Il n'est
pas nouveau que la fréquentation de la Toile fasse éprouver durement l'ignorance
des informations les plus importantes, mais les incohérences et divagations des
sites officiels ou alternatifs sont en ce moment particulièrement préoccupantes.
On lit certes autant de choses que d'habitude, mais de toute évidence bien peu savent
et bien moins disent ce qui se trame dans les chancelleries, où en sont réellement
les coups sourds diplomatiques sous les fracas entre Etats-Unis, Russie et
Chine, quels préparatifs et quelles chances de succès orientent les Bourses —
cependant qu'on met en scène et qu'on braque les projecteurs sur des grands
guignols sanglants pour détourner l'attention des foules, comme cela s'est vu récemment
avec les éruptions médiatiques programmées du côté de Boston —. Les citoyens n'ont
aucun moyen de deviner des décisions sans doute imminentes : on peut
seulement chercher à maintenir éveillée l'attention, et faire un peu le tri de ce
qu'on exhibe ou au contraire de ce qu'on enfouit dans une étrange obscurité.
Si dans
cet esprit on parcourt un peu la mappemonde, on voit d'abord qu'à l'intérieur
des frontières nationales le fonctionnement des appareils d'Etat est en passe
de devenir impossible : à Washington par exemple, le niveau qu'a atteint
la dette publique la plus élevée du monde — et la plus élevée dans des
proportions vertigineuses — est chaque mois plus paralysant. Partout, la
machinerie financière tourne dans une irréalité croissante : les cumuls de
férocité inégalitaire ne peuvent plus suffire à préserver la corruption par
l'entretien de classes "moyennes" — car quand les commerçants
n'auront plus aucun client même dans des milieux longtemps à l'abri des défaites
sociales accumulées, et quand les retraités ne recevront plus d'Etats et de
Bourses en faillite ni de quoi entretenir leurs vies ni de quoi soutenir encore
un peu leurs familles, il ne demeurera que le recours aux fascismes et aux
balles réelles contre les manifestants qui refuseront la déchéance : les
schémas pérennes de l'histoire se reproduisent même quand personne ne veut y
croire.
Ensuite à l'échelle internationale, le plus
visible est que l'horreur militarisée se perpétue en Syrie comme dans les zones
équatoriales d'Afrique, tandis qu'en économie plus ordinaire le déchaînement du
totalitarisme financier se poursuit notamment sur le pourtour méditerranéen de
l'Europe. Mais ce n'est peut-être plus dans ces régions que vont se jouer les
prochains grands coups du poker entre Etats : l'Amérique latine voit de
plus en plus nettement monter la vague cryptonazie, et des voix se font de plus
en plus souvent entendre pour pointer du doigt ce que représente la nomination
récente d'un pape issu de l'extrême droite argentine.
On doit
donc se demander si l'issue peut être là pour les monstres de Wall
Street : les immensités qui vont du Rio Grande à la pointe chilienne ont
toujours été "la petite colonie tranquille", où la Maison Blanche va
chercher le surplus de surexploitation qu'il lui faut pour augmenter
artificiellement le revenu du citoyen USAïen, et garantir ainsi intra muros un peu de façade électorale à défaut de démocratie.
C'est que l'Amérique latine, elle, est développée industriellement : ce
n'est pas encore le cas pour l'Afrique malgré l'ardeur que les USA y déploient
— y compris contre la France, voire contre le Royaume-Uni —. La guerre seule ne
peut suffire à tout. Même en laissant largement celle contre la Syrie à la France,
à la Turquie et à leur alliée retrouvée Israël, le minable "Observatoire
syrien des droits de l'homme" (basé à Londres, avec les assassins de
Chokri Belaïd) ne saurait constituer un soutien logistique suffisant — or mercenaires
ou publics, les militaires coûtent de plus en plus cher, et la dette publique
dont on envisage le moins "l'ajustement structurel" (celle de l'Etat
fédéral USAïen) est de plus en plus énorme.
Alors ? Verra-t-on quelque entente
provisoire entre les financiers plus ou moins classiques, d'abord anglo-saxons,
et leurs collègues plus carrément mafieux du Kremlin ? le Pentagone mettrait
alors le paquet vers Venezuela, Bolivie, Equateur, Cuba, sans oublier de
remuseler par exemple un Brésil parfois concurrent trop aventureux. Ou bien au
contraire aura-t-on dès ce printemps la cascade vers l'Iran ? Ou encore, un
improbable réveil des peuples qui furent les plus avancés bousculera-t-il les
actions souterraines des pouvoirs ?
A suivre.
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