et aux prêtres
en particulier ; on peut se satisfaire d'éléments de psychanalyse pour
englober en termes vagues de telles masses de faits. Mais on peut aussi choisir
une conscience plus nette des héritages animaux de tendances à la soumission
souvent "femelles" avant d'être féminines :
1) comme bien des hormones, elles sont présentes
dans les deux sexes
2) il est absurde de les considérer comme imposées
identiquement à toutes les femmes
3) mais il est aussi absurde de les nier
dans les majorités de femmes (où elles sont cultivées par éducation, pour ne
pas dire par dressage)
alors
que cet ensemble de données permet à la fois d'en situer les limites et de
mettre en garde contre leurs manifestations non raisonnées.
Seulement,
cette démarche éthologique est
plus difficile que de décider ce qu'on a envie de déclarer vrai. D'où la perpétuation
par exemple de sentiments insensés de supériorité dans un sens ou dans l'autre,
au lieu de la reconnaissance profonde, éthologique, que l'orientation (grossièrement : vers
l'extérieur ou l'intérieur du ventre) des organes sexuels (les plus différenciés)
a un rapport nul aux propriétés
et capacités les plus dignes de considération, et de très loin, dans un être
humain. De même, les dispositions politiques et de savoir les plus importantes n'ont
rien à faire de l'accord plus ou moins complet des dispositions physiologiques
et comportementales en affaires de sexe : qu'on soit hétéro- ou
homo-sexuel, de quelle façon, et pour quelle part en raison ou déraison d'éducation
ou de nature chromosomique, n'a aucune relation aux réussites possibles en action humaniste ou en apprentissage
d'histoire ou de science — sauf, évidemment, en ce qui concerne les difficultés
pour se faire entendre dans des sociétés arriérées, c'est-à-dire par exemple en
masses actuelles.
La terrible aberration de condamnation du hors
"normes" est cultivée, sous l'hypocrisie déjà soulignée, par
pratiquement toutes les religions et tout le temps. Ce n'est qu'un cas
particulier important de la tendance au refus de la vérité, la seule vérité-universelle-globale-science-et-histoire qui ne peut que se moquer des "révélées"
et de leurs incohérences. Lutte fondamentale entre savoir et pouvoir. Partout
et toujours, la "foi" — l'aveuglement, souvent intériorisé de façon
incurable — refuse de constater son opposition de fond et continuelle à l'épanouissement
humain. C'est certes encore le cas plus férocement contre le sexe féminin, mais
c'est vrai en général contre la diffusion du savoir et la diffusion des germes
de libération que porte ce savoir : qui sait un peu d'histoire réelle des crimes de l'Eglise, contre les gens de savoir
en particulier ? qui diffuse cette part de vérité ?
Que dire alors de l'émancipation politique —
et, indissolublement, morale !
Il est effarant, mais cela se reproduit en
notre temps, qu'on prétende lier la morale à la religion, alors que les
exemples les plus forts d'immoralité — dont les guerres, religieuses certes mais pas seulement — sont dans
toute l'histoire du côté des
vanités "croyantes". La
religion est l'accompagnement obligé de toute prise de pouvoir et des violences
qui en sont toujours les procédés de base. La torture et le massacre par les
Inquisiteurs accompagnent toujours et partout les esclavages et les
colonisations : celles de l'Afrique et de l'Amérique latine aujourd'hui ne
font que perpétuer celles des siècles passés, dans le silence des propagandes
officielles (la protection par le Vatican de prêtres largement responsables des
pires moments du génocide rwandais en est un cas, tu comme cent mille autres) —.
Il y a ainsi une folie, mais aussi une terrible
efficacité, à la prise de pouvoir sur les âmes après la soumission des corps
par la guerre. L'un des moyens — les plus constamment employés, et autant que
possible, par les religions notamment monothéistes — a été la destruction
systématique des bibliothèques, mémoire de l'espèce. C'est à cette lumière qu'il faut étudier des
affaires parmi les plus graves pour la compréhension et les leçons du passé
humain : nul n'ose dire l'évidence, que les chrétiens, au long d'un
millénaire au moins, ont fait bien pire en fait de destructions que ce qu'on
reproche aujourd'hui aux Talibans
— sans parler des récupérations à l'infini des antiquités (grecques en
particulier). De même, il est incroyable (sauf compréhension éthologique) que
des Noirs se soient convertis aux deux grandes lignées de crimes qui ont
accompagné les esclavages chrétiens et musulmans, dans le génocide perpétué de
l'Afrique par les razzieurs des deux côtés du continent : cependant il y a
encore des auteurs, et dans des sites supposés plus libres que la presse
immonde des Etats puissants, pour mettre en avant plutôt M. L. King ou au
contraire plutôt Malcolm X, l'un chrétien et l'autre musulman, comme défenseur
des droits de l'homme aux Etats-Unis ! Qui va enfin s'occuper un peu de
voir qu'on n'émergera pas de l'aveuglement et des racismes bibliques et
coraniques par la référence à la Bible, au Coran et à leurs racismes ? L'inséparabilité de la dévotion religieuse
et de la cruauté envers les opprimés, dont les esclaves, est une donnée immédiate
des documents : mais bien peu de gens se donnent le mal d'abord de la
voir, ensuite d'y reconnaître l'inséparabilité de la religion et de
l'entretien des maladies physiques et mentales, individuelles et collectives. Pourtant, il n'y a pas que des "Témoins de Jéhovah"
pour mener campagne contre les soins médicaux : cette inséparabilité des
religions et des obscurantismes est une constante, simplement plus ou moins apparente suivant les
manœuvres de manipulateurs et les luttes
humanistes — les terrorismes intégristes se manifestent contre le divorce,
encore davantage contre l'union libre, ou les contraceptions, ou en général
contre les hygiènes sexuelles comme contre les autres.
Encore une fois, on ne tente pas ici de faire
une liste de ces sauvageries, on se contentera de redire : le pire,
c'est la perversion systématisée des enfants à un âge où on abuse notamment de
leur incapacité à défendre leur future raison. Les conséquences s'en voient à tous les niveaux.
1) En France, des gosses sont envoyés par leurs
parents en école confessionnelle parfois pour des raisons de transport ; ils
affichent souvent ensuite un racisme écœurant, sur lequel il est très difficile
de les faire raisonner : est-ce moral ?
2) Une ordonnance signée Charles de Gaulle de juin 1944
interdisait à des groupes financiers de posséder la presse : c'était en
souvenir de la presse vichyssoise et de celle qui l'a précédée sous la Troisième
République — "la honte de ce
pays", disait Camus —. Que resterait-il des croyances, des votes, et de
l'Education "Nationale" de la Cinquième, si on revenait à cet élément
de démocratie ? or que n'a fait
l'Eglise pour Pétain, son régime
et ses thuriféraires financiers ? que n'a-t-elle fait contre l'ordonnance de juin 44 et l'Instruction Publique,
principes indispensables de liberté ? Cette action est-elle morale ?
3) La propagande de l'OTAN dissimule son écœurant sectarisme
chrétien sous des protestations de révolte contre certains combattants en
Ukraine comme en Syrie : à partir de là, alors que tous les documents sérieux
attestent les provocations néo-nazies en Ukraine et autres manipulations US-UK
par "Etat islamique" interposé en Syrie, il suffit aux media de la
finance d'accuser de "conspirationnisme" les esprits libres et les
vecteurs de vérité pour terrifier des "majorités" entretenues dans
l'ignorance et la haine, de référence en nations chrétiennes, et ainsi sans
preuve ranger largement ces
"majorités" à un discours inepte et assassin ! Est-ce
moral ?
Diderot, lui, disait : pour être heureux,
il n'y a en somme rien de mieux à faire que d'être vertueux. Au contraire l'illusion
propagée partout demeure celle de la bourgeoisie voltairienne : que seule
une "croyance" (en fait un ensemble de tabous inconscients) peut efficacement "empêcher des
valets de devenir voleurs". C'est monstrueux. Ce sont des esprits
libres qui ont lutté pour la démocratie comme pour l'éducation scientifique, ce
sont toujours des religieux qui se sont opposés à la vérité. L'écho rencontré est d'abord plus fort si on s'abaisse à rappeler des
mythes partout répandus — comme les partis fascistes et les fanatismes sont
vite suscités par les pouvoirs — : c'est de là que vient la faute aussi
bien de M. L. King que de Malcolm X, ce n'est certes pas un exemple à
suivre, et ce n'est pas parce que l'éducation demeure encore si épouvantable
qu'il faut oublier les progrès dus à sa libération partielle, et à sa libération potentielle. De par
la science et l'histoire, l'éthologie en particulier, Voltaire a tort et
Diderot raison, pleinement : la constatation, autrement plus forte et plus justement ancrée que
la "croyance", la référence au réel enseignée puis exaltée par toute
la vie, est seule sûre pour l'équilibre humain, moral et politique.
Pour
condenser en quelques exemples forts "nature" et culture
Il y a priorité
"naturelle" (primaire) de l'inconscient : la mobilisation générale
d'août 1914 a pu se faire par la terreur de l'exclusion des hordes nationales, la
terreur d'être vu comme traître. De là l'acceptation de l'uniforme puis des chefs
(cf. Ethologie de la guerre mondiale) : les privilégiés, au pouvoir dans le monde, ont ainsi pu faire appel
aux réflexes nationaux et, par le
recours à la guerre, écraser "la sociale" et les rêves de
"classe". Or on ne cherche pas à mesurer les causes et conséquences très
actuelles de cette manipulation de
foules (la guerre mondiale est toujours installée), encore moins à la resituer
dans le contexte patent, éthologique, des sources de tels regroupement en bandes.
Je placerais volontiers ici, pour illuminer
encore ces dérapages, un mot de prêtre — un aumônier qui voulait
"tenir" ses ouailles, en pleine "der des ders" (comme on a pu
appeler, par une ironie atroce, le moment 14-18) —. Pendant une accalmie
relative de la guerre déjà engagée en horreur de tranchées, on réunit des
troupes pour leur imposer un prêche. Le discours tenu fut dans le principe
celui-ci : "vous avez déjà entendu que cette guerre est juste, et
pourquoi elle l'est ; vous pouvez être sûrs qu'en face, vos frères chrétiens
entendent la même chose ; rabattez donc tout orgueil, et priez comme il
convient : pour la rémission de vos péchés, car c'est cela qui est le plus agréable à
Dieu"...
Comme si souvent, ces mots résonnent bien plus
clair si on remplace Dieu par pouvoir : mais il n'est sans doute pas
indispensable d'y insister cette fois encore. Le plus fort est dans la rétroprojection,
qui veut imposer la culpabilité aux malheureux, dont la plupart va être massacrée, au lieu de
leur laisser un peu de temps pour voir les criminels et les profiteurs de
guerre où ils sont ! C'est bien ainsi qu'on peut réclamer la soumission
abjecte aux "grands", papes et oligarques. Mais qu'au lieu de s'en révolter primairement (ce
qui est aussi indispensable),
on songe enfin à la manipulation d'inconscient éthologique que cela représente, inconscient animal plus qu'humain
et ainsi d'abord plus efficace — manipulation du sentiment vague de sa propre
agressivité pour y enfermer au lieu d'en faire émerger !
C'est ainsi que les comportements donc les sociétés,
qui se construisent et se perpétuent aisément, correspondent certes d'abord à ce
qui s'enracine le plus aisément dans l'animalité. Mais il est aussi, en un autre sens, avec
d'autres difficultés et une tout autre stabilité, simple de construire des sociétés plus humaines, parce que les gens peuvent
le comprendre et n'en veulent plus sortir. Ainsi même des catholiques bornés du temps présent, en France, trouvent
tout naturel d'intégrer à leur vision des choses un sens républicain et ignorent tout de ce qu'a été la position de
leur Eglise un siècle durant contre le principe républicain ! On peut le leur rappeler : et partout
ainsi, le savoir et le sens humain, eux aussi inséparables, ne cessent de
progresser et de faire lutter pour davantage de justice et de démocratie.
De là, la violence comme recours obligé et perpétuel
des "conservateurs" — des réactionnaires — et l'appui mutuel de
pouvoir et religion : aucune religion n'admet en son fond le droit à la vérité
universelle, et les caricatures aujourd'hui brandies de l'intolérance islamique
ne font que voiler le double fait historique que l'islam a été, dans la réalité
contrôlable par tous, souvent plus
tolérant que le christianisme, et que celui-ci au contraire a exercé la plus
grande violence au long des siècles — ce qui justement lui permet à présent
d'y faire moins ouvertement appel.
L'incompréhension des sources et des mécanismes
de cette violence est typique de l'ignorance éthologique, de la référence
religieuse et de l'impuissance qu'elle entraîne. Il y aura encore long/temps des gens pour penser
que l'amour chrétien ou la lutte des classes suffiront à empêcher les
nationalismes, l'excision et l'écoute spéciale des femmes pour les prêtres.
Mais ce temps sera d'autant moins long qu'on éveillera tous les êtres humains à
l'éthologie : tout le politique primitif se rattache bien simplement aux résonances
agressives devant les dominants,
en général mâles, des hordes de primates, et il n'est pas difficile de
multiplier et diffuser les exemples de ce genre de maladie régressive
animale.
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