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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mardi 14 avril 2015

Act82 Totalitarisme et technologie


La stupidité des expressions en termes de lutte "des classes" prend désormais des proportions angoissantes. Car d'un côté on entend clamer, à juste titre, l'urgence d'agir pour éviter à l'humanité de courir à sa perte ; et de l'autre côté demeure inamovible le refus du renouvellement dans la compréhension. Or sans cette base d'accord rien ne peut être mené de façon assez large et puissante, dans la réunion d'assez de gens, assez de forces.
En particulier, l'écrasement des élans démocratiques par les nouvelles technologies est un cas remarquable de ce que les pouvoirs financiers parviennent à faire, tandis que leurs victimes restent désarmées dans leur ignorance. Ainsi, l'un des résultats de la barbarie par chômage imposé est que des masses de gens peuvent être recrutés en "conseillers" techniques ou commerciaux, et gagnent leur vie en infectant les autres de processus d'arnaques et harcèlements — par exemple au service des banques et assurances ou des "fournisseurs d'accès", quand ce n'est pas en participant à des escroqueries avec abus de faiblesse comme on en voit de plus en plus fréquemment —. Est-il facile pour de tels "travailleurs", qui sont légion et en croissance, de s'intégrer à une "classe" ouvrière ? C'est en face d'eux, non à leurs côtés, qu'il y a encore des gens de contribution sociale incontestablement positive : mais de moins en moins. En tout alors, les citoyens sont-ils de plus en plus solidaires, soudés en classes ? Où y a-t-il solidarité, même ouvrière, aujourd'hui ? quand voit-on manifester ensemble les ouvriers indiens et chinois, voire en France seulement algériens et français ?

De toujours mais de plus en plus en ce moment, la constitution en classe est le fait de dominants. L'extraordinaire poussée révolutionnaire venue de deux siècles n'a pas été utilisée par les progressistes comme elle aurait dû l'être : en partie par ignorance inévitable ("notre révolution est très mauvaise", disait Lénine, "mais la première machine à vapeur l'était aussi"), en partie à cause de l'atroce incohérence due à la rétrovolution hegelienne, à l'encontre de la diffusion resplendissante de savoir qu'avaient voulue et largement réussie les Encyclopédistes. Les débuts de constitution d'un prolétariat n'ont pu résister aux forces omniprésentes de volonté de pouvoir, d'agressivité. On l'a montré ici et ailleurs mille fois, en particulier à propos du choix primitif, primatif, de horde qui a permis la guerre mondiale en 1914 au profit des brutes, alors que l'intérêt de tous les peuples, de l'humanité entière, proclamait les nécessités de la paix.
La reconstitution en Russie d'un système de pouvoir aussi féroce que le tsarisme n'est qu'une des conséquences de cette ignorance des priorités éthologiques. Non seulement l'agrégation en classe est surtout vraie chez les dominants, mais elle se manifeste plus nettement chez ceux que le système sert, ou au moins ne dessert pas trop clairement. La sinistre "réhabilitation du travail manuel" venue du giscardisme a eu pour écho direct les hommages à "la France qui travaille" du sarkozysme aux Halles de Rungis : il s'agit de pousser toujours à la considération pour des gens insérés dans le système de fric et qui y trouvent leur compte, à l'opposé des valeurs incomparablement plus humaines de culture et travail véritables. On entend bien des Français se réjouir d'être chauffés au fuel-pas-cher, "grâce" à ce qu'on fait aux pauvres dans les pays où il y a beaucoup de réserves de pétrole. Dans une certaine mesure, ce ne sont que retombées populacières de ce que le même sinistre a appelé "la France que j'aime", à savoir la racaille de parvenus mafieux, chaleureusement accueillis par la finance parce que l'argent sale lui est une ressource centrale.
La ligne de force des dominants se place en tout et partout, mais s'amplifie : voici une ou deux générations, l'écrémage des meilleurs étudiants se faisait en faveur des écoles d'ingénieurs, qui pouvaient se targuer de contribution au progrès — car les 2 ou 3 % d'entrés en maternelle sélectionnés en vue des "prépas scientifiques" se référaient à des valeurs compatibles avec quelque démocratie —. Aujourd'hui, les sélectionnés équivalents se précipitent en "écoles de commerce", contradiction dans les termes : écoles et pancarte de savoir, commerce et exploitation d'ignorance, grossier savoir-faire. De même contre les "intellos" (en fait contre le savoir, cœur d'esprit démocratique), les citoyens enrichis de "classes moyennes" crient fort, et revendiquent la classique revanche des médiocres qu'est le sens supposé "pratique", "l'esprit" d'entreprise : en réalité, ils sentent qu'ils ne sont pas bons à grand'chose hors système de fric, et ils ne veulent pas entendre parler (comme bien des ouvriers) d'un essentiel — à savoir que le sens civique, le sens humain véritable, exige qu'on accepte d'apprendre un peu d'histoire et des très grands courants des sciences, si on veut être capable de juger de ce que sont et font nos politicards et leurs nervis matraqueurs ou médiateurs.
Ce n'est pourtant une insulte à personne que de demander aujourd'hui à un artisan de se rappeler un peu ce qu'a représenté pour l'instruction populaire la Convention en 1793, et au contraire l'enseignement par les Congrégations catholiques. Si ledit artisan prend cela comme une injure, ce n'est pas seulement de sa faute, il est vrai : il a certainement été formaté par l'Eglise dans ce but. Mais qu'il n'en fasse pas reproche à ceux qui savent de l'histoire. Qu'il lui arrive parfois plutôt de respecter le savoir, typique de l'humain, au lieu du simple statut social et du pouvoir des gros richards puants : ces sadiques ont régulièrement envoyé ses ancêtres au massacre militaire et ensuite, pour conserver assez d'esclaves, ils ont recruté en masse d'autres malheureux — ces nouvelles victimes qu'ils lui apprennent à haïr sous le nom d'immigrés en vagues successives, Italiens, Polonais, ensuite venus de toujours plus loin, toujours plus pauvres —. Qu'il lui arrive parfois de respecter Mohammed au lieu de se moquer de lui pour se sentir du clan dominant, et qu'il crache au contraire à la face des "patrons de patrons", héritiers des criminels contre l'humanité de l'UIMM, assoiffés de sueur et de sang tout au long des temps initiaux de la révolution industrielle, et responsables des guerres monstrueuses qui ont éliminé tant de ses ancêtres comme de ceux de Mohammed. Ce n'est une insulte à personne de demander qu'on comprenne un peu, enfin, quelque chose à la politique et à l'histoire.

C'est plus difficile, certes, que de se laisser entraîner dans l'infamie animale et grégaire. On devient facilement maire et corrompu, à Hayange et ailleurs, en passant de Lutte ouvrière à l'afFront nazional : mais on ne quitte pas pour autant les zones d'incompréhension, on s'y enfonce seulement davantage. De même, des sociologues souvent respectables par leur travail se sont donné voici trente ans le ridicule d'aller applaudir un Georges Marchais, type du parvenu traître et infect : et ils s'étonnent aujourd'hui, dans un bus de transport ouvrier, de n'obtenir aucun écho parmi les représentants de la "classe" qu'ils ont cru défendre toute leur vie. C'est cruel. C'est bien fait : le parti auquel ils ont adhéré n'a cessé de trahir les ouvriers et de conduire à la disparition définitive de ce qui aurait dû être constitué en classe — alors que les marxistes comptaient sur la Parole sacrée, prophétisant de par l'histoire la venue par grâce, toute seule, du Messie prolétarien.
De même encore, il existe bien des médecins (surtout généralistes, qui ont refusé le carriérisme) et bien des enseignants (surtout instituteurs et c'est au fond pareil) qui sont prêts à soigner et éduquer des ouvriers et des musulmans : les soins du corps et de l'âme recrutent souvent dans les mêmes qualités humaines. Ces médecins, ces instituteurs, ne sont disposés pour autant ni à subir la dictature dialectique du Politburo supposé représentant ouvrier, ni à se convertir à l'islam d'une autre sorte de fanatiques supposés représentants musulmans. C'est de tous les opprimés, de tous les exploités, conscients et inconscients, qu'il faut faire force contre les immoraux, les inhumains du pouvoir. Diderot, Voltaire, Rousseau n'étaient pas de "classes" délimitées, et si même Diderot était loin d'assez d'ouverture humaine et de distance aux préjugés effroyables de son temps, du moins a-t-il su mener l'essentiel : diffuser non une horreur de Verbe, une dialectique, une nouvelle source de tricheries de pouvoir, mais le savoir, le plus possible.
Nous avons à refaire le même boulot. Pour trouver l'équilibre et la paix, il faut la compréhension par la connaissance, historique et scientifique, il faut sans cesse refuser l'inhumanité du pouvoir, il faut comprendre, malgré les perversions et gadgets de notre temps, comment l'humain peut dépasser son héritage de pulsions animales. Seuls les humains peuvent accéder au savoir, et il faut le savoir pour tous : d'autant que parmi les nouvelles technologies, les plus terribles sont celles de manipulation-fanatisation des foules — media, infiltrations, espionnages, gangs installés en armées par CIA-MI6 — où la connaissance éthologique joue le rôle qu'on a tant dit ici même. Mais qui y aura songé en lisant ce titre-ci ?

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