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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 24 septembre 2012

Actuel 24 : Media "de-référence"


Dans un petit livre paru en 1999 sous le titre "Le Monde, un contre-pouvoir ?", Jean-Paul Gouteux commençait par rappeler un jugement de tribunal correctionnel en sa faveur : il avait traité Jean-Marie Colombani, à l'époque directeur de publication du journal en cause, et son collaborateur Jacques Isnard d'"honorables correspondants" de la DGSE ; tout bien attendu, le jugement avait décidé que c'était à juste titre...
Seulement l'avocat de Gouteux était Me Bourdon : autrement dit, quand on veut parler du Monde et du Monde Diplomatique, si ce n'est pas en petit comité il vaut mieux avoir des antennes chez des gens de loi connus pour leur dévouement à des droits essentiels. Considérons qu'ici nous sommes en petit comité.
On nous fera sans doute remarquer que les deux journaux nommés ne sont pas aussi liés aujourd'hui qu'ils le furent. C'est vrai, mais on n'échappe pas aux pesanteurs de l'histoire, et il existe une sainte institution qui ne laisse pas volontiers échapper des parts de son influence. Détaillons un peu.

Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien comme du mensuel, était un disciple de Péguy. Nationaliste et catholique — quoique non antisémite à une époque où la droite l'était parfois furieusement —, anticommuniste confondant volontiers dans les mêmes reproches de totalitarisme non seulement les dictateurs d'Allemagne et d'Union Soviétique mais les principes, voire les militants mêmes des doctrines nazies et marxistes (lisez sa prose des années 1930), Beuve-Méry se rangea assez activement à la Résistance pour se trouver à la tête du commando qui se saisit des locaux du Temps lors de la Libération de Paris. Le Temps était le journal "de-référence" de la bourgeoisie d’entre-deux-guerres la mieux-pensante et de la propagande franquiste la plus efficace (cf. par exemple le film Le chagrin et la pitié). C'était aussi l'organe des expressions balancées contre "M. Hitler". Eh bien, quant à la forme, le Monde en reprit intégralement et strictement la typographie, jusque dans son bandeau-titre, et les modes d'expression, pour en recouvrer le lectorat ; et quant au fond, le Monde prit la suite du Temps par branchement immédiat sur le réseau d'information des nonciatures très apostoliques...
Il faut saisir là-dessus des choses qui ne changent pas : aujourd'hui encore, les quatre réseaux les plus étendus de Renseignement sont ceux des deux empires anglo-saxons, celui des banques suisses et celui, donc, du Vatican. Ce dernier a tenté, au début du XXIe siècle, d'établir en France un groupe de presse au niveau des financiers nationaux — le Monde a racheté toute une kyrielle de titres, dont Télérama — mais la finance a eu raison même de cette sorte d'indépendance. Dans le tourbillon qui s'ensuivit, le Monde Diplomatique affirme avoir réussi — malgré la chute des (pauvres) recettes publicitaires et grâce, nous dit-on, au soutien des lecteurs acceptant une augmentation de prix — son rétablissement de bilan monétaire. A partir de là il a prétendu prendre ses distances à sa matrice initiale. Sans préjuger des développements futurs, nous voudrions fournir là-dessus quelques éléments d'information à nos lecteurs, à partir du disque — vendu 45€ — des Archives 1953-2011 du mensuel.

Il y a des repères pour juger de l'indépendance d'un titre vis-à-vis des media dominants — mainstream media —. Un des plus sûrs critères consiste à examiner la position d'une rédaction vis-à-vis des atroces attentats qui unissent dans la même ligne politique l'exploitation du 11 septembre 2001 et celle de l'assassinat de Kennedy en 1963. Or sur celui-ci, Serge Halimi signait en 1992 un article féroce, Une vision falsifiée de l'histoire, contre le film d'Oliver Stone (JFK), et dix ans plus tard un texte de même veine, Complotite, contre le livre de Thierry Meyssan (L’effroyable imposture) : on aurait pu souhaiter un moindre alignement sur les mensonges officiels, et des prises de position plus courageuses que de telles infamies. D'autant plus que ces rares touches du Monde Diplomatique accompagnent parfaitement l'inamovibilité correspondante du Monde sur ces thèmes : car ce dernier ne cesse de donner le ton des accusations de "comploto-conspirationnisme" contre tous ceux qui s'avisent de simplement lire, jusque dans les sites gouvernementaux des Etats-Unis, les preuves des mensonges et faussetés soutenus dans tous les media contrôlés par l'argent.
Bref le Monde et le Monde Diplomatique demeurent bien sur la même ligne en un point capital de tricherie médiatique, au service de la désinformation-CIA.
Cas isolé ? Certes non. Simplement il faudrait accumuler des détails, habilement épars, et comparer les sinuosités de ces journaux avec celles de l'Osservatore Romano (le journal du Vatican) pour faire voir la perversion dans sa constance. On aura sans doute l'occasion d'y revenir, car il serait étonnant que la bataille pour la direction et la ligne du "Diplo" ne connaisse pas de rebondissements.

En attendant, on peut toujours rêver que Monsieur Halimi, désormais directeur, se détache toujours davantage du beau Monde après lui avoir donné les gages rappelés ci-dessus. Peut-être même, non content de dénoncer ses confrères-nouveaux-chiens-de-garde, signalera-t-il par exemple hardiment et généreusement les sites de la Toile où on prend le contrepied des intox officielles les plus terribles. Certains songeront aussi à excuser les glissades du "Diplo" en prétextant qu'il faut des réformistes insérés dans le système pour laisser un peu respirer les révolutionnaires, et que c’est bon d’entendre, même dans de mauvaises odeurs, quelques parts de vrai qui ne paraissent pas partout...
Mais pour le moment, on sait bien à qui servent les déchaînements venimeux, accusant de "complotite" les auteurs (par exemple aux Etats-Unis : naguère Garrison, aujourd'hui Michael Moore) qui en fait étalent simplement des déformations monstrueuses de réalités par la propagande "occidentale". En outre, dans la même ligne de désinformation du "Diplo" :
– des données considérables sur la "Françafrique" sont indiquées seulement de façon marginale
– on ne trouve pas, ou à peine mentionnés, des livres aussi essentiels que celui du Dr. Henri Fabre sur "l'Eglise catholique face au fascisme et au nazisme" (éd. EPO) ou celui de Baran et Sweezy sur "Le capitalisme monopoliste" (éd. Maspero, paru en 1968, mentionné d'une "note de lecture" en... 2001)
– sont tues des parts de science aussi considérables que les grandes matérialisations de fonctionnement du cerveau et surtout, surtout, l'éthologie et l'enracinement de l'espèce humaine dans l'animalité, jusque dans sa psychologie politique
et cætera.

Il n'est pas question de nier l'efficacité du procédé — négations et condamnations constantes, effrontées, de données aussi indéniables que gênantes pour la diplomatie vaticane ; censure dosée, absolue ou partielle et retards injustifiables sur des fondements d'appréciation philosophique et politique, allant des crimes coloniaux aux avancées de savoir qui ridiculisent toujours davantage le fatras abscons de la Bible ; grossissements au contraire de lectures et anecdotes sans intérêt —. Entre toutes ecclésiastique, la méthode est en effet difficile à dénoncer, surtout dans un public rendu intellectuellement inerte, largement matraqué de simplifications et de perfidies sur la "subtilité" des chercheurs de vérité — tandis que les obscurités ou absurdités de textes dits sacrés sont présentées comme simple occasion de révérer les théologiens...

On y reviendra certainement.

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