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Ce blog comporte quatre parties :

– les articles simplement actuels

– des textes de fond, insistant sur le point de vue expressément politique adopté partout ici

– des rédactions plus anciennes par exemple à propos de simples citoyens d’un côté, de potentats de l’autre, aux Etats-Unis

– des échanges avec correspondants qui seraient trop restreints à l'intérieur des cases prévues.


mercredi 14 mars 2012

Fond 2 : Philosophie politique

Le reste du site, simple série d'applications de cette philosophie politique, est évidemment bien moins dense, et donc bien plus accessible : mais la vraie liberté exige aussi l'effort


Toute société, donc la nôtre, est système de pouvoir. Il s'y associe une forme économique. Mais ni le système, ni la forme, capitaliste ou non, ne sont de la "nature humaine". Il en résulte que si, au lieu de s'empresser à étudier des surfaces actuelles, on va chercher assez profond dans ce qui nous vient de l'histoire et même de l'évolution des espèces, on a des chances de comprendre tout le reste. Si au contraire on s'arrête au pseudo-concret des apparences présentes, on est d'avance vaincu. La question des élections de 2012 entre dans ce cadre de réflexion. La question des énormes injustices sociales et planétaires aussi. Le choix de départ est donc celui des chances de contribuer à la victoire de la cause humaine, ou de préparer de nouveaux et terribles échecs en refusant quelques heures de réflexion et de prise de distance à la trop fameuse "actualité".
On ne cherchera pas ici d'impossibles précisions de mots sur le fond humain ; on parlera pour abréger d'instincts. Alors, à la base de l'histoire et du présent, on doit voir quelque chose de très fort qui conduit à la volonté de pouvoir, et qui s'appelle en science du comportement l'agressivité. C'est l'écho universel de ce moteur premier qui, plus ou moins provisoirement mais avec une aisance terrifiante, rassemble les singes que sont les humains autour de tout et n'importe quoi. Les meneurs s'appuient là-dessus, les embarras des progressistes viennent d'une inconscience partielle ou totale de cette universalité animale. En outre — et c'est essentiel, ici et ailleurs — on n'en parle guère, et s'il arrive malgré tout qu'on en parle c'est pour sombrer très vite dans la rengaine des caractères exceptionnels de l'espèce humaine : folle vanité, pour refouler le terrible magma sous-jacent.
C'est ainsi que, au départ de tout grand mouvement de l'histoire, en général barbare par la force des choses, il y a une mise en condition par mensonges et illusions aux puissants échos : par exemple l'espoir de vie éternelle ou de pillage sans trop de risques — ceci résume en particulier l'histoire des Croisades —.
Pour fabriquer cette drogue préliminaire il faut :
– un représentant de surnaturel supposé invincible, guide, leader ou Führer
– un groupe ennemi assez étendu pour représenter l'arrachement potentiel d'importantes richesses
– un esprit de corps, sentiment d'appartenance à réchauffer régulièrement par litanies, hymnes ou autres martèlements de propagandes, qui se charge de différencier le clan agressif et les victimes désignées pour la conquête : celles-ci pouvant être les Noirs, les Indiens, les juifs, les femmes, les musulmans, les habitants de certains quartiers, les gens qui gagnent moins de 5.000 € par mois — c'est-à-dire n'importe qui, de préférence aussi aisément repérable que possible —.
A partir de ces trois volets de la constitution de troupes, les avides de divers égoïsmes et obédiences peuvent compter sur des partisans, en flots d'instinct grégaire. Cela aussi est primitif, donc d'une rare puissance et d'une absolue barbarie. Toute la question pour les seigneurs de guerre est là : répandre l'oubli féroce de la réalité humaine de base, au profit de jouissances perverses et intenses, au profit de l'ébriété ridicule et criminelle d'instables dominations ; ensuite et en conséquence, ils peuvent compter sur le respect de troupeaux pour l'arrogance et l'acharnement réactionnaires du pouvoir : toutes insolences que beaucoup appellent, par une bassesse de rare intensité, force voire grandeur de caractère.
Mais cette ébriété collective ne peut engendrer que des déséquilibres monstrueux, comme des guerres mondiales et coloniales (en 2011 : Libye récemment, Syrie tout à l'heure, Iran demain). De cette façon épouvantable, les psychopathes de la domination à n'importe quel prix ne sont certes pas ceux qui paient au départ les frais de leurs crimes. Il y a tout de même une immense affaire : la réalité les rattrape toujours, eux et leurs empires. Et quoi qu'on fasse, elle restera vivace de par les fondamentaux de "nature humaine", très dangereusement pour les tricheurs.

C'est cette réalité qui est le suprême recours progressiste et humaniste. Il faut, plus que tout, apprendre à la voir et à la faire voir, le plus vite et le plus largement possible. Même si tout ce qui est liberté, par exemple en livres, est brûlé par ordre du pouvoir — autodafés d'inquisitions ou de nazisme, interdiction de ce qui est paru après 1960 comme dans le 1984 d'Orwell ou interdiction totale comme dans Fahrenheit 451 — il suffit de la conscience de peu d'êtres pour indéfiniment repousser l'enfermement totalitaire.
Seulement, le pouvoir apprend chaque siècle de nouveaux procédés d'hypocrisie et de mensonge. Alors les gens de progrès auraient dû mieux apprendre depuis plus d'un siècle à redéfinir la vérité, la meilleure approche possible de la réalité compte tenu de ce qu'on sait en histoire et en science. Cette insurpassable puissance a été très largement négligée, au point que les malheureux incapables d'en saisir l'importance sont aujourd'hui majoritaires, de façon plus écrasante que jamais depuis les Lumières préparant la Révolution : on en est au point où seule une faible élite peut encore comprendre l'actualité du programme du Conseil National de la Résistance ; on en est au point où l'aventure du Front Populaire est discutée en cercles restreints, de manière encore partielle et partiale, pour alimenter une propagande et non pour en lire les leçons ; on en est au point où la mémoire est inexistante autrement qu'en vague angoisse pour ce qui dépasse une seule génération ; et peut-être à pire.

Pouvoir et mensonge d'un côté, réalité et vérité de l'autre, ce n'est pourtant pas si compliqué. Mais les illusions chatoyantes de fausses grilles de lecture des faits aboutissent à ce que cette simplicité ne soit guère d'accès immédiat.
Le savoir et la vérité, ou la raison assez juste pour saisir aussi la passion, procurent cependant les enthousiasmes les plus fermes et les plus durables. Le plus humain et le plus fort de tout, c'est l'alliance de la synthèse en toute rigueur et cohérence d'un côté, le ressentir en symbiose de l'autre. Ce n'est pas facile, ni évident. Mais c'est le plus fort. On peut entraîner vite des foules sur le thème d'une petite fille violée ou d'une prétendue civilisation occidentale : mais les media de la finance peuvent faire toutes les fixations qu'ils veulent sur pareilles plaies, ceux qui savent les cheminements de la prise de conscience humaine au long des siècles sont étanches à une telle confusion entre faits divers et information, instruction, histoire véritables.
Ceci est composé pour encourager à lier et relier toujours plus nettement l'actuel et le pérenne : si mal fait que ce soit, il suffit que ce soit, pour transmettre un peu de l'essentiel contre toutes les violences. L'écho du réel est aussi assuré que la vie même. Contre le vrai, les jouissances primitives et vicieuses ne valent pas, ne peuvent pas valoir, la hauteur au début inimaginable de ce qui s'élève au-dessus de mots comme idéal. Il est faux, même au nom du plaisir, de prétendre s'en tenir aux plaisirs immédiats. Il est pareillement insuffisant d'affirmer que "la voix de l'intellect est basse, mais continue". C'est plus et mieux : la voix du plus propre à l'homme est forte, plus forte que les barrières initiales des instincts. Seulement, c'est à terme, et beaucoup ne cherchent pas plus que l'échelle de leur vie. Ceux qui ont vu au delà d'eux-mêmes, les amoureux d'avenir, ont atteint le goût de ce que rien d'autre ne pourra remplacer. L'ardeur à la vue du plus élevé peut faire et fait parfois endurer jusqu'à la torture. Quelles que soient les mésaventures intimes, cette audace dépasse tous les découragements.

Il faut seulement lire de haut le déséquilibre de l'histoire.
Il y a, c'est vrai, la rapidité des forgeages de hordes qui unit par bouffées de sauvagerie des groupes parfois considérables, il y a une manipulation toujours plus raffinée de l'exploitation, de la contagion de ces profondeurs perverties. Mais rien ne pourra arrêter, rien n'arrête l'audace et la fierté, la prise de conscience, la cohérence tout humaine entre rigueur de constatation et empathie avec l'autre.
Il y a, c'est vrai, les aléas souvent féroces de l'aventure humaine. Mais il y a l'élargissement de l'humain, une vue toujours plus étendue que les premières apparences, une communion et un bonheur de plus en plus évidemment planétaires.
On n'avait déjà pas le droit de renoncer à changer le monde avant 1789. Aujourd'hui, avec les grands exemples acquis de moments guidant humainement l'histoire, on n'a plus aucun prétexte autre que de lâcheté pour abandonner la lutte. Les rechutes ne peuvent désespérer que ceux qui ont souhaité vivre seulement à leur pauvre échelle : les seules constructions possibles sont aux mains des autres.

Donc savoir — aimer et comprendre, aimer comprendre. Alors ne pas loucher sur une masse de fausses informations. De l'instant où on accepte de trier le tout-venant pour extraire le peu qu'il faut savoir, il ne reste qu'à compléter en présent, donc en acte. Au contraire la discussion égare tout de suite si on la restreint à des termes d'efficacité supposée immédiate. Ainsi il n'y a pas, il ne peut y avoir, de solution à la "crise de la dette de l'euro de la zone de l'union" en termes de monnaie : ou on revient à la lutte pour une condition vitale de la démocratie, à savoir la rétribution sociale très directement proportionnée à la contribution sociale, et on revit ; ou on autorise la fortune et le pouvoir personnels illimités de parasites, nuisibles et vampires et on s'enfonce dans l'asphyxie. On sent cela de toujours. On le sait depuis deux siècles avec une netteté croissante. Qu'on laisse donc les haut-parleurs haut-parler : qu'on les éteigne tant qu'on peut, et qu'on répande le vrai tant qu'on peut — en soi-même d'abord et cela conduit au reste : car on ne peut brûler d'une prise conscience véritable pour soi seul.

Il faut cette prise de conscience, cette vue claire de l'identité des problèmes dans le temps, avant les guerres mondiales ou aujourd'hui. Roger Martin du Gard mettait dans la bouche d'un belliciste de 14-18, à propos de l'Internationale, des millions de socialistes et de leur impact dans l'opinion :
« L'opinion ? Mon cher, avec un peu de poigne et un filtrage judicieux des informations, il nous faut trois jours pour provoquer un revirement d'opinion, en n'importe quel sens ! ». Et en effet les bellicistes, les pros de l'assassinat et du massacre, ont cru triompher : la guerre a bel et bien eu lieu. Mais il y a eu les mutineries, et puis les renouveaux de lutte sociale, et Amsterdam-Pleyel, et le Front popu. Ils ont cru encore triompher avec 39-45 : et il y a eu la Résistance, et le programme du CNR inscrit en préambule à la Constitution de la République, et mai 68, et novembre 95. Ils peuvent bien redoubler de tonfas et d'espionnage des citoyens : ce n'est pas fini. Il y aura d'autres conquêtes sociales. Il ne peut qu'y avoir d'autres conquêtes sociales. Il faut seulement se tenir prêt à les faire : si les révolutionnaires ne parviennent pas à déclencher la révolution nouvelle, les réactionnaires s'en chargeront.
Rien ne peut finir du progrès. Il y a seulement les dangers d'abdication provisoire de ceux qui ne voient que les forces d'en face, et ne songent qu'au facile. Mais la haine et les tremblements des tyrans contre l'information véritable doit suffire à rassurer. Les potentats esquiveront et manipuleront, longtemps : jamais autant qu'ils veulent, jamais assez pour empêcher finalement le passage des valeurs de l'espèce — elles aussi, comme les instincts, sont inscrites au fond des chromosomes. Et elles sont réservées aux progressistes, les criminels ne peuvent qu'en faire façade, puis un jour ou l'autre leur masque tombera. Les plus grandes forces sont de notre côté, à jamais.
En ce sens, les ennemis eux-mêmes nous disent ce sur quoi nous devons d'abord compter : le retour obstiné à l'essentiel. Ils peuvent multiplier les égarements, religieux, politiques, antisociaux individuels, éducatifs : les profondeurs sont à nous. Il n'est que de les faire encore et toujours ressentir.
Ainsi, les pouvoirs disent respecter justice et liberté. Mais c'est simple vérité, toujours présente, qu'ils les violent et que cela peut aisément se voir. Il nous revient de toujours dépasser la constatation restreinte et immédiate "d'actualité" : il nous revient de rappeler par quels juridismes immondes on a contourné le vote hostile des Français à la "Constitution européenne", vote acquis malgré un incroyable battage médiatique ; il n'y a aucun mal à dénoncer l'encouragement à l'injustice dans l'injustice : impôts sur les mutuelles de simple santé et décharges d'impôts pour les enflés de cupidité morbide. Et cependant, où sont criées des choses simples ? Le fameux horaire "d'été" a été fabriqué pour faciliter la tendance aux "heures sup" parce qu'un travailleur accepte plus aisément de rester au boulot si le soleil est encore haut dans le ciel, ce qui aide à supprimer des postes, à fomenter encore plus de misère et de chômage. De même, il faut faire voir que les actionnaires touchent d'énormes dividendes grâce à des robots déclarés leurs possessions, dont ils sont incapables de rien comprendre matériellement, et ne parlons pas d'inventer. Ce n'est pas cela qu'on répète. C'est cela qu'il faut répéter. A l'opposé de ces prises de réalité, des progressistes de salon et même d'autres fredonnent des dialectiques. De nouveau, il y a tout à faire et il est simple de commencer.

Bien sûr, la perspective est l'action commune, et donc la communication. Mais il est ridicule de situer tout cela dans les termes des ennemis : il est risible de se placer dans le système monétaire pour présenter des "solutions" aux crises financières. C'est même honteux. Il n'est pas dit partout que c'est honteux. Le dire est possible. Il faut le dire.
Là éclate, là éclatera l'incendie du rassemblement, des forces invincibles. On ne rassemble pas sur des poussières et des ruines, mais sur la vie au long de l'histoire, de l'expérience. Il faut élargir la lutte : ce ne peut être qu'en retrouvant d'abord des fondations saines, évidentes, omniprésentes. Le sacrifice à accomplir est d'abord de quelques heures par semaine, et puis d'une attitude contre les vents puants, les miasmes des pouvoirs. Il faut même aller à des réunions où ceux qui parlent le plus aisément sont ceux qui ont le moins à dire — si souvent présidents locaux de ligues des droits de l'homme, d'amis du Monde Diplomatique, ou d'ATTAC —. Il ne faut pas chercher à se faire élire. Il ne faut pas chercher à être immédiatement entendu. Il faut laisser le triomphe, des soirées électorales et autres campagnes, aux installés dans le confort de leurs faussetés militantistes. Il faut redire le plus fort de l'histoire et du présent, qui n'est facile ni à voir ni à faire voir.

Seulement, alors, le monde nous revient.

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