Il se sera donc passé quelque chose à Saint-Nazaire cette fin de semaine. La nouvelle "assemblée des assemblées" de GJ a au moins accouché d'une prise de conscience : il existe hors de France des humains, et donc aussi des problèmes bien semblables, comme le climat ou l'oppression. Progrès certes considérable : car on va pouvoir découvrir alors non seulement la géographie mais l'histoire, et ainsi percevoir qu'il y a déjà eu d'autres révoltes en ce pauvre monde, voire penser à se servir du savoir, de l'expérience correspondante...
Le problème aujourd'hui, c'est qu'après des générations de déchéance mentale en "Etats forts" et media de la honte, les barrières contre la caractéristique de notre espèce — le savoir, spécificité d'homo sapiens — sont solidement ancrées dans les têtes mêmes. Ainsi, quand on se branche sur la vidéo enregistrée à Saint-Nazaire, hors les voix des intervenants on a une sono et des paroles en anglais, incompréhensibles pour la plupart des GJ mêmes : pourtant il y a des chants de révoltes populaires, en particulier en français, qui vaudraient mieux en la circonstance que cette maladie d'anglomanie médiatique — et même qui vaudraient mieux, s'il faut tout dire, que bien des interventions de l'assemblée en cause.
Ainsi va le monde du temps présent, ainsi va la réduction des cerveaux à des composantes électroniques : le plus élevé d'humanité, savoir ou culture, demeure inaccessible à ceux qui en ont le plus besoin. Les gens, même les plus courageux aujourd'hui, font plus aisément face à des flash-ball qu'à un texte écrit pour eux : dès qu'il s'agit de lire, "ils n'ont pas le temps". Ils se saignent pour aller d'un coin à l'autre de France, ils se font matraquer, éborgner ou amputer ; ils veulent bien causer ou marcher, des heures durant — ce qui vaut politiquement l'efficacité et la variété de parcours d'une chèvre attachée à son pieu —, mais désormais leur sens de la solidarité d'espèce s'arrête au niveau de celui des moutons.
C'est dommage.
Un grand Résistant, Claude Bourdet, parlait d'une "aventure incertaine" à propos de la leçon extraordinaire (et fort vivace en 2019) que fut la lutte en France contre la botte nazie. "Incertaine" en effet, puisqu'humaine : mais risquée surtout si on la coupe de sa source la plus vive, la capacité à penser, donc d'abord à apprendre. Claude Bourdet, lui, lisait même le fasciste Malaparte ("Technique du coup d'Etat") et en tirait de quoi mener le NAP, Noyautage des Administrations Publiques...
L'enfermement actuel dans l'ignorance, jusqu'à quand ?
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