Le juge italien
Ferdinando Imposimato vient de mourir. Il a été des lutteurs à tout risque
contre les crimes intriqués de mafia, démoniaques-chrétiens, extrême droite et
OTAN, qu'il a largement contribué à dénoncer. Il fut aussi compagnon de route de
Giovanni Falcone, l'un des juges assassinés par la mafia avec la complicité du
gouvernement italien, spécialement services de renseignement et police. Ci-dessous
seulement quelques volets de son aventure.
Lorsqu'Aldo Moro, Premier Ministre,
résolut de tenter l'alliance des traditions chrétienne et communiste en Italie,
il fut convoqué par Henry Kissinger et averti que cela pouvait lui coûter très
cher. On ne dispose pas de documents complets, mais Imposimato a pu rendre de
notoriété publique que la décision d'exécuter ou laisser exécuter Moro,
officiellement kidnappé par les Brigades Rouges, fut prise en toute
connaissance de cause par le pouvoir italien de l'époque et ses pérennes
antennes à Washington.
En fait, tout l'itinéraire
d'Imposimato le fit se rapprocher de la compréhension de la mainmise
anglo-saxonne, plus spécialement CIA-Pentagone, sur l'Europe en général et Rome
en particulier. Petit pauvre devenu juge, voué à la lutte contre le plus
terrible banditisme (le crime organisé, privé ou d'Etat), sans cesse menacé
lui-même, il perdit d'abord dans le combat son frère, tué par la mafia. Lorsqu'il
reçut de nouvelles menaces de mort, concernant sa femme et ses filles, il fut
obligé d'aller se jeter aux pieds d'une des plus retentissantes crapules
mafieuses du XXe siècle : Giulio Andreotti, "fin théologien"
comme disait le Monde, plusieurs fois
Premier Ministre d'Italie, très lié aussi bien au Vatican qu'à la mafia
notamment sicilienne et à l'OTAN (tout cela est presque un pléonasme) —
Andreotti avait aidé Imposimato gamin pour l'obtention d'une bourse d'école
primaire, et se fit un plaisir d'éviter au juge, sous certaines conditions, de nouveaux et terribles deuils...
Mais on n'arrête pas si aisément un
Imposimato. Celui-ci avait accumulé les dossiers montrant, bien avant les
travaux de Ganser et d'autres, comment l'extrême droite italienne n'était qu'un
tentacule de l'OTAN dans la guerre civile (les "années de plomb") qui
tentait de faire porter à l'extrême gauche la responsabilité d'attentats
sadiques et aveugles ensanglantant la péninsule tout entière, pour les besoins
d'une répression antidémocratique féroce. D'où le combat d'Imposimato pour proposer
dans son pays de sortir de cette alliance de meurtriers et tortionnaires saluée
en "Communauté Internationale" par des media de la honte, cette
organisation terroriste d'assassinats ciblés qui permet aux "économistes" et aux manuels
scolaires de nos contrées de s'extasier sur la remarquable "capacité
d'adaptation" du capitalisme... Il est d'ailleurs tout à fait
incontestable que, dans la longue succession d'immoralités socialisées qui fait
une part considérable de l'histoire de notre espèce, le pur brigandage est sans
doute l'une des "adaptations" les plus régulières et fréquentes :
le système de corruption généralisé en capitalisme en est seulement l'exemple
le plus récent et perfectionné.
Même Google dit Goeggels
pourra fournir au lecteur attentif une liste intéressante des œuvres publiées
d'Imposimato. Pour ma part, je placerais en tête Un juge en Italie, parce que ce livre ne put d'abord paraître qu'en
français et en France : l'auteur, comme les éditeurs, avaient les plus
convaincants motifs que sa sortie en Italie correspondrait pour le juge en
question à un arrêt de mort sans préavis ni délai.
Il
faut laisser dire ceux qui sous prétexte d'exiger du concret s'arrêtent à leur
paresse, à leur lâcheté et à leur désir de se conforter dans
l'impuissance : il faut donc se souvenir aussi activement que possible de
Ferdinando Imposimato. Il faut le lire et le relire. Il faut diffuser les
données acquises par son combat, contre les media de la honte qui traitent de
complotisme toute évocation de vérité. Au nom de tout ce pour quoi il a encouru
tant de dangers, il faut se servir de son travail pour aller plus loin au
service du plus humain.
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