(Le texte de cet article a été censuré sur agoravox. Et voilà qu'en outre, depuis quelques jours, l'informatique de ce blog même interdit l'utilisation des caractères habituels, plus gros que ce qui apparaît ci-dessous... Tant pis, ce sera moins clair, mais il faut publier ça)
Beaucoup de gens lisent, ou
du moins parcourent, Einstein sans rien y comprendre. Les imbéciles les plus déterminés
en déduisent qu’Einstein est bête.
Ce sont aujourd'hui souvent des réactions de cette sorte qui font des
"majorités" de lectorats et électorats. Dans les discours publics, la
désignation de cibles à la haine l’emporte largement sur tout élément de réflexion,
et des étalages de bestialité tiennent lieu de programme politique. Cela ne
doit pas décourager, mais c’est spécialement puant quand des gens se trompent
ou mentent avec une lourdeur qui aggrave l'enfermement dans la sottise. Contre
de tels flux, pour ceux qui ne sont pas atteints irréversiblement, il faut
revenir à des repères vitaux : la difficile affaire des tris d'informations
et désinformations massives sur Internet est à replacer dans ce contexte.
Qu’on cherche, sur la Toile, des
textes sur l’assassinat policier de Michael Brown à Ferguson aux Etats-Unis :
tout le monde peut en trouver mais, par la force des choses, en masses très
orientées, car le moteur de recherche le plus commode est très orienté. Alors avant
de juger, qu’on se donne la peine de visionner ou de tenter de visionner
l’enregistrement du meurtre :
Plusieurs cas sont
possibles : en général, on se heurte d'abord à un avertissement que la vidéo
est choquante et qu’on ne doit la voir qu’à ses risques et périls ;
ensuite, si on insiste, cet avertissement peut réapparaître en boucle, soit
jusqu’à décrochage, soit jusqu’à l’avis que la vidéo a été supprimée...
On supposera ici un entêtement assez grand pour que finalement l’accès
au site en cause soit obtenu. Il est alors évident, sans conteste, indéniable,
que le meurtre de Brown, isolé à ce moment, a eu lieu sur le trottoir bordant une chaussée, et que
plusieurs coups de feu ont été tirés à l'air libre (d’abord quasiment en rafale,
puis deux supplémentaires). Or les égarements massivement propagés par le
moteur de recherche susdit parlent de Brown accompagné d’un ou une amie et qui, pour
avoir circulé au milieu de la chaussée, aurait été embarqué dans une voiture de
police, s'y
serait débattu et y aurait été tué — choses parfaitement inventées mais diffusées, justement,
suivant les procédés de désinformation les mieux rodés depuis Göbbels : à
savoir, que de tels détails « font vrai », si bien qu’un lecteur
non prévenu sera entraîné par eux à croire le diffuseur sans jamais imaginer son
niveau, et son utilisation systématisée, de crapulerie mensongère.
Or il y a des lois sur la propagation de fausses nouvelles, et il pourrait
être bien simple d'imposer des corrections et de retirer le droit de publier à
des auteurs qui s'avèrent des professionnels de mensonges éhontés. Il serait également
instructif de mesurer des pourcentages de gens qui, au lieu de visionner la vidéo
référencée ci-dessus, se découragent bien vite puis choisissent finalement
de se ranger aux stupidités majoritairement répandues.
De telles réflexions ne valent
pas que pour des meurtres racistes. Il y a aussi, par exemple, des clowns
abjects qui ne cherchent qu’à se hausser et parader. Cette sorte de succès de
spectacle ne date pas non plus d’aujourd’hui, et il est parfois terrifiant de réentendre
les rires immondes de foules vibrant à des fascismes et fanatismes des générations
passées : mais que dire, d’entendre leurs pareils au temps présent ?
Pour avoir des repères contre une telle "actualité" on
peut réécouter, parmi les voix aujourd'hui tues qui naguère ont compté, Pierre Vidal-Naquet.
Le recueil qu’il fit paraître sous le titre (repris) « Les assassins de la
mémoire » dit, et souvent très bien, ce que représente l’acharnement dans
la bassesse du négationniste Faurisson. Même, on trouvait encore récemment sur
Internet une vidéo
où on pouvait voir Dieudonné déclencher à force
d’insistance une standing ovation en faveur de ce personnage. Cela dit beaucoup de choses
sur Dieudonné. Or cette vidéo a été simplement supprimée, interdite. A ce jeu,
qui est gagnant ?
Ce n’est pas assez sans doute. Toujours à propos de Dieudonné, dans
un article honteux qui a été maintenu des semaines en ligne comme très “populaire”
sur le Réseau Voltaire, on a vu soutenir cet histrion comme victime et “bête
noire de l’establishment” en France — les "arguments" étant de la même
saleté —.
On peut poursuivre longtemps. Car de telles folies n'ont pas cours
seulement à propos des racismes et de leurs profiteurs variés : il y a
aussi les guerres, et c’est plus compliqué encore, car certaines sont de justes
réactions, inévitables, des plus douloureuses victimes. Mais trop souvent, au
lieu d'analyser d'autant plus gravement les crimes des gouvernants où tous
les peuples sont perdants, on pousse aux crétinismes simplificateurs, trop souvent on
voudrait, au lieu de toujours redésigner les manipulateurs, ne laisser d’autre
liberté que de « choisir son camp » entre deux armées de faussetés et de
massacres !
Un
siècle de totalitarismes, se répondant à coups de mensonges opposés, fait la
difficulté aujourd’hui énorme de rappeler les forces de la raison. Romain
Rolland, Martin du Gard et Camus pensaient, donc parlaient "au-dessus de
la haine" : il urge chaque jour davantage de faire réentendre de
telles voix, d'exiger toujours la fidélité à la vérité, globale. Qui en fait usage
réel, complet et constant, pour condamner toutes les trahisons, toutes les
faussetés, toutes les illusions, religieuses classiques ou dialectiques, au lieu de s'entêter à défendre telle ou telle peste,
ancrée d'avoir été trop longtemps respectée ?
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