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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mardi 28 août 2012

Actuel 23 : St-Imier


Référence d'abord : on trouvera sur le site
le texte complet de la déclaration finale anarchiste après le congrès anniversaire du 8 au 12 de ce mois d'août à St-Imier.
On commencera ici par en retenir un bref historique du congrès de 1872 et de l'exclusion de l'AIT, essentiellement par Marx, de Bakounine et de son courant. Les héritiers libertaires de 2012 rappellent la raison de base de cette séparation : côté Marx, l'exigence de la participation à la vie politique par un parti très organisé, voire très hiérarchisé, en vue de la prise du pouvoir ; côté Bakounine, la dénégation violente d'une telle démarche, en ce qu'elle revient à réinstaller un Etat, et par là très vite une dictature. Nous recommandons de taper sur "Google" : "1872 Marx Bakounine", il y a de nombreuses références de qualité sur cette affaire, dont le texte de Daniel Guérin — malheureusement diminué par une typographie parfois aléatoire, mais où passent les qualités et les connaissances d'historien de l'auteur.
La déclaration anarchiste reprend et actualise la critique de Bakounine, multipliée après Staline et Mao. Puis elle donne un tableau remarquablement synthétique de la guerre sociale et économique actuelle et, dans ses termes propres, invoque l'action des classes populaires par elles-mêmes, décrit ce que sont devenus les partis qu'on dit encore de gauche et propose en horizon, par action directe, un communisme libertaire, un pouvoir populaire, et enfin l'autogestion sociale. SVP allez voir. Mais ceci fait, pensons un peu.

C'est à Paris d'abord (1846) que Marx s'érigea en magister de Proudhon pour lui faire entendre la dialectique de Hegel. De son côté, Bakounine entra par lui-même dans cette fascination infernale. Et tout serait dit...
... s'il ne fallait parfois redire. Redisons.
Après Waterloo, contre le souvenir des Lumières et la fondation par Diderot de la philosophie expérimentale, l'action idéologique de la Sainte-Alliance s'exerçait partout, avec la tendresse ordinaire des réactionnaires quand ils viennent de remporter une victoire. Certes, tout le monde pouvait en principe savoir — et malgré la flicaille intellectuelle des BHL de l'époque beaucoup retenaient — que la philosophie véritable, la théorie politique, ne pouvait que se fonder sur tous les acquis du savoir, en histoire comme en science. Mais contre tout bon sens même élémentaire, Hegel au contraire se prostituait au retour en verbalisme scolastique ; il réussit largement, avec l'aide de brutalités très directes, censures ou répressions, à noyer la tendance naturelle à l'accord par la connaissance, au profit de la dispute sans fin sur des mots jamais clairement définis. C’est ce tableau qu’il faut avoir en tête : surtout depuis Galilée, et avec une ardeur politique spéciale à travers Diderot et l'Encyclopédie, on admettait que la synthèse globale de toutes les expériences, la philosophie, devait être toujours affinée et propagée en fonction de l'évolution scientifique et historique, pour l'éclairement commun des peuples et pour l'approfondissement continué des valeurs les plus humaines, vérité, liberté, justice — démocratie.
Avec Hegel, fini.
Hegel était au fond de tout non seulement un verbaliste, mais un théologien : et c'est dans la lignée hegelienne que se sont placés Marx, Proudhon, Engels et Bakounine. Il ne faut jamais sous-estimer l'efficacité de la répression : contre Galilée et Diderot, dont la plupart des progressistes ne savent encore aujourd'hui que des images d'Epinal plus ridicules et caricaturales les unes que les autres, par Hegel la mort verbale et la réaction avaient gagné. Nous en héritons encore.

A partir de là, il est inutile de s'enfoncer dans le pathétique des tentatives progressistes, qui ne trouvent rien de mieux que de se réclamer de tel ou tel grand-père : elles transforment en phrases des programmes de bonne volonté humaniste pour lesquels n'existeront jamais les moyens d'accord et donc de réalisation. Ainsi l'humanité entière se retrouve-t-elle en ce temps-ci à la croisée des chemins : ou bien elle se résout enfin à intégrer profond ce qu'il est possible (si facilement) de savoir ; ou bien elle laisse parler sous les mots les aberrations et scissions par instincts de clans et hordes, elle achève de laisser dévaster notre splendide navire planétaire et elle en crève.

Ce serait pourtant si simple de comprendre la barbarie des tyrans et de l'histoire à travers l'éthologie ; de mesurer la puissance de techniques de mieux-vivre à travers la physique ; de comprendre qu'on pense en images décantées du réel et non en mots ; de lire plus loin que les formes économiques pour revenir à l'équilibre — aux droits des gens.
Certes, camarades, vous pouvez vous forger une bonne conscience à lire et relire ce qui vous plaît de débats et de bouts d'histoire, et parfois même agir un peu dans votre secte favorite. Mais si vous ne vous éclairez pas, si vous n'éclairez pas les êtres et les peuples du patrimoine énorme de savoir, si vous laissez des démagogues bien connus détourner de ce que seule offre une explosion unique — la prise en compte universelle de l'expérience universelle —, si toujours vous sombrez dans les mots au lieu des idées, notre espèce entière dépérira, horriblement.
Est-ce une telle atteinte à votre amour-"propre", d'apprendre et d'enseigner l'essentiel ? Après deux siècles incroyables de bouleversements de savoir, science et histoire, cela vous gêne-t-il donc tant de les saisir un peu ? Préfèrerez-vous toujours vous mettre au chaud parmi des sensibilités pareilles à la vôtre, plutôt que d'affronter au profit de l'avenir le grand large de la vie et du monde ?

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