Une circonstance essentielle à la justice que l'on doit aux autres,
c'est de la faire promptement et sans différer :
la faire attendre, c'est injustice.
La Bruyère, Caractères (XII, 81)
Alors que la mort de Clément
Méric sous les coups d'un fasciste remonte à début juin 2013, la parodie en vue
du procès traîne encore en septembre 2017. Il faut certes un premier effort,
pour surmonter la simple révolte contre des brutes : mais il importe d'aller
au delà, et de souligner que l'essentiel
est la responsabilité des gouvernants, de l'Etat. C'est lui qui fomente et
utilise de tels crimes pour égarer la sensibilité, empêcher la prise de
conscience populaire, et ainsi maintenir les privilèges insensés de sadiques et
d'accapareurs.
Derrière
l'écran des pressions politiques et de leurs tricheries policières, judiciaires
et médiatiques, le schéma du meurtre en cause est le suivant.
Primo quant aux faits : il y a
eu rencontre d'un groupe de bandits, affichant leur appartenance à des
mouvances fascistes, avec des jeunes gens révoltés par ces mouvances et leurs
étalages éhontés. Une convergence sans équivoque de témoignages permet
d'affirmer d'abord qu'il y a eu, chez un et peut-être plusieurs fascistes, port
d'arme — "poing américain" classique ou bague équivalente sans pointe
— : d'autres de même type ont été retrouvées au domicile d'Esteban
Morillo, qui est le plus clairement accusé de la responsabilité de la mort.
Ensuite, lors des coups portés à Méric, il est tout aussi avéré que cette arme
a été utilisée. Enfin, d'après au moins un témoignage sur l'attitude du
meurtrier — publié tout de suite après le crime, mais apparemment disparu
depuis dans les circonstances devenues habituelles sur Google —, "le gars s'est
marré, et puis il s'est barré" : en tout cas les cris de triomphe
de l'assassin ne font aucun doute ("One
shot !" s'est-il écrié).
Secundo quant aux comptes rendus
judiciaires ou journalistiques médiatisés : le plus clair est un renversement
des accusations au cours du temps. On est passé de la reconnaissance — bien
difficile à éviter — de la brutalité des coups mortels, à une palinodie de
faussetés sur l'agressivité de la
victime, à partir d'une vidéo où l'on ne voit à peu près rien. C'est
là-dessus que se sont appuyées la libération des bandits, et la préparation de
l'opinion à un jugement de clémence et d'étouffement, mais :
– il est incroyable que l'autopsie
et les données concernant les traces de coups ne permettent pas de décider du
port d'arme
– il est évident que le pouvoir s'est
efforcé d'interdire l'accès à des preuves voyantes de son étrange tolérance
pour des héritiers directs du nazisme.
Qui peut contester que
l'exhibition d'insignes à la gloire de crimes contre l'humanité soit une
provocation ? qui peut contester que le totalitarisme financier ait
intérêt, pour empêcher l'expression de la colère populaire, à ménager les
terroristes réactionnaires chargés d'éliminer les porteurs de révolte
progressiste, de la même façon et pour les mêmes raisons qu'il manipule
d'autres terroristes ?
Dans cette perspective, l'affaire
Méric prend sa place parmi des séquences denses de scandales : spéculations,
blanchiments d'argent sale ou infect, extensions maladives du droit de
propriété à des automates que leurs possesseurs sont incapables de comprendre
ou seulement de gérer, fabrications de chômeurs, licenciements abusifs et
autres "lois-travail", espionnage et sanction des citoyens les plus honnêtes
tandis qu'on tolère "libéralement" des crapules. Dans de telles conditions, le pouvoir des accapareurs ne peut tenir
sans le dévoiement d'agressivité à l'intérieur de la population elle-même. C'est
la base de l'entretien du terrorisme fasciste comme des autres. Cela
permet, sous prétexte de protection, d'accoutumer à l'omniprésence de
militaires mobilisés à des tâches policières, en attendant le coup d'Etat et
les combats de rues pour lesquels des sites sont activement préparés par l'OTAN
(la ville artificielle de Schnöggersburg devrait être prête pour ce genre
d'entraînement en 2018, qui n'est plus très loin). C'est aussi dans cette ligne
que le pouvoir se révèle comme totalitarisme par l'intolérable action directe
de l'exécutif sur les tribunaux et les juges, comme sur la presse officielle,
les élections et la "majorité" parlementaire. En tout, il ne se maintient que par des menaces mafieuses dont il tire
les ficelles dans l'ombre ; et il repousse l'inévitable confrontation à la
révolte, dans l'espoir de s'y préparer assez efficacement et d'y triompher
rapidement.
Donc peu importent la fréquence et
les bavures d'attentats dont le pouvoir lui-même sait mieux que personne les
origines, et de même peu importent les détails du meurtre de Méric : le fond
qu'il faut saisir, c'est que les
manipulations
– de nazis contre des militants déjà
imprégnés de quelque compréhension des crimes d'Etat
– ou de malheureux rendus fous,
drogués, contre de parfaits innocents
ne sont que la préparation à la guerre
civile ouverte, reconnue désormais comme nécessaire par le "comité de
gestion en propriété privée" qu'est cet Etat criminel : il ne cessera
plus d'y pousser par toutes les provocations.
Les injures du président actuel contre
les Français refusant les "réformes", ou contre les
"fainéants" refusant la surexploitation, ne sont que les plus récents
dévergondages de telles provocations.
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