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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mercredi 16 mai 2012

Actuel 11 : Dans ce monde-là

Ils te volent ta vie.
Dans sa durée ; dans ton épanouissement pour le temps qu'ils te laissent ; dans tes plaisirs ; dans ta santé ; dans ton équilibre à toi et avec tous les autres, avec ceux qui te sont les plus proches et avec ceux qui pourraient se rapprocher de toi, t'enrichir de force heureuse, de toutes les cultures, la tienne et les leurs.
Ils ne savent jouir de rien plus fort que du mal qu'ils te font. Ils trichent, ils pillent, ils volent, ils mentent, et ils te délèguent des chiens maudits, mages et faux experts, pour entretenir des illusions dont tu sens la fausseté
ô les langages des religions et de l'"économie" !
ô l'immonde des prêches de tolérance, voire d'amour, pour les vampires du monde, et les homélies d'humilité qui font la patience des pauvres et des esclaves !
ô l'abject des sons graves des orgues "d'économie" docte qui, sous prétexte "d'équilibre budgétaire", envoient les femmes du peuple accoucher dans la rue faute d'hôpitaux, et qui fabriquent pour les gavés des yachts porte-hélicoptères avec des sas pour sous-marin de poche à explorer les profondeurs !
Comme ils veulent t'empêcher de comprendre, t'enfermer dans la peur de mesurer leur méchanceté, la peur de saisir le point auquel tu te fais écraser, diminuer, humilier !
Ça devrait t'intéresser de le savoir, mais je comprends que tu n'en aies guère envie. Essayons tout de même. Tout est contre nous, même simplement le fait de te parler en te tutoyant, en proche, en camarade : car il faudrait chaque fois accorder au masculin et au féminin chaque adjectif où je dis ta condition, et ce serait lourd. Dis-toi bien pourtant que, quand je cris : "tu es écœuré", c'est aussi bien : "tu es écœurée". Vieilles habitudes de langues, pour le meilleur et pour le pire : je t'en prie, ne fais pas attention à ça. Retiens au contraire que ceci t'a été adressé en y pensant — souvent.

Il faut commencer par dire ce que tu affirmes trop bien savoir : c'est indispensable de te ramener à ce contact d'abord répugnant, à ce dégoût sur lequel comptent tes ennemis, pour en tirer ensuite l'énergie et les splendeurs de la révolte. Seulement, pour parler sans trop te heurter, on va passer par les mots dont on t'as forcé à prendre l'habitude. On corrigera le tir après.
En ce mai 2012 de France, quel est le bilan des années passées, maintenant  à redresser ? Dur à supporter, dur à dire.
D'abord une croissance incroyable dans les possibles, bons et moins bons ; d'un côté, qui serait positif si la répartition des biens était un peu honnête, on atteint des productions inouïes pour une quantité de travail donnée, on peut rendre le monde aisé pour tous ; de l'autre côté, négatif, on aboutit à une dévastation lamentable d'énergie. En termes consacrés, la "productivité" est devenue folle.
Ensuite, l'énormité de la perversion : justement par la facilité à produire et le succès technique, justement par le mieux-être possible, les fous du goût d'opprimer et de dominer ont fait par violence de polices et d'armées le chômage et la crise, partiellement fomentée puis exploitée effrontément ; au lieu d'en assumer la responsabilité, due à leur gestion criminelle, les accapareurs financiers en ont profité encore pour faire passer :
– l'allongement de la durée du travail avec extension du chômage
– l'allongement de la durée des cotisations pour le droit à la retraite, surtout à taux plein, avec même résultat
– la diminution ou suppression des droits sociaux notamment santé-soins et éducation-culture (écrasés de misère, les pauvres et les ignares sont plus faciles à gouverner)
– le démantèlement des services publics : EdF-GdF, Poste, et Téléphonie-Internet
– la dette publique explosée, due aux spéculations irresponsables des plus riches, puis encore enflée pour aider des banques en faillite frauduleuse : c'est cette "dette" que "doivent" ensuite les classes moyennes et les pauvres, exposés à toutes les duretés de rigueur-et-austérité, et volés encore de leur épargne par effacement sournois — les taux de rémunération de la petite épargne baissent toujours, tandis que l'inflation réelle sur les biens les plus souhaités, par exemple l'habitat, est en éruption
– la baisse de toutes aides sociales
– l'asservissement de la justice, par exemple : dans la jurisprudence, dans les réalités des jugements, les crimes contre la sécurité au travail sont désormais impunis, et la grande délinquance financière encouragée
– la destruction terroriste de la séparation des pouvoirs : la police opère un million annuel de gardes à vue, et se croit désormais tout permis, ce qui la rend chienne de garde satisfaite de sa gueule et de ses crocs, donc docile au système
– les licenciements massifs avec fermeture de pans entiers d'industrie, pour "délocaliser", c'est-à-dire imposer les faibles coûts de main-d'œuvre par un écrasement concerté : chômage dans les pays riches, et guerres coloniales dans les pays pauvres pour les obliger à accepter la corruption de dirigeants-compradores et la misère des masses
– la privatisation érigée en dogme pour le malheur des usagers : ça va des fonds de retraite à la fourniture d'eau et aux autres entreprises publiques (en attendant le tour de SNCF et Air France, pour le moment protégées par les exigences de service aux cadres)
– le détournement éhonté, au profit de la propagande d'argent, des organes qui devraient être ceux de l'information publique : "distraction" systématisée, silence sur la misère des vrais créateurs de richesses, sur les misères de ceux qui sont maintenus dans la pauvreté, silence sur  les méfaits, silence sur les malheurs ; au contraire tam-tam sans fin sur l'arrogance, tenue pour grandeur, des gens au pouvoir.

Tout cela se fait au profit des nantis et de leurs vices, profit complètement détourné de toute retombée sociale :
– sur le plan des individus, on refait des châteaux et du patrimoine pour les plus riches tandis que les sans-toit se multiplient, on favorise la prostitution de luxe (et on écarte les juges qui tentent d'appliquer un peu de loi, là comme ailleurs), on accable de bijoux, fêtes et autres gâteries gaspillées des êtres abjects
– sur le plan des entreprises, on élimine de la concurrence ce qui ne se soumet pas aux plus carnassiers — les banques réellement populaires sont ruinées tandis qu'en 2010, BNP Paribas pouvait faire état d'un bénéfice net énorme, en hausse d'un gros tiers sur 2009 : et c'est le même tableau pour les pétrolières, les chimiques, les pharmaceutiques et les autres.

C'est cela qui doit te faire comprendre que la formulation des rapports, économiques puis politiques et sociaux, n'est pas correcte dans le langage "public-privé" : c'est très concrètement "social-asocial" qu'il faut dire. Dans l'élan démocratique, le poids politique doit toujours davantage respecter la proportion du rôle social au service rendu socialement. Au contraire faire, des entreprises de productions et services, des boîtes à fromages pour accapareurs en chef et actionnaires ("privatiser"), c'est achever de donner tout le pouvoir aux nuisibles.
C'est vrai au niveau des gros prédateurs banquiers et financiers, c'est vrai au niveau de l'échoppe, et les petits commerçants savent bien pour quoi ils votent : ainsi toujours, il faut voir le tableau global pour saisir comment, par qui et par quoi le système peut se perpétuer. Sinon, à se fermer aux autres et aux faits, on est vite pris dans le tourbillon où on pense seulement à tirer son épingle du jeu ; tout le monde y perd, sauf les pervertis absolus — et encore : ils manquent les plus profonds des bonheurs humains. Mais je ne suis pas sûr que tu essayes vraiment de le comprendre, tu vois trop leur joie primaire et elle te parle ; et il est en effet difficile de surmonter l'écho en soi de la bête.

N'empêche que tu peux voir : dans ce monde-là, ce sont les plus pourris qui réussissent, c'est vers eux que l'argent court. Tu as vu cent fois les nuls gâtés et les capables écartés, parce que ce monde ne peut survivre qu'avec des petits chefs dociles à aboyer, partout. Tu as vu cent fois les ouvriers ratés choisis comme contremaîtres, les rampants promus dans les services administratifs, les profs incapables choisis comme proviseurs, les gros lards qui ne savent que grelotter sur un stade choisis comme dirigeants sportifs. Tu as vu des héritiers de PMI-PME qui, après avoir fait la démonstration de leur insuffisance mentale pendant dix ou quinze années de scolarité aussi assistée qu'improductive, en font la preuve encore en massacrant une entreprise qu'ils devraient maîtriser parfaitement ; tu les as vus se faire racheter par de gros restructurants qui licencient et délocalisent, mais qui leur permettent une retraite chapeau ; tu les as vus transmettre ensuite leurs "placements", des appartements avec leurs loyers, à leurs descendants propriétaires, aussi intellectuellement débiles qu'eux-mêmes. Tu as vu les paysans couvant jalousement le refus de culture chez leurs enfants, surtout les mâles, en les choyant d'autant plus qu'ils se montrent étanches à l'éducation, au savoir un peu élaboré, comme eux-mêmes l'ont été : ignares et fiers de l'être. Tu as vu ces petites commerçantes déchaînées, en assemblée de copropriétaires, contre les immigrés rendus incapables de payer leur loyer. Tu as constaté tous les aspects de cette France qui se dit de souche, et qui revient simplement à ceux qui ont sucé à leur tour les "biens" mal acquis par leurs ancêtres. Caricature du monde de pouvoir, grossie par les facilités d'échange et la fascination de l'argent mortel.

Tu me dis généreusement : ils ne sont pas tous comme ça, et même ceux qui le sont ne sont pas que cela. Soit. Mais veux-tu les laisser braire leur haine raciste jusque dans les transports et dans les cafés du commerce, sans même qu'on écrive un peu ce qu'ils sont ? Je comprends bien aussi que tu t'impatientes et que tu exiges des propositions d'action. Mais attends. Il faut pousser à son terme la description, voir clair pour voir que faire : car il faudra bientôt savoir quoi dire à ceux qui, d'abord timides, s'opposent à la solidarité, il faudra savoir comment répondre aux vendus qui s'y opposeront toujours. Il faut encore quelques touches.
Je vais me servir du livre "le Président des riches", des Pinçon ; je t'en recommande encore la lecture, mais je vais en étendre les thèmes et en radicaliser les conclusions.
Tu devines que, contrairement aux Pinçon, j'en veux à mort au vote et aux faux espoirs, à cette mort du citoyen qu'est l'incapacité à voir plus loin que le bout de son nez électoral. Il faut réexpliciter cela toujours.
Par exemple : le taux de parlementaires cumulant plusieurs mandats tourne autour de 10 à 15% chez nos voisins d'Europe : ici, on n'est plus loin des 100%. Ici toujours, les abstentions aux régionales de 2010 vont des deux tiers aux trois quarts chez les jeunes, les ouvriers, les employés : les "élus" ne sont plus que ceux des parvenus, des craintifs et des vieux — et tu devines, et tu vois, les gouvernants —. Le résultat, c'est que l'homme de pouvoir ne rend jamais les services pour lesquels il est élu : car s'il est puissant, il n'a jamais le temps d'être là où le peuple pourrait le rencontrer ; et incroyablement, il parvient à se faire respecter d'autant plus qu'il est plus enfoncé dans cet absolu d'antidémocratie.
  Cumul des mandats va avec cumul des vols. Des sommes démentielles sont offertes à ceux qui permettent d'accroître toujours les brigandages légalisés du système capitaliste : les gros actionnaires partout retrouvés sont d'autant plus rémunérés qu'ils sont non seulement inutiles, mais socialement nocifs. Et voilà encore ce que ce système met au sommet des pouvoirs !
Et toi, sous prétexte d'en sortir, tu entres dans le jeu des suffrages médiatiquement contrôlés, tu ne vois d'abord que les présidentielles sans même penser aux législatives un mois ensuite, tu n'imagines même pas l'automne prochain et ses "déceptions" ! et toi qui sais ce qu'est aimer, tu te laisses dire qu'au fond tu envies des crapules !

Cependant, tes ennemis en face, les pervers parvenus, ne connaissent plus que la folie du court terme et du toujours plus d'argent — argent finalement confondu avec tout pouvoir —. Le social, le politique, l'économique du totalitarisme financier méprisent le long terme, comme ils méprisent l'utilité commune qui fonde pourtant en principe les droits et les devoirs dans les "déclarations universelles". De là les spéculations sur monnaie et titres devenues pathologiques, poussant non plus seulement à la dévastation mais à la destruction de la vie sur la planète. Les financiers n'ont plus conscience de faire partie d'une humanité dont la perte entraînerait pourtant la leur : ils ne savent plus voir que préservation immédiate pour leur fortune volée ; ils ne veulent plus qu'Etats-voyous, gouvernés par des malades aussi atteints qu'eux-mêmes.

C'est dans ce monde-là qu'on te fait travailler, essentiellement contre toi et tes sœurs et frères — hélas plus ou moins reconnus par toi : car chacun perdant de vue ce qui n'est pas le quotidien dévorant, cannibale, il advient que de plus en plus de gens se referment sur soi —. Je n'ose même plus dire un peu des hauteurs, où pourtant il faudra se hisser pour retrouver nos plus grands élans, je vais rester à ce qui est possible tout de suite et sans trop heurter les pesanteurs admises. Ecoute.
Trop souvent, tu t'empresses de dire que "tu sais bien", tout et le reste. Dis-moi seulement alors qui compte dans ta région en affaires de pouvoir, quelles familles et quelles fortunes, par quelles entreprises, par quelles relations aux politiques de devanture : je parie que tu sauras me dire au mieux un exemple aveuglant, et encore sans les connexions qui lui donneraient sens — sans les rachats étrangers, le "mondial" (surtout anglo-saxon, directement ou par Suisse ou Allemagne interposée).
Dans l'état des affaires, c'est peut-être par là qu'il faut commencer : savoir qui tire tout à soi, près de chez toi, par quels circuits précisément. Les brigands n'aiment pas se faire connaître : il faut apprendre à les dénoncer en détail. Ils tâcheront alors d'enterrer les informations sur les entreprises qui pour le moment sont obligatoires, et tu devines leur terreur à l'idée qu'on apprenne comment et où ils logent leur discrète mais luxueuse intimité. Tu disposes là d'une sorte utile et légale de terrorisme, tu n'en profites guère : tu as tort. Il ne faut pas beaucoup d'amis pour entamer la recherche et la diffusion de connaissances sur les sangsues et les lois qui t'étranglent, à partir de documentations simples. Il ne faut pas aller bien loin pour les trouver, pour les concrétiser à ton échelle, pour que tu saches lire et faire lire ce que potentat veut dire, autour de ce qui se voit et se vit tous les jours. Il y a en notre temps des moyens d'imprimer et de diffuser dont auraient rêvé nos pères, et c'est cela qu'il faut faire, sans craindre les inévitables rétorsions. C'est une lâcheté de s'en prendre seulement aux gros requins mondiaux — peu inquiets de se voir dénoncer, inaccessibles —. Faire voir autour de soi qui est qui (Who's who), en richesse d'argent et de pouvoir, est bien plus fatigant que de déposer son bulletin de cendres dans une urne : mais c'est aussi beaucoup, beaucoup plus productif du point de vue de toi citoyen, et des autres citoyens. C'est bien autrement hardi et combatif que le susangeorgisme et la vanité en chambre des "solutions à la crise", qui énumère des rêves sans aucune chance de concrétiser les "mesures" pour les réaliser.

C'est cela, conclure : ouvrir sur l'action. Si tu prétends que ce qui t'est proposé ici est moins concret que les suffrages-cirques, c'est que tu as décidé de ne rien faire. Ce n'est pas uniquement la faute des autres.
Je te redis : si la productivité bondit et que la misère éclate, c'est que de plus en plus de pouvoir et de violence va de plus en plus vite aux mains des carnassiers. Retarder la révolte, c'est la rendre de plus en plus difficile et sanglante, c'est reporter son déclenchement à l'absurde devenu trop intolérable, c'est abandonner les recours et les atténuations de la raison, la maîtrise des choses et de l'histoire. C'est continuer à baisser la tête, comme cela s'est fait depuis surtout trente ans : il est incroyable qu'on se soit laissé enfermer à ce point dans l'impuissance, mais cela s'explique par le pourrissement des organisations qui furent de gauche, et la part du marxisme n'est pas rien dans ce pourrissement — tu sais ou tu peux lire partout sur ce blog ce que je ne cesse d'en dire.
En tout cas il faut, il est inévitable et obligatoire, de choisir : la vérité et la liberté, ou l'illusion et la mort.

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