L'actuel secrétaire à la "Défense"
(comme ils disent) des Etats-Unis a été nommé en février 2015. Il a alors succédé
à M. Chuck Hagel, au poste si longtemps et opportunément occupé, notamment
le 11 septembre 2001, par M. Donald Rumsfeld : il s'agit de Monsieur
Ashton Carter, qui doit rester en fonctions — sauf nouvelles nouvelles — jusqu'à
la nomination de son suivant par le president-elect
que vous savez, puis à la nécessaire confirmation parlementaire.
Il y a beau temps que ce M. Carter-là
fait des déclarations menaçantes contre la Russie — notamment lors d'un séjour
très publicisé à bord d'un porte-avions US dans le Pacifique, où déjà on frôlait
le Kriegsgefahrzustand (état de
danger de guerre) pour reprendre un terme familier aux historiens de juillet 1914
—. Il vient de se distinguer à nouveau à propos de la Syrie en avertissant
de mesures de rétorsion après la reprise d'Alep par les forces
russo-syriennes. Or d'abord, malgré les accords conclus entre Kerry et Lavrov, ces
forces avaient été bombardées par les avions des Etats-Unis quelques jours
avant leur victoire finale dans la malheureuse ville, et la question est posée
de l'obéissance des militaires américains sur place aux directives de la Maison
Blanche, ou au contraire de leur ministre ; ensuite, cet avertissement
de rétorsion a été diffusé juste avant l'assassinat de l'ambassadeur russe à
Ankara.
C'est une ambiance où les
informations nettes et surtout leurs enchaînements sont inaccessibles aux
vulgaires citoyens, mais à travers tout cela il y a des choses assez sûres — en
plus du contenu belliciste et largement diffusé des discours du Secretary of Defense en cause —. Nous
allons tenter de faire un tableau des quasi-certitudes et des fortes probabilités.
Monsieur
A. Carter a une double formation de physicien et d'économiste, au sens des
universités de son pays. Côté physique, il est au fait des développements les
plus pointus d'affaires quantiques et subnucléaires, et probablement (mais
seulement probablement, car les cuisines à la mode en affaires de
"particules" se passent de l'héritage plus proprement général et
physique), il a quelque maîtrise ou au moins des notions en données techniques
plus classiques et en leurs applications militaires et industrielles. A partir
de là côté économie, il sait ce qu'on peut faire de plus raffiné en système monétaire
— robotisation et finance —.
Certes, il y a eu avant lui le cas
tout à fait remarquable de J. von Neumann — en principe simple conseiller du Président
des Etats-Unis, en réalité outre-Atlantique le plus inventif, le plus actif et
le plus savant des ingénieurs en charge de la ruine de l'URSS —. Certes encore,
on ne saurait oublier le bon élève Paul Nitze, qui d'abord mena effectivement ce
travail de ruine après la mort de von Neumann en "négociant" la
course aux armements avec le Kremlin, puis fut la tête pensante de la
reconversion de l'anticommunisme à l'anti-islamisme quand on voulut maintenir
des budgets militaires records au service de la fameuse "équipe B" (team B) et de sa fureur anti-russe, à l'époque
où le premier George Bush (Bush 41)
n'était encore que le patron de la CIA...
Mais Nitze, lui, n'était pas
physicien : ainsi depuis von Neumann et le début des années 50, M. Ashton
Carter est le premier, dans la mouvance des
plus résolus bellicistes anti-russes de Washington, à connaître aussi
intimement à la fois les armes guerrières et les armes économiques. Que ce soit
pour une part illusoire ou non, que d'autres techniques comme les exploitations
informatiques de traitement du signal soient remarquablement perfectionnées
chez les Russes (comme les provocations de la marine US en Mer Noire et dans la
Baltique les ont forcés à le dévoiler), ça ne vaut d'être dit ici que pour insister
sur certains détails techniques dont tout le monde ne saisit pas immédiatement
l'importance — ce qui est particulièrement lamentable chez les progressistes, où
l'imprégnation par le verbalisme pathologique de syphilis dialectique châtre beaucoup
de gens de tout un essentiel expérimental et pratique.
Par contre, ce que tout le monde peut
et doit percevoir sans trop de difficulté, c'est ceci : quelqu'un qui,
comme M. Carter, vit au niveau le plus élaboré dans le sentiment de la supériorité US sur la seconde puissance
thermonucléaire, et qui se livre contre elle à des déclarations de va-t-en-guerre
comme on n'en a pas vu depuis un demi-siècle ou davantage, ne peut ainsi discourir
et se poser sans quelque soutien parmi des personnages importants des finances
et des armées de son pays. Savoir s'il agit avec le soutien souterrain de toute
sa classe politique (quitte à ce que ses supérieurs se démarquent de lui en
diplomatie ouverte), ou si au contraire il recrute surtout dans une
faction particulièrement résolue, cela n'est pas aisément accessible. Il n'est
pas non plus directement à portée de délimiter
– ce qui est préparation de l'action
de la prochaine administration — et alors affaires de politique extérieure
largement continue, qu'il y ait ou non détour par l'élimination préalable de la
Chine comme les débuts d'action de Trump peuvent le faire penser —
– et ce qui est positionnement en
vue de l'élection présidentielle prévue pour 2020 — et alors affaires de politique
intérieure avec luttes de factions, et ambitions plus personnelles —.
Simplement, s'il vous plaît, gardez
en mémoire la formation, les derniers gestes à son ministère, et surtout suivez
à l'avenir le rôle et la personne, de Monsieur Ashton Carter.
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