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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


dimanche 29 juillet 2012

Actuel 19 : Pourquoi baissent-ils la tête ?


Si on laisse de côté les illusions que suscitent encore les pseudo-socialistes, et le soulagement de ne plus voir trop de gueules dévergondées de sarkozystes, les motifs d'optimisme sont rares en politique française aujourd'hui. Comme dans le monde, le mécontentement croît, parfois gronde — et tout passe tout de même dans le sens voulu par le pouvoir, en particulier son vecteur le plus présent : l'argent.

On peut, pour tenter une explication, accuser l'effronterie ou l'hypocrisie des chefs et gouvernants ; on peut s'en prendre, et durement, à l'infamie médiatique ; on peut opérer une intéressante classification des niveaux de pourriture syndicale où par exemple la CFDT se montre, par ses propos et ses procédés, pleinement digne de son héritage démoniaque-chrétien... Tout cela existe sans conteste. De même, on peut analyser le brigandage légalisé et l'écrasement par le pouvoir en économie : comme si c'était inévitable, on laisse les propriétaires gagner de plus en plus à ne rien faire tandis que les précaires s'échinent et sombrent en SDF, la Banque Centrale Européenne étend et multiplie les escroqueries en donnant à des taux ridicules de l'argent que les autres banques reprêtent à des taux exorbitants, ou encore (c'est plus qu'on ne pense) la sinistre "Française des Jeux" achève dans la complaisance des lois d'affamer des foyers surendettés. On peut aussi détailler le retour en force des sectes, dont les Eglises, leurs fortunes insolentes et la misère croissante de leurs ouailles...

A l'échelle du monde, le cas de subversion atroce de la Syrie, après tant d'autres, fournit une réponse partielle et brutale à la question de la soumission populaire : on y voit l'art de la manipulation par infiltration étrangère et fanatisation, joint à un tel déchaînement de violence, que la constatation des réflexes de panique et de déroute ne pose guère question — la population court partout et n'importe où devant les bombardements d'une apocalypse programmée, provoquée : l'OTAN et les "coopérants" du Golfe (les pétromonarchies, référence habituelle en Occident de "démocratie"... intégriste) sont déjà omniprésents, comme en Irak, en Afghanistan, en Libye —. Dans le même sens, on n'a qu'à entamer au hasard la liste sans fin des interventions et coups d'Etat US du Viet-Nam au Chili et au Salvador, tout récemment au Paraguay après le Honduras, pour rendre éclatante l'efficacité — à court terme, mais renouvelable — du crime organisé et du meurtre en masse.

Mais pour le moment, les brutalités policières en France sont loin de ce niveau militaire. Alors, plus les choses se voient et se savent, plus la vraie question se dégage et se fait lancinante : pourquoi ça marche ? pourquoi tant de gens entrent-ils dans le jeu, pourquoi tant des plus évidentes victimes baissent-elles la tête ? Ici spécialement, qu'est-ce qui fait subsister les illusions, croire aux media, adhérer à des syndicats de la honte, payer les trois quarts de son revenu à un propriétaire puant d'insolence, s'adresser à des croyances que toute connaissance ridiculise, accepter comme explication et compétence les technicismes immondes et les rideaux de fumée des financiers ? D'où vient qu'on peut voir assassiner, par des armées projetées à un rythme toujours accéléré, des peuples qui vivaient en paix, et chaque fois laisser dire que c'est un rejet tout soudain de dictature quand les motifs impérialistes sont aveuglants (les réserves de gaz de Syrie, par exemple) ? Quelle déchéance cause l'absence de solidarité même pour des mouvements dans des nations de semblable culture et qui méritent tous les courages, Espagne ou Italie toutes voisines, ou Grèce, ou Québec ?

Les luttes progressistes s'étiolent et meurent l'une après l'autre, de ne pas se saisir d'une part d'explication jamais dite, d'un essentiel qui est vrai pour la France et pour l'humanité entière : les reflux barbares de l'histoire ont toujours pour source la perte de conscience proprement humaine sous l'effet des pulsions animales — dont le terrible et sélectif instinct grégaire —.
On peut expliciter, d'abord. Conscience humaine, c'est reconnaissance d'identité humaine : il faut reconnaître l'oppression et la misère indépendamment de faciès et couleur de peau. Ce n'est absolument pas universel et naturel. Au contraire il est facile, d'après le simplisme d'apparence, d'attiser la haine pour le différent (le Noir, l'Arabe), et de faire se ranger sous le semblable (le "de chez nous", "comme nous", fût-il l'étrangleur de vie au jour le jour, pdg ou autre).
Sur ce thème, dans quel sens poussent les media ?
Or il y a bien plus. La chance immense de notre temps est que la connaissance met à disposition de tous ceux qui le veulent la compréhension, et déjà un peu la maîtrise, des mouvements de masses humaines : à la base des manipulations par media ou CIA, il y a ce qu'on peut lire directement d'après Milgram et la "soumission à l'autorité" d'une part (cf. dans ce blog "Fond 5"), plus profondément l'éthologie et le rôle des pulsions agressives d'autre part.
La malchance inimaginable de notre temps est que les réactionnaires ont saisi cela et l'utilisent, tandis que les progressistes refusent en vanité stupide de voir l'animal et ses pulsions dans l'homme et les peuples.

On peut le voir partout, et on ne cessera plus ici d'y revenir. Par exemple, il faut comparer le nombre de tracts et en général de textes où il est fait mention d'affaires économiques ou d'actes répressifs, et celui d'articles où on analyse au quotidien les réactions des victimes, les effets de pulsions dont on parlé ci-dessus : lorsque Chomsky, ses amis et ses lecteurs font le tableau (hautement utile et précis) de la "culture du consentement", ils pourraient bien s'étonner un peu eux-mêmes de voir comment ils parviennent à dénoncer des manipulations, en se taisant sur les manipulés — sur l'abdication intime des citoyens —. Ils n'en font rien, et finalement une véritable censure étouffe les travaux sur le plus profond politique.

Ce n'est pas en quelques paragraphes qu'on pourra compenser de tels manques : on veut seulement ici fournir, après les considérables exemples énumérés ci-dessus, quelques pistes pour suivre l'effet au jour le jour de l'obédience animale dans le politique.
On raconte qu'au fameux XXe congrès du PCUS, tandis que Khroutchev accumulait les dénonciations des crimes de la période stalinienne, un petit papier courait en catimini dans les rangs de l'auditoire : chaque fois que l'orateur baissait le nez sur ses feuilles, le mini-tract passait d'un bond ici, puis là. Il y était simplement écrit : "mais pourquoi est-ce qu'on n'a pas dit tout ça depuis bien longtemps ?" Bien sûr, ce qui devait arriver arriva, et une manœuvre malencontreuse fit que le papier vola une fois très visiblement sous le regard de Khroutchev... et celui-ci de demander à le voir ; avec tremblements on le lui passe... Il le met alors paisiblement dans sa poche, sans le lire, et déclare simplement : "maintenant vous savez pourquoi, camarades !"
C'est facile de dire : lâcheté ; c'est, aussi, vide d'efficacité. Il faut saisir le tout de ces mouvements : la constante ignorance des effets de hordes, liens religieux ou de partis, a mille formes et va toujours contre le progrès. De même, c'est à rire, de voir les tentatives d'union progressiste régulièrement paralysées par les batailles de petits et tout petits chefs, comme dans une vulgaire et minable bureaucratie : or jamais on ne s'occupe d'y lire scientifiquement le rôle de la parade agressive, risible, primitive. Si au contraire, on fait référence à un savoir — ce dont il faut tirer l'indispensable théorie, et les indispensables écoles révolutionnaires — toute personnalisation se montre aussitôt comme inutile et dangereuse ; mieux encore, le sage recours à la connaissance, impersonnelle, fera accepter leur responsabilité de diffuseurs de cohérence par ceux qui craignent à juste titre le rôle de caporaux : ils comprendront que ce n'est pas s'imposer aux peuples de les instruire, c'est même précisément l'opposé.
Voilà de sûrs moyens de trouver les ressources qu'il faut, pour agir en faveur de l'humain. L'homme n'est jusqu'ici qu'exceptionnellement être de raison, au contraire il est constamment animal. Dans le passé, le rationnel n'est entré en action que par la force des choses, quand par hasard un excès de misères se trouvait en phase avec un moment de vigueur dans la pensée, comme lors des Lumières et de la Révolution française. Au contraire, plus il y aura de progressistes pour comprendre l'animalité humaine, plus complètement ils sauront montrer et démonter les réactions de masses, plus vite ils feront enfin voir aux peuples les similitudes de situation de la France, de l'Egypte, de la Grèce, du Québec, de la Tunisie et du reste de la planète : plus vite ils rapprocheront de la révolution mondiale.
Les imbéciles se contenteront indéfiniment de dire que c'est de la théorie. Les autres comprendront de mieux en mieux — fût-ce hélas après de terribles pertes de temps et gaspillages sous la violence des choses — que c'est la condition nécessaire au début de tout ce qu'il faut.

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