bienvenue, welcome, welkome,etc

Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 24 septembre 2012

Fond 6 : Grandeur de Marx


En rappelant les trahisons plus ou moins volontaires et conscientes de gens qui se réclament de Marx, par exemple lors des élections, ou en comparant la référence considérable que constitue son œuvre aux gémissements impuissants de nombreuses gauches, on a déjà tâché ici même de se démarquer de bien des anticommunismes. Il est temps de situer plus nettement les choses.

En gros, Marx jusque dans ses fautes est davantage victime que coupable. Il faut pour le comprendre, rappelons-le encore, se souvenir du contexte éducatif de sa jeunesse (cf. Actuel 23) : avec les bénédictions empressées du Vatican, la répression idéologique par la Sainte-Alliance après Waterloo était féroce ; et l'étranglement de Diderot, de l'Encyclopédie et de la philosophie expérimentale, était rigoureusement dans la ligne du crime contre l'humanité que fut l'étranglement par l'Eglise de Galilée et de la mise au jour de la méthode expérimentale. Or Hegel était la représentation actualisée, cléricale-universitaire, de cette répression ; et Marx, d'éducation monothéiste et donc verbaliste, n'a pu sortir de la fascination par les mots du faux philosophe, de son Verbe-"brouillard nacré" (Brecht dixit) : c'était la pente naturelle et facile, presque inévitable pour un lecteur hébraïsant et sans formation scientifique, de se mettre à lire l'état de la science dans la formalisation verbale par Hegel de la mécanique newtonienne — les forces appliquées ou d'inertie étant reconverties en "contradictions" universelles —. Il aurait fallu, pour mieux se méfier de ce Verbe et des renvois aux livres au lieu des faits, saisir l'Encyclopédie de Diderot dans son principe, revoir à travers elle que suivant Galilée "le grand livre de tous les livres est celui que la nature tient éternellement ouvert sous nos yeux", mesurer l'immensité de courage et de justesse que représentait cette phrase, en un temps où on risquait le bûcher pour opposer ainsi la réalité à la Bible brandie par l'Inquisition comme Livre, référence par excellence...
Il aurait fallu tout cela pour signifier clairement à l'humanité entière qu'en ce qui concerne l'expérience politique, économique et sociale, "le grand livre de tous les livres est celui que l'histoire tient éternellement ouvert sous nos yeux" — par-delà les voiles et tricheries des catéchismes et autres media...

N'empêche. Avec toutes ses ignorances, ses schémas partiels et figés en système, sa logorrhée et ses fuites en rêves, Marx est, Marx demeure, celui qui a le plus nettement installé l'histoire comme référence première pour tout ce qui concerne l'humain ; il est par excellence l'effort pour offrir ainsi à la fois une base théorique globale et une prise de conscience au quotidien, qui entraînent l'action progressiste dans la durée.
Il est douloureusement facile aujourd'hui de voir à quel point son large enfermement économique est une erreur : la manipulation par les instincts contre "l'étranger" et en général l'autre peut surpasser en efficacité les évidences de l'exploitation capitaliste, le goût d'élever son statut social est plus fort parfois même que la faim, la maladie de puissance à tout prix transcende totalement les formes monétaires. De même, il est facile désormais de comprendre que c'est l'appât de la domination qui fait les classes, et nullement les classes qui font les luttes. Dans son itinéraire et en son temps, alourdi encore par les encouragements déviants d'Engels (sans lequel il lui était matériellement impossible de vivre), Marx n'en pouvait pas voir et savoir grand'chose.

Malgré tout, en enseignant au moins un mode de lecture réaliste du monde et de l'histoire, il a été le fondateur d'un espoir vraiment humaniste, donc hors dieu, et cet espoir a un peu pris corps dans des milliards d'esprits, dans de nombreux pays, partout sur la planète. Si on ne devait retenir de lui que cet essai, avec la haine en particulier catholique qu'il a éveillé contre lui et son œuvre, contre ses vérités et ses principes, ce serait un titre de reconnaissance sans fin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire