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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


jeudi 12 avril 2012

Echange 2

Redire a reçu de J.-C. Ruscot le 4 avril 2012 le mel suivant :
Après avoir lu le premier "échange" sur ton blog, j'ai voulu moi aussi prendre mon clavier pour te dire que malgré de nombreuses accointances avec tes idées, il se  trouve que j' ai pris la lourde décision de voter à l'élection présidentielle de 2012.
(Ne trompons pas les lecteurs informatiques de tes textes : même si nous ne sommes pas des amis de trente ans comme les médias les aiment dans la politique, nous  nous connaissons très bien.)
Je sais que comme dans le conte de l'enfant qui criait aux loups, tu le faisais toi aussi, à chaque élection, sauf que contrairement à ce conte, tu ne mentais pas, les loups  étaient là dès le premier appel, second ou troisième (législatives).
Toutefois, malgré ces appels répétés, j'ai pris la décision de voter, afin de choisir le loup qui dévorera ma famille et moi-même, car l'horreur me paraîtra certainement  plus douce. Et si pour une fois, ce loup pouvait être de gauche, je pense que j'en supporterai mieux la morsure.
Bon amusement


Réponse le 8 avril 2012 :
Plutôt que fatiguer de ma prose, j'ai choisi des extraits d'un esprit puissant, cœur généreux, ou comme on dit vulgairement : une grande âme. Ecoute :
« En votant demain, nous allons, une fois de plus, substituer le pouvoir légal au pouvoir légitime — encore embryonnaire, vaste mouvement antihiérarchique et libertaire qu'on rencontre partout mais qui n'est point encore organisé. En face se dressent des groupes ou partis qui sollicitent les voix [des citoyens]. On leur dit qu'ils vont déléguer leur pouvoir. Mais pour "déléguer son pouvoir", il faudrait qu'on en possédât au moins une parcelle. Or ces citoyens identiques et fabriqués par la loi, désarmés, séparés, conscients de leur impuissance, ne peuvent en aucun cas constituer ce groupe souverain dont on nous dit qu'émanent tous les pouvoirs : le Peuple.
En un mot, quand je vote, j'abdique mon pouvoir. Voter, c'est surtout voter pour le vote, c'est-à-dire l'impuissance. Le mode de scrutin, toujours choisi par les groupes de l'Assemblée et jamais par les électeurs, aggrave les choses. Il n'y a rien à dire si l'on accepte les règles de ce jeu de cons : la majorité en place ne se gêne pas pour tailler, couper et manipuler le corps électoral, avantageant les campagnes et les villes qui "votent bien" aux dépens des banlieues et faubourgs qui "votent mal".
Pourquoi voterai-je ? C'est le contraire d'un acte. La démocratie indirecte est une mystification. L'imbécillité des mass media, les déclarations du gouvernement, la manière partiale ou tronquée dont les journaux reflètent les évènements, tout cela nous leste d'idées de pierres.
Il en est pourtant qui voteront, comme ils disent, "pour changer de crapules", ce qui veut dire qu'à leurs yeux le renversement de la majorité a priorité absolue — et je reconnais qu'il serait beau de jeter par terre ces politiciens véreux. Mais a-t-on réfléchi qu'on doit, pour les renverser, mettre à leur place une autre majorité qui conservera les mêmes principes ? Y a-t-il tant d'avantages à changer ? De toutes manières, on noiera la Révolution dans les urnes : elles sont faites pour cela.
Quoi qu'on fasse, on n'aura rien fait si l'on ne lutte, dès aujourd'hui, contre le système de la démocratie indirecte qui nous réduit délibérément à l'impuissance, en tentant, chacun selon ses ressources, d'organiser le vaste mouvement antihiérarchique qui conteste partout les institutions. »
A mon très vif regret j'ai tronqué, en tâchant de rester fidèle à son esprit, ce texte admirable de Sartre pour lequel il avait choisi le titre "Elections, piège à cons", slogan de mai 68... Ecrit le 5 janvier 1973, il parut d'abord dans les "Temps modernes" (n° 318)  de ce même mois, puis a été réédité en particulier dans "Politique et autobiographie — Situations, X" chez Gallimard en janvier 1976. En l'abrégeant, j'ai voulu aider à le lire, non le tirer à moi : qu'on s'y réfère donc.
Mot de la fin de J.-C. Ruscot le 12/4/2012 :
Tu n'aurais pu mieux choisir que de citer Sartre comme contradicteur à mon souhait de voter : toutefois malgré le respect que je voue à l'homme, je pense qu'il aurait lui aussi reconnu (tactique très politicienne de faire parler les morts) qu'au moins au premier tour, il existe une candidate qui a prouvé à de nombreuses reprises son courage et son honnêteté dans les sombres bureaux des palais de justice de la République. Hé oui, je voterai donc Eva Joly ! Quant au deuxième tour, et même si je ne fais pas la fête, je me contenterai d’avoir participé à la défaite du candidat-président.

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