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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


vendredi 8 mars 2013

Actuel 35 : Maghreb


Au hasard du cœur : 1962, Mouloud Feraoun ; 1965, Mehdi ben Barka ; 1992, Mohamed Boudiaf ; et 2013, Chokri Belaïd.
Entre "le fils du pauvre" et l'opposant d'Ennahdha, un demi-siècle d'acharnement dans l'assassinat de l'espérance. On a pu écrire ici (Archives 1, "Financiers anglo-saxons, vampires du monde") : "Partout est menée aussi loin que possible l'élimination de quelque légitimité nationale ou sociale que ce soit. Dans la démonstration de cette méthode, le cas arabo-islamique mérite une mention spéciale. Certes il est vieux comme le monde politique de pousser un adversaire à choisir l'hystérie, mentalement reposante, au lieu de la lutte consciente et fermement organisée ; mais le martyrologe des démocrates laïques arabes est spécial dans l'histoire : presque tous ont été physiquement éliminés, en tant que vrais et dangereux ennemis de la domination anglo-saxonne, par les services ad hoc britanniques et USAïens — entreteneurs obstinés et régulièrement assassins au service de l'intégrisme islamique, et en communion avec lui."
"Presque tous" les laïques du monde arabe seulement, en effet : les services et fanatiques de la colonisation française ont leur part. C'est clair pour Feraoun, exécuté par des fous d'OAS. C'est déjà moins clair pour ben Barka, car indépendamment des antennes en France de "Notre ami le roi" Hassan II, la CIA cherchait à embarrasser de Gaulle dans une sale affaire, et à l'affaiblir dans tout ce qu'il représentait de lutte contre le dollar et pour le retour à l'étalon-or (ce qui le faisait surnommer chez les superpatriotes US : Dgaullfinger).
C'est encore plus compliqué pour Boudiaf : les généraux parvenus à la tête de l'appareil du FLN, après s'être débarrassés de bien des Krim Belkacem, redoutaient toujours la référence aux grandes figures de la décolonisation algérienne. Boudiaf, bien que retiré au Maroc, en faisait partie, et l'on savait ses ironies sur les réinvestissements de corruption des militaires d'Alger dans l'ancienne métropole. Ils réussirent à le faire rentrer en lui offrant un rôle présidentiel, pour au moins retarder l'explosion que la misère ne pouvait manquer de produire et reproduire. Puis ils chargèrent un "fou isolé" (décidé islamique, évidemment) de l'exécuter devant les caméras — leçon qui acheva de convaincre bien des opposants de simplement fuir à l'étranger.
Les choses redeviennent claires et simples avec Belaïd : après son meurtre, Rached Ghannouchi, tenant et grand chef des purs et durs de la charia et d'Ennahdha, a filé... à Londres !

Il y a eu d'ailleurs, sur la Toile, des Tunisiens révoltés par l'aveu que constitue cette dernière lâcheté. Ils se sont moqués de Ghannouchi enfoui derrière des compagnies entières d'équivalents CRS britanniques, et de ce que représente de bien mal acquis l'appartement où il s'est barricadé (le mètre carré immobilier londonien est l'un des plus chers de la planète). Mais il s'est trouvé un compatriote pour les agresser... au nom de l'antisionisme — comme si le Royaume-Uni était un Etat hostile à Israël — ! Dans le texte qu'il a mis en ligne, ce super-com-patriote oppose à la dénonciation de Ghannouchi un argument imparable, qu'on  recopiera ici sans autre commentaire : "peut-être que son logement est cher, mais au moins ça vient de lui !"
Voilà donc comment la médiatisation fonctionne, comment on en vient à donner des signes terrifiants de nullité mentale, comment sous prétexte d'histoire on déclare la religion patriotisme ! Ainsi au hasard : la France est "fille aînée de l'Eglise", il n'y a jamais eu de Lumières ni de Révolution ; Carthage n'a existé que dans l'imagination de quelques Romains, de même sans doute que la lutte des femmes tunisiennes pour leur émancipation — point de Gaule avant les roitelets germanisés récupérant le baptême comme moyen d'oppression, jamais de Berbères fort évolués avant l'invasion musulmane... Partout ainsi on veut faire croire qu'il n'y a de nation que dans un choix religieux mortel : la Yougoslavie l'a revécu il y a vingt ans à peine — on parlait, souvenez-vous, de Serbes et Croates, jamais de traditions et manipulations orthodoxes et catholiques, alors même qu'étaient rendus publics les chèques de soutien du Vatican aux héritiers des nazis oustachis...

Tant qu'il y aura de tels gens de "foi", hystérie et stupidité pures, les puissances d'argent et les traîtres vendus à l'impérialisme ont de beaux jours devant eux. Car ce ne serait pas assez, et ça ne pourrait pas durer, si on se contentait de meurtres : il ne suffit pas de tuer, il faut aussi exalter les traîtres et salir les êtres et les moments d'espérance du monde. Ben Barka participait à la préparation de la Tricontinentale en 65, au moment même où Guevara dénonçait la bureaucratie "communiste" dont on sait ce qu'elle est devenue : et c'est la maudite Trilatérale financière Anglo-Saxons-Europe-Japon qui s'est bâtie, sur des ruines, des cadavres et la généralisation de la torture, d'abord en Amérique latine sous l'impulsion du patron de la CIA de l'époque, et puis en mondialisation avec l'aide de tous les pourris des Etats pétrodollariens.
Il est monstrueux qu'on trouve aujourd'hui tant de gens pour entrer dans la maladie où on cherche à faire voir les grands mouvements internationalistes des années 1960 comme des trahisons, tout à la fois de l'"Occident chrétien" et de l'Islam "éternel" : comme si la Grèce de Thalès et d'Archimède devait tout à Jésus, ou comme si le sud de la Méditerranée ou l'Indonésie commençaient aux terreurs mahométanes...
En réalité, tout simplement : les religieux embarqués en fanatisme deviennent très vite des traîtres à l'humanité d'abord, à leurs propres peuples ensuite, et à l'histoire en général. Il ne faut manquer aucune occasion de le refaire voir.

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