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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


lundi 2 juillet 2012

Actuel 17 : Baccalauréat


Dix-huit ans — douze ans d'études après la maternelle —. Terminale scientifique, TS, option SVT. Intérêts et réussite en histoire et biologie. Famille sans problème ; pas d'excès de télévision ni autres électronies ; sexe masculin ; rêves avoués typiques de sa génération. Cherche très consciemment à concilier ces rêves et une carrière casse-croûte inévitable : signe, point toujours présent, de maturité relative.
Contexte : les rapports entre "l'apprenant" et l'enseignant bénévole — ami de la famille, contacté trop tard pour l'examen — sont très bons.

En mathématiques, a tendance à considérer qu'il a fait ce qu'il faut s'il enregistre dans sa calculette une formule qu'on lui dit importante. Exemple de résultat : après divers essais de problèmes vraiment élémentaires, pour lui faire sentir ce que multiplication veut dire, on en vient à proposer ceci : "Il y a au marché des pommes très belles mais très chères, elles valent un euro pièce. J'en achète trois. Combien dois-je payer ?" Réponse : un tiers d'euro.
La suite est écrite pour ceux qui ne se contentent pas de déclarer que c'est là pure fabulation.

Car si l'histoire est intéressante, les réactions enregistrées à la raconter de nombreuses fois ne le sont pas moins. D'abord, après les protestations qu'on imagine, tous les auditeurs acceptent son authenticité. Ensuite, une proportion importante commence par envisager une pathologie mentale, puis écarte l'hypothèse dans tous les cas après que soient fournis les détails rappelés ici en introduction. Alors, les interprétations tournent autour de "Mais qu'est-ce qu'on a fait de notre enseignement !" et tentent de relier l'affaire, à travers des expériences personnelles, à d'autres aspects de la société : ce qu'on voudrait résumer ici.

Même chez les gens, enseignants ou parents, naturellement portés à voir surtout le côté pédagogique, la compréhension d'une telle aventure est recherchée d'après l'importance de l'autorité dans l'environnement. Pour l'élève formé ou plutôt formaté actuellement, que l'école soit le canal unique ou non, la situation est essentiellement ressentie comme rapport à un maître : le chef a posé une question, il s'agit surtout de se montrer coopératif, donc il faut donner vite et poliment une réponse ; accessoirement, il y a une opération à faire, or en ce genre de problème il y en a quatre, +, –, x, ÷, on en tire une au hasard et on donne immédiatement un résultat. Confirmation de ce point de vue : on a parlé après l'arithmétique de physique, et on s'est intéressé au délai entre la vue d'un éclair et le temps mis à entendre le coup de tonnerre correspondant ; on a demandé à l'élève d'énoncer la loi reliant la longueur du chemin parcouru à la vitesse et à la durée du parcours, réponse : c'est "la vitesse 'par' le temps" — oui, mais comment 'par' ? réponse : "divisée par". D'où explications pour corriger, puis application : le son parcourt un tiers de kilomètre par seconde, et le temps de parcours enregistré est vingt secondes, à quelle distance s'est produit l'éclair ? Hésitation, encouragements, réponse : "vingt tiers de kilomètres" — bravo ! mais quelque chose a l'air de ne pas aller, qu'est-ce qu'il y a ? réponse : "c'est pas possible..." — et pourquoi donc ? "Ça tombe pas juste !" (signifiant : 20 n'est pas divisible par 3). Sans réagir directement, on propose de prendre la calculette et de poser 20 divisé par 3. Du coup, sourire apaisé : "ça fait six kilomètres soixante-six !"
La suite de la conversation, en raison de promesses antérieurement faites, a consisté en références à la période de Résistance en France pendant la Seconde Guerre Mondiale, et s'est fort bien passée.

Bref la crainte, ou du moins le respect excessif, de l'autorité et le goût de "ce qui tombe juste" semblent donc bien des facteurs centraux, très directement et primitivement, dans le comportement enregistré pour les affaires scientifiques. Mais d'autres auditeurs ont voulu compléter depuis un angle différent.
Dans deux cas par exemple, l'un rencontré en devisant avec un cadre supérieur d'entreprise transnationale, l'autre avec un médecin travaillant en milieu hospitalier, la réaction immédiate pour expliquer l'attitude sur-disciplinée a été la référence à "la lèche" : le chef-maître étant omnipotent, avant tout on lui obéit et on lui donne à entendre qu'on est bien soumis et docile — il y a l'emploi à la clef —. Le cadre d'entreprise a même éprouvé le besoin de préciser à ce propos : "si j'engueule un inférieur hiérarchique parce qu'il me félicite alors que je raconte des conneries, il prend l'air malheureux, ce n'est pas du jeu, il ne sait plus ce qu'il faut faire".

Ne sapons pas le moral des troupes avant les vacances. Soyons plutôt heureux d'avoir revu ce par quoi passe la construction de bons électeurs : 1) éveil de la sensibilité en matière de relation logique : faible, 2) éveil de la sensibilité en matière de relation au réel : faible, 3) éveil de la réceptivité-soumission à l'autorité : extrême — aléatoirement explosive.
Du "Discours de la servitude volontaire" de La Boétie ("Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux") aux données de l'éthologie sur la socialisation notamment chez les primates (le singe dominé doit saluer le premier, et humblement), nous avons donc de bonnes relectures à faire...

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