MÉPRIS
1. "Personne ne tient
ce discours-là", disait récemment
un consciencieux spectateur de TF1 & Co, entendant avec un effarement mêlé
de dégoût quelques réalités concernant le crash de l'Airbus de Germanwings dans
les Alpes. Personne, en
effet : <mondialisation.ca>, <agoravox>, <mediapart> même,
pour ne parler que de quelques sites en langue française, ont tous publié des
articles plus ou moins décents, mentionnant parfois le conflit entre les
dirigeants à haut prix et les employés à bas prix de la filiale low-cost de Lufthansa. Mais ce ne sont que
divagations : on y envisage le MÉPRIS général, du travail dans "l'entreprise"
et puis des êtres, même de la vie d'enfants ! De la philosophie : ça
ne compte pas, ça ne s'écoute pas, enfin ce n'est personne. Il peut bien y avoir à la maison un ordinateur et
l'accès à des sites "alternatifs", il ne sert qu'à des jeux avec
podcasts, puis à quelques coups d'œil subreptices sur des sites porno :
autrement, on écoute TF1 et associés, et avec ça on est moderne et informé. Les
ennuis et tensions au travail ou en famille sont oubliés, négligés, et surtout jamais
médités : cela évite aux employeurs que trop de têtes se relèvent — d'affreux
"conspirationnistes", ouh ! parmi lesquels on serait terrorisé
de se voir ranger...
Ainsi le dieu-pouvoir fait l'homme-esclave à
son image. Howard Zinn raconte que, lorsqu'on réussit à rappeler un peu
d'histoire aux pauvres des Etats-Unis, noirs et blancs, on se fait répondre
avec une surprise non feinte : "je ne voyais pas les choses comme ça !" Extraordinaire :
ce qui s'est passé, souvent
connu en partie par les victimes, est d'abord considéré comme une vision étonnante des choses. Plus l'oppression est
totale, totalitaire, plus l'animalité de primate prévaut sur la raison,
l'humain : c'est le dominant fort en gueule qui dicte la façon, non
seulement de se conduire, mais d'éprouver. En France, on déclare que "voter est un droit, c'est aussi un
devoir civique" : au sens
de qui ? comme l'instruction civique, qu'on recevait un peu en second cycle de l'Instruction Publique, ou au
contraire comme le service d'action, civique qu'il disait, du mafieux Pasqua
après mai 68 ? Quelle question ! "Personne", sans doute, "ne tient ce
discours-là"...
Redite : dans l'un de ses plus beaux éditoriaux
du journal Combat, Camus
rappelait la nécessité absolue en démocratie d'interdire la possession de la
presse par des groupes financiers
— il évoquait ce qu'était "la honte de ce pays" : les journaux
de la fin de Troisième République et du temps de Pétain le traître —. Que
dirait Camus aujourd'hui ? Que vaut le soi-disant suffrage, abruti sous la
coupe de TF1 et pareils ? Quelle signification de volonté populaire ont
des bulletins d'urnes sous contrôle de manipulateurs et menteurs de
profession ?
Silence, on vous dit : "personne
ne doit tenir ce
discours-là" !
MÉPRIS
2. Bowe Bergdahl n'est sans doute
pas, lui non plus, dans les discours des bien-pensants, bien-parlants. C'est le nom d'un
soldat US qui, en Afghanistan, a été écœuré de la mentalité des brutes qui le
commandaient, et parfois l'entouraient. Les êtres humains, nés dans le pays où
il était envoyé, lui ont paru humains : dignes d'aides au lieu d'insultes.
Ayant assisté à un "incident" particulièrement révoltant (des enfants
renversés dans la poussière des rues, avec le MÉPRIS convenable, par des camions blindés de la plus impériale
armée du monde), il a tâché de joindre un officier supérieur éloigné de son
unité. Capturé par les "Talibans", durement traité, il a été réclamé
puis échangé contre des "insurgés" par Washington, qui pensait en
faire une grande victoire diplomatique. Or Bowe Bergdahl n'a pas changé de
discours pendant sa très courte
"libération" — car il s'est retrouvé emprisonné dans les geôles de
son propre pays : il a osé maintenir que les Afghans sont, dans le
principe et souvent la réalité, humains... et les officiers US, dans les faits,
nettement moins.
Bergdahl est donc envoyé en conseil de guerre.
Mais mieux : les "faucons", ou comme on dit fort bien en français les néocons, aux Etats-Unis, réclament que les charges contre
lui soient rédigées de façon assez forte ("désertion devant
l'ennemi") pour permettre la peine capitale. Contre les gens au feu, les lâches bellicistes
sont toujours féroces, depuis le calme des bureaux ministériels où ils rampent
devant leurs commandants de carrière.
Réalité pérenne. Tout le monde qui veut savoir
sait qu'un président des Etats-Unis fut assassiné pour défi aux profiteurs de
guerre de son pays. Mais il faut le réentendre plus précisément déclarer, dans l'époque
de la rivalité avec l'URSS :
"We all inhabit this little planet.
We all breathe the same air,
we all cherish our childrens's future
— and we are all mortal"
(Nous
résidons tous sur cette petite planète. Nous respirons tous le même air, nous
chérissons tous l'avenir de nos enfants — et tous, nous sommes mortels).
Cela,
au temps où les "communistes" étaient, pour les mass merdia de la
finance et de la honte réunies, ce que sont devenus les "islamistes" aujourd'hui.
Non mais ! Les Russes, des humains comme "nous" ! et
pourquoi pas les Afghans, alors !
Si ça continue
comme ça, les "conspirationnistes" vont bientôt exiger qu'on examine la
répartition des richesses, nationalement et internationalement, le coup d'Etat
néo-nazi en Ukraine, la guerre en Syrie, la déclaration d'Obama rangeant le
Venezuela parmi les grands dangers contre "la sécurité des Etats-Unis",
les crimes de guerre en Afrique, bref la politique, à la lumière de l'humanisme
voire des données scientifiques ! Doux Jésus !
Personne ne doit tenir ce discours !
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